vendredi 29 avril 2011 par AFP

ABIDJAN, Vainqueur de l`élection présidentielle en Côte
d`Ivoire, Alassane Ouattara n`a accédé au pouvoir que par la force des armes
de l`ex-rebelle Guillaume Soro, "Premier ministre de combat" et pilier du
nouveau régime jusqu`à la stabilisation complète du pays, jugent des experts.
"Alassane Ouattara a gagné la présidentielle dans les urnes en novembre
2010, mais il a été fait roi par les armes par Guillaume Soro et la France en
avril 2011", résume Antoine Glaser, spécialiste de l`Afrique et ancien
directeur de La lettre du continent.
Cette alliance, rendue obligatoire par le refus de Laurent Gbagbo de céder
le pouvoir, risque de mettre à mal la réputation d`Alassane Ouattara,
technocrate lisse, ancien directeur adjoint du FMI, adoubé par la communauté
internationale.
Une image policée qui contraste avec les photos publiée par la presse
ivoirienne du cadavre ensanglanté de l`ex-putschiste Ibrahim Coulibaly, dit
"IB", abattu mercredi par les Forces républicaines de Côte d`Ivoire (FRCI),
pour avoir tardé à déposer les armes, après avoir pourtant contribué à
déstabiliser le régime de Gbagbo.
Officiellement justifiée par la normalisation sécuritaire voulue par le
président Ouattara, la mort d`"IB" a permis de trancher un vieux conflit
fratricide: l`ex-putschiste était perçu comme une menace par Guillaume Soro,
son éternel rival de la rébellion de 2002.
"Ces dernières semaines, on sentait qu`une nuit des longs couteaux se
préparait. Ibrahim Coulibaly avait des ambitions politiques, mais surtout il
était soupçonné, à tort ou à raison, d`être à l`origine de l`attentat contre
l`avion de Soro en 2007", rappelle Antoine Glaser.
Et le chef d`Etat n`a pu qu`exprimer ses condoléances à la famille d`"IB",
son ancien garde du corps.
"Alassane Ouattara a fait le choix d`un Premier ministre de combat, pour
répondre à la force utilisée par Laurent Gbagbo. Les forces politiques et
sociales qui ont permis à Ouattara de gagner les élections ont dû faire place
à des forces militaires qui lui ont permis d`assumer effectivement le
pouvoir", juge Gilles Yabi, directeur pour l`Afrique de l`Ouest au sein de
l`International Crisis Group.
Le 11 avril, Laurent Gbagbo, hébété, est ainsi capturé à Abidjan par les
ex-rebelles des Forces nouvelles, rebaptisées FRCI, à l`issue d`une offensive
de deux semaines, appuyée par la force française Licorne et celle de l`ONU.
Mais les FRCI de Guillaume Soro ne sont pas tant une armée qu`un ensemble
d`unités hétéroclites aux uniformes dépareillés, commandés par des chefs de
guerre aux surnoms évocateurs: Chérif Ousmane "Papa Guépard", Issiaka Ouattara
"Wattao", Hervé Touré Pélikan "Vetcho" et son "bataillon mystique", ou encore
Ousmane Coulibaly "Ben Laden", qui ont été accusés de corruption et de crimes
de guerre.
Le nouveau pouvoir a besoin de ces alliés encombrants pour maintenir
l`ordre et mettre fin à l`activité de miliciens pro-Gbagbo retranchés dans le
quartier de Yopougon à Abidjan.
"Tant que la situation n`est pas normalisée, tant qu`il y aura de
l`insécurité, Guillaume Soro, Premier ministre et ministre de la Défense, sera
l`homme fort du pays. Plus le pays va se stabiliser, plus Ouattara sera fort",
souligne Antoine Glaser.
En attendant, "il est certain qu`Alassane Ouattara ne peut pas tout à fait
avoir les mains libres", selon Gilles Yabi.
Cette cohabitation pourrait déstabiliser le pays, craignent certains
observateurs.
"Ministre d`Etat comme premier job dans la vie à 31 ans, Premier ministre à
35, sauveur de la République et de la démocratie à 39, que te reste-t-il,
Guillaume ?", demande sur le site Slateafrique l`écrivain et éditorialiste
Venance Konan. "A être président de la République, pardi ! Mais auras-tu la
patience d`attendre?"

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