lundi 11 avril 2011 par AFP

PARIS, En permettant par son intervention l'arrestation
du président sortant Laurent Gbagbo, la France a accéléré un dénouement du
conflit ivoirien mais a pris le risque d'apparaître comme partiale en
soutenant à bout de bras le camp de son rival Alassane Ouattara.
Après dix jours de combats indécis, les hélicoptères de la force française
Licorne ont à nouveau tiré dimanche et lundi contre le dernier bastion des
partisans de M. Gbagbo sortant à Abidjan et préparé l'assaut final victorieux
des troupes fidèles à M. Ouattara, le président reconnu par la quasi-totalité
de la communauté internationale.
Sitôt le feu vert donné aux troupes françaises, la présidence de la
République s'est appliquée à souligner que cette opération répondait à la
demande expresse du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon et dans
le strict cadre de la résolution 1975 du conseil de sécurité.
L'ordre d'ouvrir le feu a été donné pour "neutraliser les armes lourdes
utilisées contre la population civile", après les "attaques" et les
"exactions" des derniers jours attribuées au camp Gbagbo, a fait savoir
l'Elysée.
Et, une fois confirmée la chute du chef de l'Etat ivoirien sortant,
l'entourage présidentiel comme l'état-major des armées ont assuré de concert
qu'il avait été arrêté par les troupes de M. Ouattara et pas par les forces
françaises, ainsi que le clamaient les proches de Laurent Gbagbo.
"A aucun moment les troupes françaises n'ont pénétré dans l'enceinte de la
résidence" où il était retranché, a-t-on assuré, concédant tout au plus que
Licorne et les forces de l'ONU avaient participé au "soutien de l'opération".
La chute de Laurent Gbagbo a été accueillie comme un soulagement en France,
notamment par ceux qui, dans l'opposition, redoutaient un enlisement ou que
Laurent Gbagbo ne devienne un "martyr".
Lundi, le patron des députés PS Jean-Marc Ayrault s'est réjoui du départ de
Laurent Gbagbo qui "n'a que trop tardé à cause de sa propre obstination à
refuser le verdict des urnes" et a appelé son successeur à être "le garant de
la paix civile" en Côte d'Ivoire.
Mais les zones d'ombre qui entourent les conditions de l'engagement
français n'ont pas fait taire ceux qui regrettent que Nicolas Sarkozy ait
soutenu aussi ouvertement le camp Ouattara, malgré ses promesses de prudence
et de "réserve" vis-à-vis des ex-colonies de la France.
Selon une source proche du dossier, Paris devait encore fournir ces
jours-ci plusieurs tonnes de matériel militaire pour les troupes de M.
Ouattara.
"Nous n'avions probablement pas d'autre choix que d'intervenir", concède un
ex-ministre centriste, "mais les conséquences seront lourdes pour la France,
dont le moindre geste est observé à la loupe dans toute l'Afrique".
"C'est une erreur monumentale que de s'afficher aussi ouvertement à côté de
Ouattara", juge un fin connaisseur du continent. "Quand bien même il prendrait
les rênes du pays, il apparaîtra comme un homme de la France, ce qui n'est pas
idéal lorsqu'il s'agira de pacifier le pays"...
Même si Alassane Ouattara a promis d'en punir les auteurs, le clan Gbagbo
se plaît à rappeler les accusations de massacres portées contre ses troupes
par l'ONG Human Rights Watch (HRW). "Ouattara est déjà disqualifié pour
diriger le pays", tranche Bernard Houdin, un des conseillers du président
sortant, "je ne vois pas comment Paris peut encore le soutenir".
"La France doit sans attendre exiger que toute la lumière soit faite sur
les événements ayant fait des victimes civiles et prendre ses distances avec
M. Ouattara, dont on risque de comprendre trop tard qu'il n'est guère plus
fréquentable que son prédécesseur", a estimé en écho le député PS Gaëtan Gorce.

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