vendredi 31 décembre 2010 par L'intelligent d'Abidjan

Aucune région du monde n'est épargnée. Le journaliste est partout en danger. Enlèvements, assassinats, agressions, censure anime le quotidien du métier de journaliste. Retrouvez le bilan de ces entraves à la liberté de presse en 2010.

2010 en chiffres
57 journalistes tués (-25% par rapport à 2009) / 51 journalistes enleves
535 journalistes arrêtes
1374 journalistes agressés ou menacés
504 médias censurés
127 journalistes ont fui leur pays
152 blogueurs et Net-citoyens arrêtes
52 blogueurs agressés
62 pays touches par la censure d'Internet

Moins de tués
en zones de conflit
En 2010, 57 journalistes sont morts en relation avec leur travail, contre 76 en 2009, soit une diminution de 25%. Moins de journalistes ont ete tués dans les zones de guerre au cours de ces dernières annees. Fait notable, il devient de plus en plus difficile d'identifier les assassins par- mi les groupes mafieux, armés ou religieux, et les Etats. Moins de journalistes ont ete tués en zones de guerre que lors des annees précédentes. Les professionnels des médias sont avant tout victimes des criminels et trafi- quants en tous genres. Les mafias et les milices sont les premiers assassins de journalistes dans le monde. L'enjeu, à l'avenir, sera de parvenir à enrayer ce phénomène. Les autorites des pays concernes ont une responsabilite directe dans la lutte contre l'impunite qui entoure ces crimes. Si les gouvernements ne mettent pas tout en ?uvre pour punir les assassins des journalistes, ils deviennent leurs complices , a declare Jean-François Julliard, secretaire général de Reporters sans frontières.

Le journaliste,
une monnaie d'échange
L'annee 2010 se démarque egalement par l'augmentation importante du nombre d'enlèvements : 29 cas en 2008, 33 en 2009, 51 en 2010. Le journaliste est de moins en moins perçu comme un observateur exterieur. Sa neutralite et sa mission ne sont plus respectees. Les enlèvements des journalistes sont de plus en plus frequents et concernent toujours un plus grand nombre de pays. Cette annee, pour la première fois, aucun continent n'a echappe à ce fleau. Les journalistes sont devenus une véritable monnaie d'echange. Les kidnappings permettent aux ravisseurs de financer leurs activites criminelles, de faire plier les gouvernements à leurs revendications et de diffuser un message auprès de l'opinion publique. Ils assurent une forme de publicite aux groupes impliques. Là encore, il faut que les gouvernements travaillent davantage à leur identification afin de les traduire en justice. Sans cela, les reporters - nationaux ou etrangers - n'oseront plus s'aventurer dans certaines regions, abandonnant les populations locales à leur triste sort , a declare Reporters sans frontières. En 2010, les journalistes ont ete particulièrement exposes à ce genre de risques en Afghanistan et au Nigeria. La prise d'otages d'Herve Ghesquière, Stephane Taponier et leurs trois accompagnateurs afghans, depuis le 29 decembre 2009, est la plus longue de l'histoire du journalisme français depuis la fin des annees 80.

Aucune région du monde n'est epargée
En 2010, des journalistes ont ete tues dans 25 pays differents. Depuis que Reporters sans frontières etablit son bilan, c'est la première fois qu'autant de pays sont touches. Près d'un pays sur trois se trouve sur le continent africain : Angola, Cameroun, Nigeria, Ouganda, Republique democratique du Congo, Rwanda, Somalie, soit 7 pays sur 25. Mais la region du monde la plus meurtrière reste, de loin, l'Asie avec 20 cas, en raison du très lourd bilan au Pakistan (11 journalistes tues en 2010). Sur un total de 67 pays qui ont connu des assassinats de journalistes depuis dix ans, une petite poignee (Afghanistan, Colombie, Irak, Mexique, Pakistan, Philippines, Russie, Somalie) ne connaissent aucune evolution. La culture de la violence contre la presse s'y est enracinee. Les trois pays les plus violents pour les journalistes au cours de la dernière decennie ont ete le Pakistan, l'Irak et le Mexique. Au Pakistan, où les annees se suivent et se ressemblent, les journalistes, vises par les groupes islamistes ou victimes collaterales d'attentats-suicides, ont paye le plus lourd tribut cette annee avec 11 morts. L'Irak a renoue avec la violence et totalise 7 decès de journalistes en 2010 contre 4 en 2009. La majorite d'entre eux ont ete tués après le retrait des troupes americaines fin août 2010. Les journalistes sont pris en etau entre les differents acteurs qui refusent leur independance (pouvoirs locaux, groupes corrompus, mouvements religieux, etc.). Au Mexique, l'ultraviolence des narcotraficants pèse sur l'ensemble de la population et, avec elle, sur les journalistes particulièrement exposes. Cet etat de fait a une forte incidence sur la façon dont l'actualite est traitee, les reporters reduisant au maximum leur couverture des affaires criminelles pour prendre le moins de risques possible. En Amérique centrale, le Honduras compte 3 tués en lien avec la profession. La violence politique depuis le coup d'Etat du 28 juin 2009 s'ajoute à la violence tra ditionnelle du crime organise, phénomène saillant dans cette region du monde. En Thaïlande, où les journaux peuvent jouir d'une relative independance en depit des problèmes récurrents en matière de liberte de la presse, l'annee a ete très dure. Deux journalistes etrangers, Fabio Polenghi (Italie) et Hiroyuki Muramoto (Japon), sont morts lors des affrontements entre les Chemises rouges, nom donne aux partisans de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, et les forces de l'ordre, à Bangkok en avril et mai 2010, très probablement sous les balles de l'armee.

Des assassinats
de journalistes dans
l'espace europeen
Deux assassinats de journalistes on eu lieu dans l'espace europeen, en Grèce et en Lettonie, et n'ont toujours pas ete élucidés. L'instabilite sociale et politique n'est pas sans repercussions sur le travail de la presse en Grèce, où Socratis Guiolias, journaliste et directeur de la radio Thema 98.9, a ete abattu à l'arme automatique devant son domicile au sud-est d'Athènes, le 19 juillet 2010. La police soupçonne pour l'instant un groupe extremiste de gauche apparu en 2009 sous le nom de Sehta Epanastaton (Secte des Revolutionnaires). En Lettonie, pays qui jouit d'un environnement plus calme pour la presse, Grigorijs Ņemcovs, directeur et redacteur en chef du journal regional Million, et proprietaire d'une chaîne de television locale du même nom, a ete abattu de deux balles dans la tête alors qu'il se rendait à un rendez-vous le 16 avril 2010.

Internet n'est plus
un refuge
Reporters sans frontières continue d'enquêter sur la mort, en juin 2010, en Egypte, du jeune Net-citoyen Khaled Mohammed Saïd, brutalise par deux policiers en civil après avoir ete interpelle dans un cybercafé, puis battu à mort dans la rue. Des informations ont circule, selon lesquelles sa mort serait liee à la mise en ligne d'une video incriminant la police dans une affaire de drogue. Les rapports d'autopsie ont explique son decès par une overdose de drogue. Mais les photos de son corps dementent cette hypothèse. Le nombre des arrestations et d'agressions de Net-citoyens reste relativement stable en 2010. Les pressions sur les blogueurs et la censure du Net se banalisent. Le filtrage n'est plus tabou. La censure prend de nouvelles formes : propagande en ligne plus agressive et recours de plus en plus frequent aux cyberattaques comme moyen de reduire au silence les internautes trop gênants. Autre point marquant, la censure pourrait ne plus seulement être le fait de régimes répressifs dans la mesure où des démocraties s'engagent dans des projets de loi inquiétants pour la liberte d'expression en ligne.

La dernière chance : l'exil
Face à la violence et à l'oppression, beaucoup de professionnels des medias sont contraints de fuir leur pays (127 journalistes en 2010 provenant de 23 pays). L'exode se poursuit en Iran, d'où vient, pour la deuxième annee consécutive, le plus grand nombre de journalistes en fuite (30 cas répertoriés par Reporters sans frontières cette annee). La Corne de l'Afrique continue de se vider de ses professionnels de la presse (15 professionnels des médias ont quitte l'Erythree et 14 la Somalie cette annee). L'exil force de 18 journalistes cubains incarcérés en mars 2003, expatries vers l'Espagne aussitôt après leur sortie de prison, constitue un fait marquant de l'annee 2010.
Source : RSF


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