jeudi 9 juin 2011 par L'Inter

? La galère des voyageurs
? Le bitume inexistant sur des tronçons

Abidjan-Ouagadougou ou Ouagadougou-Abidjan. Dans un sens comme dans l'autre,
c'est un trajet difficile pour tout voyageur qui choisit de passer par la route, à bord
d'un car de transport. Racket sur les routes, voirie fortement dégradée, traversée
nocturne et nuit pénible dans les gares routières. C'est la galère que vivent au
quotidien les usagers de cet axe. Notre carnet de route.

Rallier Ouagadougou, la capitale politique du Burkina Faso, à partir d'Abidjan (Côte
d'Ivoire) par la route, est un véritable chemin de croix pour les voyageurs qui
choisissent les cars de transport en commun. Nous avons fait cet amer constat à
l'occasion d'un voyage au Pays des hommes intègres durant la semaine du 25 mai au
au 1er juin dernier. Mardi 24 mai en fin de matinée, nous embarquons à bord d'un car
à la gare routière d'Adjamé en direction de la ville de Bouaké. Le trajet se passe sans
incident ni contrôle routier jusqu'à cette première destination. L'axe Abidjan-
Yamoussoukro, à l'occasion de la traversée, présente un nouveau visage avec les nids
de poule totalement refermés. Quant à l'axe Yamoussoukro-Bouaké, il est resté égal à
lui-même; une route fortement dégradée. Cela n'empêche pas de découvrir à Bouaké,
une ville très animée avec une circulation intense où voitures et motos se disputent la
route. Contrainte de passer la nuit à Bouaké avant d'embarquer le lendemain dans un
autre véhicule pour Bobodioulasso (la capitale économique du Burkina Faso), nous
choisissons de nous adonner à une virée nocturne dans le quartier Ahougnansou.
Assise dans un maquis en plein air en train de déguster une soupe, nous avons
l'occasion de voir de grosses cylindrées et des véhicules de type 4X4 double cabine
circuler. La plupart de ces véhicules n'ont pas de plaque d'immatriculation. Un patron
d'une société de sécurité sur place avec qui nous partageons notre dîner, voyant notre
étonnement, laisse entendre que tous ces véhicules viennent d'Abidjan. Certains
jeunes qui voyaient leurs amis revenir d'Abidjan avec des véhicules ont décidé
également d'aller tenter leur chance. Mais, ils ne sont pas arrivés loin, puisque dans
leur précipitation pour atteindre très vite Abidjan, ils ont fait une sortie de route et
sont tous morts , a déploré notre interlocuteur. Triste sort pour ces jeunes qui
pensaient ainsi disposer d'un véhicule avec facilité. N'empêche que certains ont réussi
à ce jeu, et leurs victimes ne retrouveront plus jamais leurs véhicules arrachés de
force à Abidjan et convoyés vers des destinations diverses, comme Bouaké.

Des véhicules arrachés de force à Abidjan convoyés sur Bouaké

La nuit passée dans le centre de la Côte d'Ivoire a été calme et paisible. Tôt le
mercredi matin 25 mai, nous embarquons à nouveau dans un car d'une compagnie
burkinabè, cette fois-ci pour Bobodioulasso. A 7H, au moment où le car s'apprête à

sortir de la gare, un élément des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) saute à
bord du véhicule puis s'adresse à nous en ces termes: Chaque passager doit payer
normalement la somme de 1 000 FCFA au corridor nord (ndlr: à la sortie de Bouaké
en allant au nord de la Côte d'Ivoire). Dans le car, nous encaissons seulement 300
FCFA par personne . Le caractère paisible du voyage, d'Abidjan à Bouaké, prend
ainsi fin. Place désormais au racket. Pourquoi les voyageurs doivent-ils payer de
l'argent à ce corridor? La réponse de cet élément des FAFN est automatique. Parce
que ceux (ndlr: les FAFN) qui tiennent ce corridor ne sont pas payés , rétorque-t-il.
Mieux vaut interrompre l'interrogatoire, au risque d'attirer l'attention sur nous. De
Bouaké à Katiola, la traversée est difficile mais supportable. Par contre, de Katiola à
Ouangolo, en passant par Ferkéssédougou, le voyage est un véritable enfer. Des pans
entiers de goudron ont disparu de certains endroits de cet axe. Et cela, dans
l'indifférence des forces armées présentes dans ces zones, qui n'ont malheureusement
d'autre souci que de rançonner les usagers de ce tronçon: les voyageurs et les
transporteurs de grosses charges de marchandises. Un élément des FAFN n'hésite pas
à nous confier qu'au poste de contrôle de la frontière Laleraba, plus de 60 millions de
FCFA de recette sont encaissés chaque jour. Nos chefs sont simplement méchants.
Avec cet argent, ils peuvent logiquement songer à refaire les routes. Mais non, bien
au contraire, ils préfèrent se remplir les poches , a dénoncé cet élément. A notre
passage à ce poste frontière, chaque passager est obligé de débourser la somme de
200 FCFA. Les détenteurs d'un passeport payent le prix fort, à savoir 1 000 FCFA
pour avoir le cachet de la frontière dans leur carnet. Passé la frontière ivoirienne, tout
le reste du trajet se déroule sans incident aucun. Du poste de gendarmerie de Yendéré
à Bobodioulasso, en passant par la frontière de Yendéré, le bureau des douanes de
Niangologo et la ville de Banfora, aucun centime n'est demandé à un passager. Seules
les identités des voyageurs et leurs carnets de vaccination font l'objet de contrôle.
Pareil pour la traversée de Bobodioulasso à Ouagadougou. Les différents postes de
péage sur les routes du Burkina Faso permettent ainsi d'avoir des routes plus ou
moins praticables. Après un séjour agréable d'une semaine dans la capitale politique
du Burkina faso, nous décidons de rentrer à Abidjan. Le départ a lieu le mercredi 1er
juin 2011 à partir de 23H, à bord d'un car de transport en direction de Bobodioulasso.
Deux éléments des forces de défense burkinabè, armés de kalachnikov, prennent
place à bord des deux cars pour sécuriser le voyage. Après plus de 5H de route, nous
sommes dans la capitale économique du Burkina, une ville encore endormie. Il faut
attendre de 4H du matin à 7H avant d'embarquer dans un autre car de la même
compagnie pour atteindre la ville de Bouaké. L'attente à la gare de Bobodioulasso est
difficile. La salle d'attente est surchauffée. La chaleur suffocante qui règne dans la
salle oblige les voyageurs à attendre dans la cour de la gare, quand d'autres préfèrent
se mettre carrément dehors. Soudain, des coups de feu déchirent la nuit paisible de ce
jeudi 2 juin et obligent les voyageurs qui attendent dehors à rentrer dans la gare. C'est
que le Burkina Faso traverse une crise socio-militaire intermittente depuis quelques
mois.

Le racket toujours intense sur les routes ivoiriennes

Les coups de feu entendus sont l'expression du mécontentement de certains militaires
de la ville de Bobodioulasso. Ils ont jeté la peur dans les rangs des voyageurs. Tout le
monde est pressé de quitter la ville. Pendant cette attente devenue désormais difficile,
il faut aussi se soulager. Dès cet instant, l'on doit faire face à une autre préoccupation.
Les toilettes n'étant pas très hygiéniques. Malgré cela, il faut débourser la somme de
50 FCFA et plus pour les différents besoins. Charger les bagages dans les différents
coffres du car est aussi un autre souci, du fait du trop plein de bagages. Les voyageurs
se bousculent donc aux différents coffres à bagages. Certains sont obligés de remettre
des billets de banque aux chargeurs pour voir leurs bagages montés rapidement.
La bousculade et la pagaille sont également monstre à la montée du car. Quoi de
plus normal, quand plusieurs voyageurs se retrouvent détenteurs du même ticket de
siège pour une seule place? Dans le cas de figure, une personne doit descendre pour
attendre le prochain départ, ou pire, attendre le départ du lendemain. Avec l'assurance
des bagages montés à bord du car et installée confortablement dans notre siège, finie
donc la galère. Il faut reprendre le chemin du retour sur Abidjan en comptant toujours
avec les mêmes rackets aux différents postes de contrôle comme à l'aller. Mais le
souci majeur cette fois-ci, c'est d'arriver très vite à Bouaké pour pouvoir emprunter un
autre véhicule afin de rallier très rapidement Abidjan. Après toutes les tracasseries,
montées et descentes, nous parvenons à la gare routière d'Adjamé à 23H30.

Irène BATH
Envoyée spéciale à Ouagadougou (Burkina Faso)

Code ph: racket routier
Légende: La traversée des différents corridors sur l'axe Abidjan-Ouangolo, comme
c'est le cas au corridor nord de Bouaké ainsi qu'au poste frontière de Laleraba, est
soumise à d'intenses rackets.

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