vendredi 16 decembre 2011 par Le Quotidien

Les candidats aux législatives ont connu des fortunes diverses. Ousmane Camara candidat indépendant, sur la liste Alternative nouvelle génération, revient sur sa defaite et dégage les perspectives tout en interpellant le président Alassane Ouattara.

Quel bilan pouvez vous faire de votre participation aux législatives ?

Je vous remercie pour votre présence et pour l'occasion que vous m'offrez pour m'exprimer. J'ai été candidat aux élections législatives dans la commune d'Adjamé sur la liste Alternative nouvelle génération. Etant donné que nous avons rassemblé la grande partie de nos PV, nous reconnaissons que nous avons perdu. Nous acceptons notre défaite avec honneur et dignité. Ce n'est pas le moment de refaire les choses ; de contester la victoire de nos adversaires. Le RDR vient de prouver que Adjamé est son bastion imprenable pour le moment. Cependant, nous déplorons la compétition déloyale.

Comment cela ?

Nous déplorons la mauvaise couverture de notre campagne par les medias d'Etat. Tout Adjamé a senti notre campagne, malheureusement, il n'en a été fait aucun cas dans les médias. En plus, nous avons été choqués dans les nuits de vendredi et samedi précédant le scrutin, d'apprendre que des responsables communaux du RDR sont passés dans les maisons pour intoxiquer les populations.

C'est-à-dire ?

Ils ont dit aux électeurs que nous étions les candidats de Gbagbo. Ils nous diabolisé au maximum. Ils ont fait croire que notre objectif était de faire revenir Gbagbo en Côte d'Ivoire.

Ce qui n'est pas juste. La Côte d'Ivoire, notre pays amorce un nouveau départ. Chacun de nous doit s'inscrire dans la vérité, et dans le respect de l'autre. Une campagne électorale est faite pour que les uns et les autres s'attirent la confiance des populations. Et non pour verser dans les dénigrements, la calomnie et autres accusations mensongères.

N'est ce pas parce que Abou Fané, votre colistier, adjoint au maire RDR d'Adjamé s'est opposé au transfèrement de Gbagbo à La Haye, que vos adversaires vous ont accusés d'être des pro Gbagbo ?

Je pense qu'Abou Fané avait exprimé son opinion sur le transfèrement d'un ivoirien à la Haye, là où des pays comme les USA jugent tous leur ressortissants sur leur territoire. C'était un avis comme un autre, sans plus ; de là à lui trouver des accointances avec les pros Gbagbo ? Je pense que c'est un peu trop léger.

Personnellement, je suis souverainiste. Je suis pour la souveraineté entière de notre pays, aussi je pense que la côte d'ivoire devrait se doter de tous les instruments et compétences juridiques nécessaires pour juger des cas comme celui de Laurent Gbagbo.
Pourquoi ?

Cela ne me ferait pas plaisir que sur plainte d'une ONG internationale ou de quelques groupes d 'influence sur le plan international, qu'on s'en prenne au président Alassane Ouattara. Ce qu'on fait à Gbagbo aujourd'hui, on peut le faire à un autre chef de l'Etat demain. Des gens pourraient commettre des crimes sous Alassane Ouattara et c'est lui qui se verrait interpellé à leur place. N'oublions pas les pesanteurs de la géopolitique internationale. Pour peu qu'une grande puissance se sente menacée, elle peut activer à l'encontre de n'importe quel chef d'Etat africain la CPI. En ce moment, on verra la position de ceux qui applaudissent le transfèrement de Gbagbo s'ils s'en réjouiraient.

Pour moi, il vaut mieux prévenir que guérir. Il faut que nous nous donnions les moyens de juger les enfants de ce pays sur le sol ivoirien. Les Américains ne permettront jamais qu'on envoie un Américain à la CPI ; ils n'en ont même pas ratifié la convention. Cependant ils sont les premiers à appeler pour le transfèrement des ressortissants des autres pays à la Haye. On suppose que les Africains n'ont pas assez de courage ou de culot pour juger ses enfants.

La Côte d'Ivoire a traversé un moment douloureux, chacun a souffert dans sa chaire.

Personnellement, je sais quel rôle j'ai joué pour le retour de la paix dans la crise postélectorale ; des membres du gouvernement m'appelaient régulièrement. Mais que voulez vous ? Les choses sont rentrées dans l'ordre et maintenant on voit des gens qui tirent la couverture vers eux-mêmes. Nous continuons d'aider les populations, en tant que membres de la société civile. Nous sommes les enfants d'Adjamé, nous avons voulu démontrer qu'il y avait d'autres choix en dehors des candidats proposés par les partis politiques.

Revenons à votre liste, dites franchement êtes vous des pro Ouattara ou des pro Gbagbo ?

Abou est le 5e adjoint au maire d'Adjamé. Il est membre éminent du RDR depuis des années. Konaté Karim, ancien contrôleur au service financier de la mairie est RDR. Adama Bakayoko est un des proches du maire Youssouf Sylla. Il était le vice président de la commission d'arbitrage des élections municipales en 2001, pour le compte du RDR.

Ousmane Camara n'a jamais milité au sein d'un parti politique. Je suis de la société civile.

Tous ceux qui me connaissent savent que j'ai mené des activités syndicales, j'ai été contraint à l'exil ; vous en saurez plus en demandant à l'actuel ministre de l'Industrie, Monsieur Dosso Moussa. Mon retour en Côte d'Ivoire a été négocié en Janvier 2008 et, il n'était plus question de me prononcer sur un sujet politique. Donc une fois rentré au pays, ne pouvant me contenter de mes activités professionnelles, j'ai répondu à un autre appel.

J'ai initié l'ONG Jeunesse Active qui s'occupe de la formation et de l'insertion socioéconomique des jeunes. Depuis, nous travaillons activement sur le terrain.

Qu'avez-vous fait concrètement ?

Nous nous battons pour sortir les populations de la pauvreté, nous avons initié divers projets dont un dans la riziculture et l'initiation à l'informatique. Notre premier centre est ouvert et fonctionne à Adjamé. Par ailleurs, nous sommes membres du Forum mondial.
Que retenez vous véritablement des législatives ?

J'ai bien apprécié l'expérience avec mes colistiers, membres du RDR aux législatives. Vous pouvez aller sur le terrain, les populations vous diront que les choses ont bougé.

Je tire un bilan satisfaisant, dans la mesure où j'ai pu découvrir certains aspects de la vie de la population d'Adjamé que j'ignorais. Il y a des lieux que je fréquente par rapport au quartier où j'ai grandi et par rapport à mes activités professionnelles. Je ne savais que des gens vivaient dans des taudis, dans des conditions inimaginables, incroyables, inhumaines.

Aujourd'hui, c'est un fait que nous allons porter à l'attention des nouveaux députés. Nous étions en compétition et les candidats du RDR ont remporté le scrutin. Nous osons croire qu'ils seront nos représentants au parlement et non nos ennemis. Nous nous mettons à leurs dispositions dans l'intérêt de la commune d'Adjamé.

Votre défaite n'est-elle pas due au fait que vous n'avez pas sorti beaucoup d'argent ni fait des promesses mirobolantes aux populations ?

C'est vrai que pendant notre campagne de proximité, il y a des familles qui nous ont dit carrément que si nous ne leur donnions pas d'argent ils ne voteraient pas pour nous. Mais nous pensons que nous devons abandonner les vieilles habitudes. Nous avons battu une campagne civilisée en comptant sur le bon sens des uns et des autres. Nous avons expliqué le vrai rôle du député. Nous pensons que ceux qui nous ont votés nous ont fait confiance. Il était nécessaire pour nous de changer la donne qui veut qu'on laisse tout dans les mains des politiciens. Nous avons démontré à chaque enfant d'Adjamé qu'il peut briguer un poste électif sans la caution d'un parti politique.

De façon provisoire nous arrivons en troisième position après le RDR et le PDCI mais devant l'UDPCI, un parti national et d'autres candidats. Nous sommes à plus de 5 % de l'électorat d'Adjamé. Cela est important pour l'avenir, c'est un bon signe vu le bas taux de participation.

A nos électeurs, nous disons merci pour leur confiance. Nous resterons en contact avec eux conformément à nos promesses de campagne ; à défaut d'être leurs représentants au parlement, nous pouvons jouer le rôle de relais entre eux et nos nouveaux députés d'une part et le futur conseil municipal. Ils savent où nous joindre, notamment le siège de l'ONG Jeunesse Active à Bromakoté. Nous continuons de former les jeunes à plusieurs métiers notamment à l'informatique.

Aux autres nous respectons leurs choix mais ils doivent exiger à nos députés d'être en contact avec la population. C'était l'une de nos promesses. Nous avions prévu la maison des députés d'Adjamé, un lieu de rencontre privilégié, aussi nous les prierons afin que cela soit une réalité pour le bien des populations.

Avez-vous eu vent des menaces de radiation du RDR de vos colistiers ?

A mon sens, le RDR doit tirer les leçons de son manque de courtoisie, de respect à l'endroit de ses militants de base. Car à Adjamé, il n'y a pas eu de primaire. C'est ce qui a occasionné les candidatures indépendantes dans leurs lignes. Ce grand parti gagnerait à ramener tous ses enfants à la maison, les écouter et aller de l'avant. Je pense que le slogan vivre ensemble n'est pas creux. C'est le moment de penser à faire les primaires pour les municipales prévues en mars 2012 selon le président Alassane Ouattara.

S'il ne tire pas les conséquences, le parti risque de parti en rangs dispersés une fois de plus. Moi, je suis de la société civile et je m'y sens bien. Je préfère y rester et continuer à servir mon pays.

J'aimerais inviter le gouvernement à ne pas négliger la société civile. Il faut qu'il travaille d'avantages avec elle. C'est ce qui manque à notre pays pour asseoir réellement la démocratie et, donc la participation. Il faut réduire la pesanteur des partis politiques sur la vie des populations.

Mais, il y a beaucoup d'ONG qui sont les appendices des partis politiques

Je ne pourrais vous répondre à la place des autres. Pour ce qui concerne l'ONG Jeunesse Active, je mettrai quiconque au défi de montrer que nous sommes un embryon ou le démembrement d'un parti politique ou même que nous ayons reçu quelque financement d'un parti politique. Je pense qu'en revanche, c'est plutôt nous qui avons beaucoup plus dépensé pour que les partis politiques soient en paix en Côte d'Ivoire. Nous avons investis de l'argent dans les campagnes de sensibilisation pour le retour de la paix, dans l'observation électorale pour la présidentielle de 2010 ; nous avons apporté de l'aide aux populations déplacées dans le cadre de la crise postélectorale. Nous avons fait des rencontres avec les combattants pour éviter les dérapages. Nous continuons notre travail d'assistance.

Comptez vous vous présentez aux municipales ?

Nous sommes beaucoup fatigués. La campagne nous a épuisés financièrement et physiquement. Pour le moment c'est trop tôt pour moi de me prononcer. Je veux me reposer d'abord. Les municipales concernent les acteurs de développement. Tout dépend en fait des populations. Si elles nous appellent nous aviserons. Mais, pour nous on n'a pas besoin d'être maire pour participer à la vie de la commune.

Akessé Laurent
akesselaurent@yahoo.fr

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