mardi 11 janvier 2011 par L'intelligent d'Abidjan

Ivoiro-camérounaise, Eveline Adhépeau, estime que la situation que traverse la Côte d'ivoire n'a pas de qualificatif, sauf à inventer un nouveau mot pour définir le cauchemar que vit ce peuple paisible. Cette consultante en stratégie politique donne son regard sur la crise ivoirienne.
Quel intérêt ont, selon vous, des puissances à contester les résultats proclamés par le conseil constitutionnel ?
Pour moi qui suis un simple et modeste observateur de la vie politique. Je pose à ces puissances un certain nombre de questions. Quelle est la procédure de désignation du président de la République en Côte d'Ivoire ? Est-ce qu'ils avaient une autre procédure à nous proposer en venant en Côte d'Ivoire, sur quelle base jugent-ils l'élection de M Ouattara ? Est ce que la procédure légale qui émane de la constitution ivoirienne apparemment contestée par ces grandes puissances leur pose un problème ? Que cherchent-elles ? Veulent-elles mettre la Côte d' Ivoire sous tutelle ? En s'asseyant ainsi sur la constitution ivoirienne ne sont-elles pas en train de nier l'existence même de l'Etat de Côte d'Ivoire ? Voilà des questions simples qu'on pourrait poser à M Ban-Ki Moon et M Choi. Qu'ils nous répondent. Nous sommes perplexes face à ce déni de la légalité constitutionnelle en Côte d'Ivoire.

Comment jugez-vous le débat autour de la légitimité du président Laurent Gbagbo ?
Pour moi il ne devrait même pas y avoir de débat. Et puis curieusement ce débat se pose depuis son élection en 2000. Cela commence à devenir récurrent. On a vraiment l'impression qu'on nous amène dans des réflexions absurdes.

Pensez-vous que l'intervention militaire de la Cedeao est-elle légitime ?
Elle est complètement illégitime, tellement illégitime que même les Etats membres sont en train de rétropédaler par rapport à cette option militaire. Par contre, ce qui n'est pas du tout à écarter, c'est le plan de déstabilisation de la Côte d'Ivoire par les grandes puissances qui se cachent derrière la Cedeao. Maintenant, comment vont-ils faire ? Est ce qu'ils vont y arriver ? Là est la grande question.

Selon vous, qu'est-ce qui peut être à l'origine de la crise post-électorale qui secoue la Côte d'Ivoire ?
C'est quoi la Françafrique ! Moi ce que je vois c'est que Charles de Gaulle s'est retrouvé face a une volonté des peuples africains de s'émanciper dans les années 1960. Il a bien compris qu'on ne peut pas se battre contre des peuples. Aucune armée au monde ne peut vaincre des peuples. Parce qu'il avait à c?ur la défense des intérêts de la France, il a donc trouvé cet artifice qui consistait à donner une indépendance politique factice à ces Etats francophones en installant à leur tête des chefs d'Etat amis de la France. Là on était au 20è siècle. Aujourd'hui, on est au 21è siècle donc, ceux qui prétendent défendre les intérêts de la France devraient peut-être trouver des artifices adaptés à notre époque. Mais, qu'ils comprennent aussi que face à ces artifices les peuples africains qui ont, eux légitimement vocation à défendre leurs intérêts, ne vont pas se laisser faire.

Laurent Gbagbo ne serrai-il pas dépassé pour être à la tête de la Côte d'Ivoire ?
Je dirai qu'il est devenu une icône pour toute l'Afrique et tous les progressistes du monde. Voilà un Monsieur vilipendé, attaqué depuis près de 10 ans, mais qui résiste. On le ferait à moins. Car, si on se réfère à la mobilisation des Ivoiriens, des Africains et des progressistes du monde entier face à ce qui se passe en Côte d'Ivoire, les preuves sont là. Il est populaire. Le président Gbagbo n'est pas un aventurier. Je crois que le peuple Ivoirien l'a très bien compris, c'est un leader. Les Ivoiriens savent très bien où le président Gbagbo mène le bateau Côte d'Ivoire. Et j'en veux pour preuve (il y en a d'autres) le paiement des salaires du mois de décembre dernier. Ses détracteurs avaient dit que les fonctionnaires ne seraient pas payés. Son ministre des Finances a dit que les fonctionnaires seront payés le 22 décembre et les fonctionnaires ont été payés le 22 décembre.

Pour vous, Laurent Gbagbo est-il réellement élu ?
Les Ivoiriens l'ont dit en votant pour lui le 28 novembre et qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas les Ivoiriens ont voté pour lui, et il a donc été déclaré vainqueur d'après les lois ivoiriennes. Si on est légaliste et démocrate, on s'en remet à cela. Mais si on a des tendances putschistes et hors la loi on remet cela en cause et cela pose un autre débat. Et ce débat ne devra être tranché, encore une fois que par les lois ivoiriennes. Et à propos, que prévoit la loi ivoirienne contre les putschistes comme en France ou aux Etats-Unis ? Ce qu'on essaie de nous faire c'est de nous sortir d'une démocratie bien que naissante avec sûrement ses imperfections, mais néanmoins avec des règles et des lois que l'on se doit de respecter. On veut donc nous sortir de là pour nous amener vers une république bananière.

Pourquoi son élection est-elle remise en cause ?
Il faut le lui demander. Pourquoi a-t-il remis en cause l'article 11 de la constitution quand le président Bédié succédait à Houphouët ? Pourquoi a-t-il salué le coup d'état de 1999 comme étant la révolution des ?illères et qu'il a été annoncé sur le vol Air France qui le ramenait en Côte d'Ivoire comme le président de la Côte d'Ivoire ? Je n'ai pas inventé. pourquoi a-t-il contesté l'élection de Gbagbo en 2000 ? Pourquoi a-t-il félicité la rébellion de 2002 ?

Cette élection supervisée par l'ONU avait suscité tant d'espoir. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je n'ai rien de personnel contre ce Monsieur. Sauf que M.Choi dans sa déclaration juste après l'annonce des résultats provisoires par Bakayoko a déclenché tout ce désordre auquel on assiste actuellement. Enfin, c'est par sa reconnaissance empressée de l'élection de Ouattara que tout ce désordre est arrivé. Pourquoi n'a-t-il pas attendu comme au premier tour la fin du processus c`est-à-dire la validation par le Conseil constitutionnel des élections du second tour. C'est vraiment là, la question. C'est un peu comme les enfants qui jouent aux cartes et celui qui s'aperçoit qu'il est en train de perdre mélange tout. N'eut été les morts que cela engendre cela prêterait à sourire. Et on attend toujours qu'il vienne nous enrichir de sa science et nous expliquer quelle est sa méthode de comptage.

Le gouvernement du Professeur Aké N'gbo a sollicité par voie diplomatique le départ de l'opération de maintien de l'Onuci, Young-Jin Choi représentant spécial du SG a soutenu que le gouvernement est illégitime et qu'il ne partira point ?
Ils seront bien obligés de partir. Selon les lois ivoiriennes, à ce que je sache, le gouvernement Aké N'GBO est le gouvernement légal et légitime. Sinon, à ce moment là, moi aussi je pourrais me déclarer président de la Côte d'Ivoire. Alors, qu'on arrête cette grande farce.

Quelle leçon peut-on tirer de cette crise ?
C'est inédit au monde. Cela fera cas d'école. J'espère qu'on en sortira et très vite. Et sans exagérer, cela nous prendra au moins une génération pour disséquer cette chose bizarre, qu'est la crise ivoirienne qui dure maintenant depuis 1994.

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