lundi 28 mars 2011 par AFP

ABIDJAN - D`interminables files d`attente pour acquérir une bouteille de gaz hors de prix: cette scène devenue habituelle à Abidjan résume la situation du pays, plongé par la tourmente post-électorale dans une profonde crise économique dont la population est la première victime.
Problèmes d`approvisionnement, inflation, chômage, course au "cash" sur
fond de système bancaire grippé: tout le quotidien, des familles comme des
entreprises, est bouleversé par la crise née de la présidentielle de novembre
entre le chef d`Etat sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu
président par la communauté internationale.
"Les prix grimpent", se lamente Fatou. Pour cette employée d`un
établissement financier, plus question d`acheter de la viande, trop coûteuse,
et même un petit poisson qui "s`achetait à 250 FCFA est maintenant vendu à 500
FCFA (75 centimes d`euros)".
Si la jeune femme vit en famille dans un secteur relativement épargné
d`Abobo, quartier d`Abidjan au coeur des combats entre les deux camps, la vie
reste particulièrement pénible: "on ne mange pas à notre faim. On mange
uniquement le soir", dit-elle à l`AFP.
Locomotive de l`Afrique de l`Ouest francophone et leader de l`Union
économique et monétaire régionale (Uémoa, dont elle représente 40% du PIB), la
Côte d`Ivoire traverse la plus grave crise économique et sociale de son
histoire.
Les sanctions imposées depuis début 2011 par l`Union européenne au régime
de M. Gbagbo, pour l`asphyxier et le forcer à céder le pouvoir, ainsi que la
rupture entre Abidjan et la banque centrale ouest-africaine (BCEAO) expliquent
pour l`essentiel ce choc.
"L`économie a été cassée en deux mois", relève une source diplomatique
européenne.
L`embargo européen sur les ports et la suspension des exportations de cacao
- dont le pays est premier producteur mondial - décidée par M. Ouattara et
suivie par les multinationales, ont été des mesures "radicales" pour une
économie "aussi tournée vers l`extérieur", ajoute-t-elle.
Le port d`Abidjan a enregistré une baisse de son trafic évaluée entre 25 et
30%, alors qu`il apportait avant la crise quelque 90% des recettes douanières
du pays, reconnaît Ahoua Don Mello, porte-parole du gouvernement Gbagbo.
"La machine économique a été comprimée" mais, selon lui, cette crise a
valeur de "leçon": il faut "mettre fin à l`époque coloniale" et "chercher de
nouveaux partenaires" hors d`Europe, dans les pays du Golfe, en Asie ou en
Afrique.
Mais en attendant, l`économie ivoirienne étant largement coupée de
l`extérieur, c`est tout le secteur privé qui tourne au ralenti.
"L`activité se réduit comme peau de chagrin, on en est à moins 50%" en un
mois, explique un entrepreneur français du secteur de l`ameublement.
Conséquence: les mesures de chômage, technique ou sec, les mises en congés
ou les réductions de salaires se multiplient.
"Le chômage aurait atteint les 40 à 50% de la population", avançait
récemment la Fédération internationale des droits de l`Homme (FIDH).
Le manque de liquidité entraîné par la coupure avec la BCEAO, ainsi que la
fermeture de la majorité des banques - hors les établissements publics -,
affectent aussi la vie courante.
Ces derniers temps, des employés ivoiriens d`entreprises basées à
l`étranger couraient au Ghana voisin récupérer leur salaire, envoyé via des
sociétés de transfert d`argent. Et des groupes ayant conservé beaucoup de
"cash" dans leurs tiroirs se transforment à l`occasion en agents de change.
"Gbagbo et Alassane affirment chacun de son côté qu`ils veulent le bonheur
des Ivoiriens, lâche un consultant en informatique. Mais là, il faut qu`ils
comprennent qu`ils nous font mal".

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