mardi 28 fevrier 2012 par Nord-Sud

Avocat près la cour d'appel d'Abidjan, aveugle depuis 2005, Brigitte Mensah est la présidente du Mouvement ivoirien des citoyens handicapés (Mich). Dans cet entretien, elle dévoile la feuille de route de son Ong.

Quel a été le déclic qui vous a poussée à mettre en place le Mouvement ivoirien des citoyens handicapés (Mich) ?

Plusieurs cas juridiques se sont présentés et, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait un vide juridique en la matière. Il n'y a pas de cadre qui protège les handicapés par exemple quand ils doivent emprunter un véhicule, marcher sur le trottoir etc, rien ne protège ces personnes. La vocation donc du Mouvement ivoirien des citoyens handicapés (Mich) est d'abord de faire la promotion, la protection et la défense des droits des personnes handicapées.

Que comptez-vous faire concrètement ?

Déjà, il faut savoir qu'au niveau des chiffres, le constat est alarmant. Le dernier recensement général de la population qui date de 1998 avait estimé à 800 mille les personnes vivant avec un handicap. Cependant, entre 1998 et 2010 le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) et la Banque mondiale ont fait une estimation. Et les handicapés sont passés à 3 millions, c?est-à-dire 15% de la population. Cela est dû aux différentes crises sociales, politiques qui se sont succédé dans ce pays. L'Etat est positionné comme l'employeur principal des personnes hadicapées. Malheureusement, bon nombre d'entre elles, embauchées à la Fonction publique, n'ont pas leurs salaires ni les mesures d'accompagnement , entre autres, le matériel adapté en fonction du type d'handicap. On m'a signalé plusieurs cas. Nous allons nous efforcer d'accompagner le gouvernement dans les actions qui visent au recrutement et au suivi. Nous projetons d'approcher le ministère de la Construction et celui de l'Enseignement supérieur pour voir dans quel sens les handicapés pourront bénéficier de logements et d'un meilleur déplacement pour suivre les cours. Nous avons aussi des actions pour les handicapés du milieu rural.

Lors d'une conférence de presse, vous vous plaigniez que le gouvernement a omis les handicapés dans la gratuité ciblée des soins. Avez-vous approché le ministère de la Santé ?

Pas encore mais, cela est dans notre programme. Il faut que cette frange de démunis puisse bénéficier de cette gratuité. Bon nombre d'handicapés sont sans emploi et sont à la charge de leurs familles.

Vous évoquez aussi un vide juridique ?

Oui. Il y a un vide juridique. Il n'y a pas de loi, pas de décret spécifiquement pour les personnes handicapées. C'est grave. Il me semble que le code du travail qui est en train d'être élaboré n'a pas associé les personnes handicapées. C'est un scandale. Avant que la nouvelle assemble nationale n'exami­ne ce nouveau code, au Mich, nous entendons dire qu'il y a 15% de la population qui est en train d'être oubliée. Et que le code du travail doit être réaménagé.

Si vous devrez faire des propositions à l'assemblée nationale, quel serait le premier décret que vous allez présenter.

Nous allons demander que le Mich soit accepté comme auditeur au niveau des débats qui se tiennent. Permettre aux handicapés d'avoir des cartes d'invalidités. Cette carte permet d'avoir des réductions dans les supermarchés, à l'hôpital, de ne pas faire les longs rangs pour emprunter des véhicules, de ne plus payer de trans­port, ailleurs cela se fait. Nous vou­lons aussi que les handicapés soient intégrés dans la commission dialogue, vérité et réconciliation. Il faut que l'Etat mette en place un fonds d'aide.

Nous sommes à l'orée de la célébration de la Journée internationale dédiée à la femme

La femme handicapée, c'est un gros dossier. La femme en elle-même est marginalisée, la femme handicapée est deux fois marginalisée dans sa vie en famille, au travail, etc. Nous som­mes en train de réfléchir à faire une table ronde le 8 mars. Je voudrais préciser que le handicapé est un citoyen à part entière et non entièrement à part. Cela veut dire qu'il a des droits mais aussi des devoirs. Le Mich veut se positionner comme un gardien, com­me un veilleur dans les différentes dérives.

Interview réalisée par S.S. (stagiaire)

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