vendredi 18 mars 2011 par Le Nouveau Réveil

Monsieur le professeur,
Dans le tumulte d`éclatements assourdissants des roquettes et obus, à l`?uvre de vos amis FDS, mercenaires et miliciens, qu`il me soit consenti de vous adresser, suite aux sommités de l`UA, ce lien épistolaire via les journaux, afin de vous inciter à plus de courage. Je vous demande pardon pour avoir utilisé votre titre de professeur en lieu et place de votre statut de militant. C`est à dessein. Selon les échos, vos étudiants vous appréciaient beaucoup pour votre savoir et, surtout, pour votre disponibilité généreuse. Je ne dirai pas la même chose sur votre attitude à guider une institution aussi prestigieuse et auguste, qu`est le Conseil constitutionnel.
Il me plait, aujourd`hui, de vous ramener à la réalité. Une réalité dramatique qui continue d`endeuiller les familles ivoiriennes par votre faute. Faisant fi de toutes considérations d`ordre moral, éthique ou philosophique, je m`en tiendrai donc aux faits, lesquels sont têtus, comme le disait Lénine.
A l`issue de la rencontre au sommet des membres du panel de cinq chefs d`Etat commis pour aider les Ivoiriens à régler pacifiquement la crise superficielle que vous et vos amis avez suscitée, sommet également élargi aux quinze membres du Conseil de Paix et de Sécurité de l`UA et à laquelle vous avez été convié, des Résolutions ont été prises. Parmi celles-ci, une vous concerne plus particulièrement. Il s`agit du Titre IV, 41. Dans cette Résolution, il a été démontré très clairement que vous n`avez pas dit le droit en supprimant près de 600.000 voix dans treize départements afin d`inverser le résultat proclamé par la Commission Electorale Indépendante et certifié par le Représentant Spécial du Secrétaire général de l`ONU.
Monsieur le professeur, quiconque à votre place, aurait déjà donné sa démission du Conseil constitutionnel après un désaveu public aussi cinglant que déshonorant. Mais vous, vous êtes fait d`une autre étoffe morale, à l`instar de tous les refondateurs dont vous portez haut les couleurs. Comme votre patron, l`ancien président, Laurent Koudou Gbagbo, à qui vous avez remis, comme une cerise sur le gâteau, les clés du palais présidentiel en commettant la plus ignoble des forfaitures dans un régime démocratique, vous ne faites, jusqu`à présent, preuve d`aucun acquis de conscience vous permettant de sauver votre honneur en accomplissant le geste juste qu`il vous faut. Aussi, afin de vous aider à sortir de votre trou d`indignité, je vais vous rapporter quelques éléments de votre forfaiture au but de vous convaincre qu`il est encore possible de rattraper et réparer le tort immense que vous avez causé, par votre zèle excessif et criminel, au peuple pacifique de Côte d`Ivoire que vous étiez censé servir.
Pour commencer, il est bon de dire aux refondateurs qui répètent à longueur de journée que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d`aucun recours, qu`ils mentent. Après la proclamation des résultats du premier tour de l`élection présidentielle le quatrième jour, donc dans un délai forclos si l`on s`en tient à vos déclarations, vous avez fixé la date du second tour au 21 novembre, surement sur recommandation de votre ami Koudou Gbagbo, le juge et partie, sans avoir même consulté la CEI. Empiétant sur le terrain de cette institution chargée des élections, il vous a été demandé de vous en tenir à la loi. Bien que vous n`ayiez pas voulu entendre raison, vous avez fini par condescendre à la prérogative exclusive de la CEI. Vous avez reculé malgré la décision sans appel de votre institution et validé la date du 28 novembre retenue la plus idoine par Monsieur Youssouf Bakayoko, fort de l`indépendance de son institution. En d`autres termes, vous vous êtes dédit une première fois. Cela a permis à votre protégé Gbagbo de signer le décret appelant à la tenue du second tour de l`élection présidentielle. Et le ciel n`est pas tombé sur nos têtes. Donc, obtempérant à l`injonction de l`UA, vous ne ferez qu`acte d`humilité aux yeux des ivoiriens.
Après l`organisation du second tour, comme vous le savez, la CEI a été empêchée de faire correctement son travail. Elle a subi l`assaut des hordes barbares de la refondation à la tête desquelles s`est tristement illustré un certain Damanan Pickass, avec la complicité des FDS présentes au siège de la CEI. Ce stratagème a eu pour résultat attendu par vous et les vôtres, de déclarer forclos le délai faussement imparti à l`institution électorale afin de vous saisir du dossier. Ainsi, lorsque la CEI a proclamé les résultats du vote du peuple souverain de Côte d`Ivoire, vous vous êtes précipité à la RTI-LMP, déclarer que les résultats proclamés par qui de droit, sont nuls et de nul effet, et que vous vous autosaisissez pour donner en trois jours, les vrais résultats. Ainsi, vous êtes-vous accordé trois jours pour ne pas dire le droit. Mais, un autre coup de théâtre, en seulement vingt-quatre heures, vous avez réussi le miracle surhumain de compulser 20.073 procès-verbaux, aller au-delà des réclamations initiales de LMP et arriver à l`élimination de treize départements favorables au candidat Alassane Ouattara pour aboutir à l`élection de Gbagbo Laurent. Quelle performance, Monsieur le président !
Monsieur le professeur,
Est-il utile de souligner que les éclaircissements que vous avez fournis, avec parcimonie, ont été jugés d`insuffisants, voire mensongers par les experts du haut panel lors de l`entretien qu`ils ont eu avec vous à Abidjan ? Au même titre que le président sortant, Gbagbo Laurent, et le président élu, Alassane Ouattara, les cinq chefs d`Etat du panel vous ont fait l`honneur de vous inviter à Addis-Abeba afin de vous entendre de nouveau. Pourquoi ne vous êtes-vous pas rendu, comme votre mentor Gbagbo du reste, à l`invitation de ces honorables chefs d`Etat ? Vous croyez-vous, par votre insolence, supérieur à ces imminentes personnalités ou aux peuples dont ils guident les destinées ? Aviez-vous eu conscience de votre déni de justice au point d`appréhender votre arrestation dans la capitale de l`UA ? Avez-vous, finalement, pris la dimension de votre forfaiture qui endeuille encore les familles ivoiriennes ?
Oui, cher collègue Yao-N`dré, puisque vous fûtes député, il est encore temps de vous rattraper. Le chef de l`Etat, S.E.M. Alassane Dramane Ouattara, dans son intervention télévisée du mardi 15 mars, vous a tendu la main. Comme ses pairs africains qui vous intiment l`ordre de procéder dans un délai de quinze jours à l`investiture du président voté par les Ivoiriens, il vous ordonne de respecter la loi en accomplissant votre devoir républicain conformément à la volonté exprimée par la majorité de nos concitoyens. Ne ratez pas cette ultime chance. Professeur agrégé de droit, vous ne pouvez ignorer que la responsabilité en droit en matière de délit, est avant tout individuelle. Lorsqu`il sera question d`aller au TPI, Gbagbo vous dira, à travers ses avocats, que " lorsqu`on vous envoie, il faut savoir vous envoyer ". Il ne pensera qu`à sauver sa tête en faisant de vous le bouc émissaire de tous les maux. Réfléchissez-y. Acceptez de prendre la main tendue du président de la République, celui-là même à qui vous avez tenté de voler la victoire, en revenant dans la République. Car, une faute avouée, est à moitié pardonnée. Faites-le pour vos enfants si vous les aimez et, surtout, pour la Côte d`Ivoire.
Le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani
Député à l`Assemblée nationale
Délégué départemental PDCI-RDA, Tanda I

Ma lettre ouverte à Paul-Yao N`dré président du Conseil constitutionnel/Je vous accuse !
Bonjour monsieur Yao-N`dré,
Je voudrais avant de vous dire ce que j`ai à vous dire, vous rafraîchir la mémoire sur les circonstances de notre première rencontre. C`était en 2006. A Divo. Vous aviez constitué un convoi à partir du siège provisoire du conseil général dont vous êtes le président, pour aller expliquer votre politique dans un canton. J`ai participé à toutes les étapes de cette mission, non à votre invitation, mais à mon initiative personnelle, étant présent dans la ville pour enquêter sur des actes subversifs menés par des jeunes bien connus de vous, contre certaines communautés.
A votre retour de cette mission qui a duré toute la journée, pour la simple raison que vous perdiez inutilement le temps en des causeries sans intérêt à des domiciles de certains de vos proches, nous avons longuement discuté dans la cour du siège provisoire du conseil général.
Ce jour-là, je me suis fait une idée précise de vous ; j`ai cerné votre personnalité. Je préfère vous le dire tout de suite, pour vous mettre à l`aise : vous m`aviez déçu.
En effet, vous avez passé le clair de votre temps à dire des méchancetés sur le compte d`un certain Jacob Akpalé, votre rival politique (comme je devrais le savoir plus tard) au sein du Front populaire ivoirien (FPI) dans la région du Djiboua. Tout le temps qu`a duré notre entretien, vous vous êtes glorifié de vos relations directes " sans intermédiaires avec Gbagbo ". A vous écouter, cette relation privilégiée vous suffisait comme programme politique, comme projet de développement. Je m`en suis convaincu car, c`est le seul message que vous aviez apporté à la population visitée, qui répondait inlassablement par des doléances d`ordre primaire: électrification, bitumage des voies, adduction d`eau, lotissement, école, etc.
Vous ne sembliez guère préoccupé par les doléances de vos électeurs et cela m`a intrigué.
J`ai été d`autant plus intrigué par votre personnalité, quand à la fin de notre conversation, sinon de votre long monologue, (nous étions debout, à la merci des moustiques et dans le noir, toute chose qui m`a dévoilé un autre pan de votre personnalité), vous m`aviez invité à aller danser avec vous dans un bar nouvellement ouvert à Divo. Je tombais des nues et j`ai décliné l`invitation. A quelqu`un que vous connaissez très bien car il est journaliste dans votre région natale, j`ai confié : " Cet homme n`a aucune vision, n`a pas de souci pour son peuple et ne mesure pas le poids de ses énormes responsabilités ".
Aujourd`hui encore, je sais que je n`avais pas tort d`arriver à cette conclusion implacable à votre sujet, et c`est la raison pour laquelle, quand je vous ai vu à la télé nationale le 2 décembre, révélant à mots à peine couverts que vous alliez inverser les résultats du scrutin du 28 novembre ; le lendemain, je n`ai point été surpris.

Monsieur Yao-N`dré,
Vous remarquerez que je ne dis pas " Professeur " ou " monsieur le Président ". Je ne peux pas vous appeler par ces termes parce que je pense que vous ne méritez pas ces titres. Je vais vous dire pourquoi, même si vous le savez.

Monsieur Yao-N`dré,
Je vous accuse ! Tous ces morts, tout ce sang, tous ces pleurs et ces grincements de dents, toutes ces destructions, toute cette violence, ont un rapport avec votre très intelligente décision du 3 décembre 2010. Ce jour-là, en tordant le cou au droit, vous pensiez que c`était un jeu, vous saviez que votre acte produirait des effets désastreux, pourtant vous avez pris la responsabilité de poser cet acte lourd.
Je vous accuse parce que vous avez inventé le droit plutôt que de le dire. En effet, vous avez décidé d`annuler les résultats dans treize (et non sept, comme je l`entends) départements dans la moitié nord du pays, pour inverser les résultats du scrutin, alors que cela n`est écrit nulle part dans notre code électoral dont vous étiez censé être le gardien.
Je vous accuse parce que vous vous êtes senti obligé d`annuler les résultats dans le département de Séguéla alors que la requête du candidat Laurent Gbagbo ne portait pas sur ce département. Aucun crime n`est parfait, et dans la précipitation de votre coup (je ne parlerai pas de forfaiture, ce serait vous manquer de respect), vous avez inclus ce département dans le lot des résultats à annuler.
Je vous accuse parce que le 2 décembre, à la télé nationale, vous aviez annoncé que la Commission électorale indépendante (CEI) était hors délai, en ce qui concernait la proclamation des résultats, alors que vous-même admettiez, plus tard, que nulle part, notre code électoral ne mentionne un délai pour la proclamation des résultats.
Je vous accuse parce que devant les Experts désignés par l`Union africaine, vous souteniez que la CEI ne vous avait pas transmis à temps (après les trois jours légaux) les procès-verbaux des bureaux de vote, ce que, dans la précipitation, vous aviez omis de dire lors de votre show télévisé.

Monsieur Yao-N`dré,
Je vous accuse en vous invitant à relire votre très intelligente décision du 3 décembre 2010. Vous affirmiez dans cette très intelligente décision que vous avez reçu les PV les 30 novembre et 1er décembre (donc dans le délai prescrit) de la part de la CEI, et vous précisiez qu`ils ont été " réceptionnés par le secrétariat du conseil constitutionnel ".
Je vous accuse parce que vous savez très bien, étant un homme de droit et, circonstance aggravante, un constitutionnaliste, que votre décision a violé les dispositions constitutionnelles qui fondent l`organisation même de l`institution que vous êtes censé diriger. En effet, vous avez été incapable de produire la moindre copie du procès-verbal de la réunion plénière des cinq membres du conseil, qui a abouti à votre décision.
Je vous accuse parce que vous avez été incapable de fournir le moindre rapport des huit rapporteurs adjoints, qui, selon la constitution que vous prétendez défendre, étaient censés enquêter sur les allégations de fraude au Nord, proclamées par M. Laurent Gbagbo.
Je vous accuse parce que si vous avez été incapable de fournir ces rapports à toutes les missions qui se sont succédé en Côte d`Ivoire, c`est tout simplement lié au fait qu`ils n`existent pas.
Je vous accuse parce que si ces rapports n`existent pas, cela veut très logiquement dire que vous avez pris une décision unilatérale, illégale, anticonstitutionnelle et inconstitutionnelle. Je vous accuse !

Monsieur Yao-N`dré,
Si cent jours après le second tour de l`élection présidentielle, nous sommes dans cette situation imprévisible, dangereuse et dramatique, c`est à cause de votre décision.
Je vous accuse d`avoir joué avec le droit. Je vous accuse d`avoir joué avec nos vies. Je vous accuse d`avoir cru, comme vous me l`aviez fait croire à Divo à notre première rencontre, que ce risque était une partie de danse dans un bar.
Regardez donc autour de vous. Regardez le chaos qui s`est installé à Toulépleu, écoutez les pleurs de cette femme qui vient de voir son enfant brûler à Yopougon, voyez la désolation de cet homme qui vient de découvrir que sa femme a été mortellement fauchée par une balle traitresse et assassine à Abobo, contemplez donc, si vous osez, la misère qui s`est emparée de cette famille de planteurs à Hiré, comptez avec les organisations des droits de l`homme les centaines de morts depuis votre décision " historique ".

Monsieur Yao-N`dré,
Demain, quand M. Laurent Gbagbo va perdre ce pouvoir qu`il est en train de perdre lamentablement et honteusement, vous pourrez toujours avancer que ce dernier vous a contraint, sous la menace, de prendre cette décision qui est en train de détruire notre Nation. Certaines personnes pourront vous croire, moi non. D`autres personnes pourront vous prendre en pitié, moi non. Les nouvelles autorités pourront vous assurer l`impunité, ma soif de justice non.
Je vous le dis hic et nunc : quand cette situation finira, je serai votre pire cauchemar. Je ne prendrai aucune arme contre vous. Mais je ferai de votre interpellation et de votre inculpation, une affaire personnelle. Je vais hanter les juridictions nationales, tourmenter les juridictions internationales, harceler les médias nationaux et internationaux, ameuter les organisations nationales et internationales pour que justice soit rendue à ce peuple qui ne méritait pas que vous jouiez avec lui comme vous danseriez avec des jeunes filles dans un bar de Divo.
En attendant le jour où mon esprit tourmenté par tant d`horreurs survenues du fait de votre " sage " décision, sera tranquille.
En attendant ce jour (c`est-à-dire le jour où vous répondrez de votre très intelligente décision devant la justice des hommes) où ma conscience ébranlée par tant de morts que vous auriez pu éviter, sera apaisée, je vous souhaite de commencer à méditer, si vous en êtes capable, sur ce paragraphe tiré de la Bible : " Le scandale est permis, mais malheur à celui par qui le scandale arrive ". Je vous accuse parce que vous êtes celui par qui le scandale de la destruction de notre Nation, est tragiquement arrivé, ce jour désormais maudit du 3 décembre 2010, où dans votre parfaite clairvoyance, vous avez scellé le sort de millions de personnes qui ne demandaient rien d`autre que l`application du droit, la proclamation de la justice, bref, le respect de leur droit de suffrage.
André Silver Konan

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