samedi 28 mai 2011 par Le Patriote

Quelques heures avant de se rendre à Deauville pour le sommet de G8, le Président ivoirien, Alassane Ouattara était l'invité d'Europe 1, une radio française. Pendant 11 minutes, le chef de l'Etat a décliné sa vision pour la nouvelle Côte d'Ivoire

Q : Les grands du G 8 vous attendent tout à l'heure à Deauville avec le FMI et la Banque mondiale. Quelle somme allez-vous-leur demander pour la Côte d' Ivoire ?
Alassane Ouattara : la Côte d'Ivoire a besoin de 15 à 20 milliards d'euros pour les cinq prochaines années. C'est l'évaluation de mon programme. Je souhaite que ce soit une confirmation de l'appréciation de la démocratie en Côte d'Ivoire. Il faut réduire la pauvreté. Il faut faire sortir la Côte d'Ivoire de cette longue période d'agonie économique et réconcilier les Ivoiriens. Il y a un prix à payer. Je compte sur le G8 pour le faire dans le cadre d'un partenariat.

Q : L'enjeu, c'est la démocratie ?
AO : Il faut la démocratie. La Côte d'Ivoire peut être un exemple. Nous allons mettre en ?uvre des mesures fortes aussi bien dans le domaine du respect des règles démocratiques mais également du respect des droits de l'homme.

Q : A cause de la guerre, il n'y a plus de croissance en Côte d'Ivoire ?
AO : Malheureusement, il y a même une régression de plus de 7 % cette année estimée par le Fonds monétaire. 3% de croissance l'année dernière, c'est donc une chute de 10% qu'il faut financer.

Q : Vous dites que le G8 peut vous aider et comme il l'a fait pour la Tunisie et l'Egypte ?
AO : Oui, le G8 doit nous aider. Parce que la Côte d'Ivoire a été un cas d'école. L'ONU a suivi notre élection. Nous avons fait des efforts très importants. Nous sommes en période de sécurisation, de stabilisation. Le pays a besoin de soutien.

Q : Barack Obama a demandé que vous soyez installé près de lui. Vous serez donc entre Barack Obama et Nicolas Sarkozy ?
AO : Le Président Sarkozy a promis d'ailleurs un programme d'aide de désendettement du développement de 2 milliards d'euros, bien sûr, je demanderai un peu plus au Président Obama.

Q : La guerre civile a fait des milliers de morts ?
AO : 3000 morts en cinq mois.

Q : Les coupables ont été arrêtés ou vont être arrêtés, est-ce qu'ils seront jugés ?
AO : Oui, ils seront jugés, sans distinction!

Q : Quels qu'ils soient ?
AO : Quels qu'ils soient, où qu'ils soient. Que ce soient des personnes de mon bord, des personnes de Laurent Gbagbo. Nul ne sera au-dessus de la loi.

Q : Vous avez le rapport d'Amnesty international, c'est un rapport accablant sur l'armée de Laurent et Simone Gbagbo ?
AO : C'est bien. Mais il faut d'abord faire des investigations. J'ai demandé à la commission des droits de l'homme de l'ONU de faire ce travail. Attendons les résultats. N'allons pas trop vite en besogne.

Q : Mais Amnesty international s'en est prise à vos soldats, qui auraient commis des crimes. Est-ce que vous les poursuivrez?
AO : Les investigations seront faites et nous punirons. Ils seront devant le juge, si cela est avéré. Nous voulons un Etat de droit et nul ne fera exception à cette volonté d'assainir la situation en Côte d'Ivoire.

Q : Vous dites, pas deux poids deux mesures ?
AO : Exactement. La justice égale pour tous.

Q : Hier pour la première fois, Laurent Gbagbo a pu recevoir ses avocats. Vous voulez qu'il soit jugé vite?
AO : Oui ! Il le faut. Laurent Gbagbo est un criminel. Toute cette violence a été provoquée par Laurent Gbagbo et sa femme. La Côte d'Ivoire est dans un état clinique et il faut absolument guérir ce pays. Il y aura la réconciliation, il y aura le pardon mais pas [relatif] aux crimes de sang, crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre.

Q : Vous avez dit récemment qu'il faut qu'ils soient jugés par la justice ivoirienne et la justice internationale?
AO : Tout à fait. Nous ne sommes pas totalement équipés pour faire tous les jugements. Tout ce qui est lié à la corruption, à l'atteinte à la sureté de l'Etat, à la forfaiture sera jugé par les tribunaux ivoiriens. Mais les crimes de sang, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité seront du ressort de la cour pénale internationale.

Q : Donc Laurent Gbagbo va passer de sa belle résidence actuelle à la prison ?
AO : Mais le juge décidera. A priori, il y a tellement de faits accablants que je pense qu'il lui sera difficile d'échapper à la prison.

Q : Est-ce qu'il aura les droits, tous les droits pour sa défense ?
AO : Il a déjà tous les droits pour sa défense. Ses avocats étaient avec lui hier. Cela continuera.

Q : Combien d'argent a-t-il ou aurait-il détourné ?
AO : Nous allons faire un point. Nous pensons que c'est par centaines de milliards. Déjà, les achats d'armes non autorisés. Alors que la Côte d'Ivoire était sous embargo des Nations unies, mais il a dépensé plus d'un milliard d'euros sur les sept dernières années à acheter des armes et des munitions.

Q : Vous avez confirmé Guillaume Soro comme Premier ministre et vous lui avez demandé de former un gouvernement. A quand la formation de ce gouvernement ?
AO : Guillaume Soro fait un travail important, un travail remarquable. Nous l'avons nommé en accord avec le président Bédié. Le gouvernement sera pour les prochains jours.

Q : Est-ce que vous formerez votre gouvernement avec les forces politiques qui vous ont combattu ?
AO : Toutes les forces politiques significatives seront représentées y compris le front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, si évidemment il le souhaite.

Q : Soro doit associer tous les partis, toutes les régions, toutes les ethnies?
AO : La Côte d'Ivoire veut se réconcilier. Pour cette réconciliation, il faut que tous soient présents. Et nous avons un programme économique difficile à mettre en ?uvre. Il faut également que la société civile soit associée.

Q : A quand les premières élections sous l'ère Ouattara ?
AO : je le souhaite avant la fin de l'année probablement, en novembre décembre.

Q : Autrement dit, le gouvernement Soro est un gouvernement de transition ?
AO : C'est un gouvernement de transition jusqu'aux élections législatives.

Q : Vous dites politique de réconciliation, comment vous l'imaginez, comment voulez-vous qu'elle fonctionne ?
AO : J'ai mis en place une commission dialogue, vérité et réconciliation un peu comme en Afrique du sud. Ce ne sera pas calqué sur l'Afrique du sud. Nous allons nous en inspirer. Il faut qu'il y ait un dialogue, que nous sachions la vérité. A l'issue de tout cela, tout ce qui est comportement pouvant être pardonné le sera. Mais les crimes de sang seront punis.

Q : Réconciliation mais avec des limites ?
AO : Réconciliation mais justice. La procédure judicaire doit suivre son cours et doit être équitable pour tous.

Q : Le peuple ira-t-il loin dans la vengeance ?
AO : Non ! La Côte d'Ivoire doit sortir de l'impunité. Par conséquent, c'est un modèle que nous voulons imprimer à la démocratie en Afrique. Parce que la démocratie veut dire également sortir de l'impunité.

Q : Vos deux priorités sont l'économie et la sécurité, est-ce que les milices seront désarmées ?
AO : Oui ! Nous avons commencé. Nous avons fait le travail d'exclusion pour les milices d'Abidjan. Nous en avons repoussées. Beaucoup sont actuellement à la frontière entre la Côte d'Ivoire et le Libéria. Nous continuons ce travail. Nous allons demander d'ailleurs le soutien de la France et de l'ONU pour le faire.

Q : Les ressortissants français n'ont-ils rien à craindre. ? Est-ce que vous demandez à tous ceux qui sont rentrés en France pendant la guerre, de revenir en Côte d'Ivoire ?
AO : Beaucoup sont revenus. Il faut d'ailleurs rendre hommage au président Sarkozy et à l'ONU. Parce qu'en réalité, il y a 15000 Français en Côte d'Ivoire, aucun français n'a été tué ou blessé. Ils sont tous là. Beaucoup étaient allés dans les pays voisins, mais ils sont de retour. La France a agi sous mandat des Nations unies. C'était une bonne chose. Si elle ne l'avait pas fait, elle aurait été en faute.

Q : Que se serait-il passé si la France et les Nations unies n'étaient pas intervenues ?
AO : Si l'ONU et la France n'étaient pas intervenues, nous aurions eu un conflit beaucoup plus long avec des dizaines sinon des centaines de milliers de morts comme au Rwanda. Ce serait terrible.

Q : Est-ce qu'il est vrai que c'est vous qui avez demandé à Nicolas Sarkozy que la Licorne reste en Côte d'Ivoire ?
AO : Je l'ai demandé. Et je souhaite aussi que la base française du 43e Bima soit réactivée et continue de rester en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire est un pays important. Nous avons une influence régionale qui va jusqu'à la frontière de l'Algérie, il y a des risques de terrorisme, des risques de trafic de drogue. Par conséquent, nous avons besoin d'un système non seulement militaire mais aussi un système de renseignement sophistiqué. Et la France peut nous donner cet appui.

Q : Pourquoi la base, il y a 1600 soldats ?
AO : Il y a 900 soldats. C'est une évaluation que nous allons faire. Je pense que nous allons le faire ensemble. De toutes les façons il faudra reprendre l'accord de défense. Il faut un nouvel accord de défense, de la coopération militaire avec a France. Il n'y aura pas de clauses secrètes. Nous serons transparents. C'est parce que la Côte d'Ivoire tient à sa souveraineté.

Q : Est-ce qu'avec vous on va revoir les profiteurs de la France -Afrique ?
AO : Ce que j'ai fait par le passé le démontre. Il n'est pas question de continuer d'entretenir des réseaux, des personnes qui vont piller et exploiter l'Afrique. Nous serons très sévères. Les intérêts de la Côte d'Ivoire seront préservés. Et nous ferons en sorte que la Côte d'Ivoire soit un pays modèle en matière de gouvernance.

Q : Deux français ont été enlevés le 4 avril dernier, est-ce que vous avez retrouvé leur trace ?
AO : Nous avons quelques informations nous conduisant aux miliciens qui les ont arrêtés. Nous continuons des les interrogés. Mais nous n'avons pas de nouvelles précises malheureusement jusqu'à présent.

Q : sont-ils en vie ?
AO : Nous allons continuer les investigations. Ils ont été enlevés par des pro-Gbagbo.

Q : Quoiqu'il arrive les kidnappeurs seront punis ?
AO : Cela va de soit.

Q : En arrivant au pouvoir, souvent les dirigeants promettent la lune, la démocratie, monts et merveilles qu'ils oublient rapidement, est-ce que vous respecterez les droits de l'opposition ? Quel président vous serez ?
AO : Je serai un président qui non seulement a été démocratiquement élu, mais qui exercera son mandat dans un cadre démocratique, qui s'occupera du peuple ivoirien et qui contribuera à ouvrir la Côte d'Ivoire sur le monde entier. J'ai beaucoup d'ambition pour la Côte d'Ivoire et pour l'Afrique.

Q : vous êtes en train de vivre votre rêve ?
AO : J'ai toujours souhaité apporter une contribution à mon pays. Je suis heureux de pouvoir le faire maintenant.

Retranscrits par Thiery Latt

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