vendredi 15 juillet 2011 par Nord-Sud

Célestin Noutoua Youdé, transfuge de l'Udpci, cadre du Rpp de Laurent Dona Fologo et membre du Cnrd, commente l'actualité politique en s'appesantissant sur la démission du président par intérim du Fpi, Mamadou Koulibaly.


Le 30 juin dernier, à l'ouverture de la 1ère session du Conseil général de Danané dont vous êtes le président, vous avez été admiratif pour le ministre Albert Toikeusse Mabri, le président de l'Udpci, votre ancien parti politique. Est-ce à dire que le temps des palabres est maintenant loin derrière vous ?
Je n'avais pas de palabres avec Mabri, nous avions des choix qui se sont disloqués à un moment donné et cela n'empêche pas que nous demeurions des frères appartenant à la même région, Danané. Et donc, ayant reçu une nomination, à un poste (ministre d'Etat, ministre du plan et du développement, Ndlr) prestigieux, au-delà des félicitations personnelles que j'ai pu lui adresser, il était important que le conseil général que je dirige, au nom du département de Danané, lui adresse ses félicitations. Mais au-delà de sa personne-même, remercier celui qui a bien voulu le promouvoir c'est-à-dire le président de la République, Alassane Ouattara.

Redeviendrez-vous aussi des ?'camarades?' au sein de l'Udpci ?
Non, il vaut mieux à un moment donné, savoir s'arrêter. Je pense que la dynamique de réconciliation qui est en cours ne nous conduit pas à l'uniformisation de nos pensées, de nos choix, de notre point de vue. Il est important que nous gardions nos diversités d'opinions pour rendre notre pays solide et fort. Il faut faire en sorte que chacun reste dans sa chapelle politique. Et, demeurer dans sa chapelle politique, ce n'est pas faire la guerre à l'autre.

En un mot, l'Udpci, c'est fini !
Oui, pour moi, c'est fini. Depuis 2007, je suis au Rpp (Rassemblement pour le progrès, la paix et le partage, ndlr) avec le président Laurent Dona Fologo.

Le Rpp, membre du Cnrd, est aujourd'hui en restructuration. Est-ce que ce sera la continuité avec ce groupement politique ?
Lorsque vous sortez d'une crise majeure comme celle que nous avons vécue en Côte d'Ivoire et qui s'est achevée par la guerre pratiquement, personne ne peut pronostiquer de l'avenir aussi bien des individus que des formations politiques, et même des opinions. Mais, ce que je crois, et qui doit être bien pour notre pays, c'est que cette restructuration qui est en cours permette qu'une opposition suffisamment forte s'installe en Côte d'Ivoire. Pour permettre justement à ceux qui sont au pouvoir de savoir qu'il y a cette opposition et de les amener toujours aller vers la recherche du bien-être des Ivoiriens. C'est de cette façon que les choses devraient fonctionner et cela aidera énormément notre pays.

Comment appréhendez-vous l'avenir du jeu politique ou de l'adversité politique qui s'opèrent dans des partis politiques ?
Il n'y a pas d'adversité, vous connaissez notre constitution qui reconnaît à tout le monde le droit de créer son parti politique pourvu que cette formation politique ne soit pas ethnique ou ne s'articule pas sur un cantonnement d'idéologies destructrices pour notre pays, pour notre cohésion et notre solidarité. A partir de ce moment-là, il faut espérer que les partis politiques qui vont travailler à la reconstruction de notre pays, et cette reconstruction n'appartient pas seulement à ceux qui gouvernent, fassent en sorte que la cohésion revienne dans ce pays-ci. Que le jeu politique devienne un véritable jeu où le perdant sait qu'il a perdu et le gagnant sait qu'il a gagné. Et, que le travail que le gagnant fait profite à toute la nation et à tous ceux qui habitent ce pays.

Quel commentaire faites-vous sur la démission du président intérimaire du Fpi ?
D'abord, je dois vous avouer que je ne suis pas du Fpi. Donc la cuisine interne au Fpi concerne en premier lieu les militants de cette formation politique, mais naturellement elle intéresse les alliés que nous sommes. Et les alliés que nous sommes, observons le cadre propice pour prolonger cette réflexion, et c'est le Cnrd. Le Fpi a convoqué une réunion importante pour le 23 juillet au niveau de son secrétariat général, nous verrons ce qu'ils vont décider. Ceci dit, il faut laisser à chacun la liberté de faire ce qu'il a envie. Le président Mamadou Koulibaly est un grand intellectuel. Il a occupé des postes importants dans ce pays et il est le président de l'Assemblée nationale. Au niveau du parti, il était celui-là même qui devrait diriger le parti après le départ d'Affi, de Mme Gbagbo ; je crois qu'il faut observer, être patient et souhaiter que ce remue-ménage ne soit pas la cause de la dislocation d'une force qui s'est constituée sur plusieurs années et qui a drainé l'espoir et l'espérance de milliers d'Ivoiriens. Nous pensons que les choses vont se ressouder et amener la Côte d'Ivoire à une opposition responsable.

Quelle est, selon vous, la meilleure combinaison pour aller à la paix ?
La question de justice est importante ; tout le monde est d'accord et en premier lieu, le président de la République pour qu'elle ne soit pas sélective. Que cette justice ne soit pas celle des vainqueurs contre les vaincus. Que cette justice permette à tous les citoyens ivoiriens qui doivent répondre de quelques fautes commises puissent le faire. La justice, oui ! Car, on ne peut pas bâtir un pays sans la justice. Mais, naturellement, comme les déchirements, l'effritement de cette cohésion sociale, ont été profonds, nous devrions surmonter toutes les passions. Nous devrions panser toutes les plaies et les haines pour aller vers la reconstruction de notre solidarité nationale qui ne peut et ne doit exclure aucun citoyen.

Des Ivoiriens veulent partir des évènements de 2002, d'autres militent en s'y opposant et fixent le point de départ à la crise post-électorale de 2010. Dans quel camp vous situez-vous ?
Moi, j'aurais bien voulu savoir votre position personnelle au niveau de Nord-Sud parce que ce que nous avons vécu dernièrement, c'est l'aboutissement d'une crise qui a commencé quelque part. Et, je crois que le début de cette crise-là c'est depuis 2002. C'est une question de bon sens. Et je crois que si vous voulez balayer de manière efficace pour que la nation qui va éclore soit une nation de solidarité, de paix et un Etat de droit, il faut savoir que quelque chose nous a amenés à cette crise-là. Puisque les élections de 2010 étaient considérées comme devant achever une crise qui a commencé en 2002. Mais si vous vous consacrez seulement à 2010, vous aurez pris la conclusion d'un devoir qui a commencé il y a bien longtemps.

Vous êtes également le président du conseil général de Danané. Un département situé à la lisière de la frontière ivoiro-libérienne ; quel a été l'impact de la crise post-électorale sur cette partie du pays ?
Catastrophique ! Pour plusieurs raisons, d'abord par rapport à notre situation géographique. Nous sommes adossés à deux pays : le Libéria et la Guinée. Aussi, parce que nous sommes très éloignés d'Abidjan. Par ailleurs, notre chef-lieu de département, Danané, était dans la zone Cno (centre-nord-ouest, ndlr). Et durant toute cette crise, le financement était difficile pour les entités décentralisées que sont les mairies et les conseils généraux qui étaient dans la zone Cno. Tout simplement parce que les entrepreneurs eux-mêmes craignaient d'y investir et puis l'Etat n'avait pas de moyens pour financer la reconstruction. Or, la destruction de notre région a commencé avec la guerre du Libéria en 1989 qui a déversé sur notre territoire un nombre impressionnant de frères et de s?urs libériens. Toute chose qui a fragilisé nos infrastructures et la crise de 2002 a aggravé davantage la situation.

Quel est l'état des lieux réel et quels sont les projets du conseil général pour l'amélioration des conditions de vie des populations?
Je dois avouer que les projets, nous les avons. Nous avons été élus non pas pour décrire les problèmes de notre région mais pour les résoudre. Mais pour les résoudre, c'est l'Etat qui donne le financement aux communes et aux conseils généraux. Notre pays n'a eu de moyens ces derniers temps, ce qui fait que les projets que nous avons conçus au niveau des Infrastructures, de la Santé, de l'Ecole n'ont pu aboutir tous faute de moyens. Ce que nous espérons, c'est que dans le programme d'urgence du président de la République, sur lequel, le gouvernement est invité à travailler, l'accent soit mis sur notre région. Et que de manière assez déterminante, le gouvernement puisse agir pour la désenclaver, pour faire la route de Danané-Guinée, Danané-Libéria et de Zouhan Hounien à Bloléquin. Il y a aussi les questions d'infrastructures importantes chez nous, comme les établissements secondaires ; il n'y en a pas beaucoup dans une région peuplée, parce que la région de Danané est la plus peuplée après Abidjan. Nous avons fait un collège à Mahapleu, nous avons commencé la construction d'un collège à Téapleu et nous pensons que chaque sous-préfecture devrait avoir un établissement secondaire. Et, il y a les infrastructures sanitaires, avec l'hôpital général de Danané, celui de Zouan-Hounien. Mais, nous avons besoin que dans chacun des agglomérations qui sont aujourd'hui des chefs-lieux de sous-préfecture ou de commune, il y ait de véritables structures sanitaires et scolaires.

L'humanitaire à Danané
La dernière crise a fait se précipiter par crainte, par peur des milliers de nos populations du côté du Libéria et de la Guinée. Ce matin (hier matin, ndlr), j'écoutais le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan, qui parlait de 150 000 personnes qui se trouvaient encore au Libéria. Je ne connais pas le mode de calcul que les gens ont, mais je sais qu'ils sont nombreux ceux qui sont partis de Bin-Houyé, de Danané et de Zouan-Hounien Il y a également qu'ayant abandonné leurs terres dans cette période de novembre, qui est la période de reprise des travaux de champs, les gens reviennent petitement. Parce que ce n'est pas encore tout à fait rassurant en matière de sécurité. Nous avons donc besoin d'un soutien énorme au niveau de la nourriture, des non-vivres pour permettre à notre communauté de se remettre au travail.

Interview réalisée par Bidi Ignace

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