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Il arrive souvent à certaines personnes d'avoir envie de manger, même quand elles n'ont pas faim.

Zara Hasni, étudiante marocaine, se rappelle cette période difficile qu'elle avait traversée quand elle avait 15 ou 16 ans. « Je mangeais beaucoup pendant les périodes d'examen, surtout quand j'étais anxieuse », confie-t-elle à BBC News Afrique.

La jeune étudiante explique ensuite que cette sensation est aussi présente chez elle pendant la période d'hiver où elle ne sorte presque pas de chez elle.

« J'avais pris beaucoup de poids, je pense 20 Kg en plus ou moins un an ».

Il y a deux ou trois ans, Zara s'est finalement rendu compte qu'en fait, elle mange pour se sentir mieux. « Chaque fois que je vivais le stress ou que je ne savais pas vraiment quoi faire, je mangeais à la place ».

Comme Zara Hasni, beaucoup de personnes utilisent la nourriture pour soulager l'anxiété, le stress, la solitude, la tristesse ou l'ennui. Ce faisant, elles tombent dans ce que des spécialistes appellent une « faim émotionnelle », d'où l'expression « manger ses émotions ».

Ce trouble est très répandu aujourd'hui. Mais selon Dr Elvis Kokou Sodatonou, médecin-psychologue dans une clinique à Lomé au Togo, ce trouble s'est accentué pendant la période du Covid-19 où les gens étaient amenés à rester chez eux pendant le confinement.

« La routine, la solitude ou le fait d'être avec les mêmes personnes, de ne pas pouvoir sortir et aller au parc ou à la plage ont contraint beaucoup de gens à chercher leur refuge dans la nourriture », indique-t-il à BBC News Afrique.

Selon une étude menée par King's College de Londres et publiée dans The Lancet, ce trouble est apparu pendant ces périodes chez ceux qui n'en avaient jamais souffert auparavant.

L'enfermement provoquait donc une augmentation ou une aggravation de cas de faim émotionnelle.

« Manger ses émotions », un acte inconscient

Manger sous le coup de l'émotion n'est pas une question de gourmandise ni de volonté, selon les spécialistes. Il existe un lien plus subtil entre le corps et ce qui se passe à l'intérieur du corps, notamment l'estomac que ces derniers appellent le second cerveau.

Selon une étude de The Journal of Physiology en 2019, près de 200 millions de neurones connectent le cerveau à l'estomac. Un lien a donc été fait entre les émotions, la nourriture et l'estomac.

Dr Pascal Vidahossi, médecin psychiatre et pédopsychiatre confirme à BBC News Afrique que quand quelqu'un est stressé, il peut avoir des brûlures d'estomac.

« Quand il y a une détresse psychologique, le répondant peut être l'estomac ou tout autre partie de notre corps. Dans le cas d'espèce, l'estomac peut manifester une faim irrationnelle qui oblige la personne à manger pour avoir satisfaction ».

« Manger ses émotions » vient de cette sensation d'appétit qui est déclenchée par l'état émotionnel tel que la colère, la tristesse, l'ennui, la fatigue, l'anxiété, le stress, la solitude, la tension ou la dépression.

Cette faim émotionnelle, qui a pour origine ces émotions désagréables, n'est pas physiologique ou une faim physique.

Il est vrai que l'organisme a besoin de nourriture pour vivre. Et une bonne alimentation, selon le Dr Matthieu Tobossi, nutritionniste et diétothérapeute, aide l'organisme à atteindre un équilibre physique et mental sain. Mais on parle de faim émotionnelle lorsqu'une personne utilise la nourriture pour guérir des émotions désagréables.

Très souvent, ce désir de combler un vide reste un acte inconscient.

« Je n'ai jamais mangé comme ça quand je suis heureuse, plus consciente et plus présente. Aujourd'hui, j'essaie d'être plus consciente de ce que je mange », confie Zarah Hasni, qui ajoute : « Par exemple, je me demande pourquoi je mange, est-ce que j'ai faim ».

Le médecin psychiatre et pédo-psychiatre, Dr Pascal Vidahossi souligne que dans les situations de détresse psychologique dues à un traumatisme ou un stress important, l'organisme tend à rechercher une compensation pour s'auto-apaiser.

« Ces personnes peuvent être amenées à s'orienter vers la nourriture », dit-il. Cela conduit parfois, selon lui, à des phénomènes appelés des « accès boulimiques » où la personne « consomme de façon impulsive une quantité énorme de nourriture pour répondre à un vide ou apaiser une détresse ».

Et il enchaîne ensuite que les personnes victimes de la faim émotionnelle peuvent aller jusqu'à consommer des éléments non-comestibles « qui n'ont pas d'usage normalement pour l'alimentation ».

Une illusion de satisfaction

Se rabattre sur la nourriture peut sembler être la solution pour gérer ces émotions désagréables. Mais en réalité selon les spécialistes, c'est une illusion. Ce semblant de satisfaction disparaît à un moment.

Les choses sucrées surtout donnent ce sentiment de satisfaction. « Avec le temps, je me suis rendu compte que les alimentations sucrées que je prenais me donnaient un réconfort très court », indique Zarah Hasni.

Selon Dr Zeinabou Diallo, nutritionniste, les aliments trop sucrés, gras ou salés stimulent le cerveau et donnent une sensation de réconfort, de satisfaction et même de joie qui ne dure pas.

Ce qui amène la personne à en demander encore et tombe dans la suralimentation qui a des conséquences sur le corps.

Ce qui se passe dans le corps quand on mange ses émotions

La consolation dans la nourriture entraîne forcément une suralimentation. Le corps en ressent les effets. Le cortisol qui est une hormone du stress est sécrété abondamment lorsqu'on ressent ces émotions, selon Dr Zeinabou Diallo.

« Le cortisol ralentit la digestion et favorise le stockage des graisses », explique-t-elle, ajoutant que dans ce cas, la priorité n'est plus la gestion de la digestion, mais de la menace. « L'organisme perçoit le stress comme une menace ».

Pour elle, certaines carences en magnésium, Omega-3, fer ou en vitamines « augmente la vulnérabilité au stress, à l'anxiété ou à la dépression ».

Une alimentation guidée par les émotions peut nuire aux personnes qui en sont exposées. Si ça devient chronique, poursuit Dr Diallo, les personnes peuvent tomber dans des « troubles de comportement alimentaire qui sont pathologiques ».

Cela peut également engendrer des troubles digestifs chroniques, un surpoids ou de l'obésité.

« Le fait de culpabiliser et de perdre le contrôle de nos comportements alimentaires a des effets sur l'état psychologique de la personne ».

Que faire ?

La faim émotionnelle ne rend pas pleinement conscient, elle entraîne un sentiment de culpabilité et ne disparaît pas après avoir mangé. Elle est soudaine, urgente et insistante. Tout le contraire de la faim physique qui est progressive et peut être reportée.

Les spécialistes reconnaissent que la faim émotionnelle est un état qui peut toucher tout le monde à un moment donné. Mais lorsque la situation se présente, l'on doit d'abord essayer d'extérioriser ses émotions et de se faire accompagner par un professionnel.

Toutefois, quand l'envie de manger devient plus forte, il faut surtout éviter des aliments trop gras, trop sucrés et trop salés, selon le Dr Zeinabou Diallo.

« Si on veut vraiment manger, il faut préférer des fruits et des légumes qui sont moins caloriques et qui font courir moins de risque », dit-elle.

« Il faut aussi trouver d'autres alternatives comme faire du yoga, du sport » pour sortir du cercle vicieux de la faim émotionnelle.

« Je fais de petits exercices comme la plonge pour me sentir encore connectée avec mon corps », fait savoir Zarah Hasni qui ajoute que sa mère a été d'une grande aide pour elle pendant ces moments, lui rappelant qu'elle prenait du poids et ce qu'elle ne doit pas faire.

Des spécialistes recommandent d'écouter son estomac, s'il est plein ou vide, ne pas grignoter quand on est stressé, surtout quand on n'a pas faim.

Le mieux serait d'aller se promener, regarder un film, jouer avec quelqu'un, écouter de la musique ou encore appeler et discuter avec un ami au téléphone.

Dans tous les cas, il faut parler à ses proches ou amis comme le cas de Zarah Hasni ou tout simplement se confier à un professionnel.


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