mercredi 9 mai 2012 par L'intelligent d'Abidjan

Secrétaire général de la mutuelle générale des acteurs du transporteur de Côte d'Ivoire, Touré Amadou voit grand pour ce secteur pourvoyeur d'emplois. Livrant donc la vision de sa structure sur la sécurité sociale des travailleurs et auxiliaires du transport de Côte d'Ivoire, il a levé un coin de voile sur la violence qui prévaut le plus souvent au niveau des gares routières. Il y voit non pas le fait direct des syndicats mais plutôt de véritables mafias constituées qui se sucrent sur le dos des transporteurs.

Que nous vaut l'honneur de votre visite ?
Nous sommes venus vous parler de la mutuelle générale des acteurs du transport que nous venons de mettre en place. Nous avons créé cette mutuelle pour résoudre certains dysfonctionnements constatés dans notre milieu, à savoir : le manque de couvertures médicales, le manque de moyens pour faire face aux frais de scolarité de nos enfants et bien d'autres problèmes.

C'est curieux, comment se fait-il qu'il y a plusieurs associations dans le milieu des transports ?
Le milieu des transports est un milieu très vaste et le fait que l'Etat ait abandonné ce secteur aux transporteurs eux-mêmes, a favorisé la création de plusieurs structures pour pouvoir régler un certain nombre de problèmes. Je pense donc que créer une mutuelle n'est pas une structure de trop dans notre secteur.

On sait que vous avez travaillé avec le président Adama Touré de la Coordination des gares routières (CNGR-CI), qu'est ce qui s'est passé pour que vous créiez une mutuelle ?
Je peux dire que Touré Adama est pratiquement mon patron. C'est juste par rapport à un problème de vision que nous avons quitté Touré Adama. Etant avec lui, on avait commencé à assainir notre milieu. Mais quand nous avons vu que nous n'arrivions pas à atteindre les missions que nous nous sommes assignées, nous avons alors décidé de créer notre propre structure.

Quels sont les actes concrets que vous avez posés depuis que votre mutuelle existe ?
Depuis la création de notre mutuelle jusqu'à ce jour, nous avons offert le permis à près de 1215 personnes, nous avons créé deux nouvelles gares à Adjamé. Nous avons offert la couverture médicale à nos adhérents dans les centres de santé communautaires appelés communément AGEFOSYN. Nous avons donné aussi une centaine de permis pour nos apprentis. A ce jour, nous avons enrôlé 7750 adhérents. A côtés de ces actions, nous avons aussi lancé en partenariat avec une banque de la place pour l'opération : un conducteur/ un compte d'épargne à Yopougon. Le résultat de cette opération, c'est 315 chauffeurs qui ont pu avoir un compte bancaire. Nous intervenons aussi dans le social : les funérailles, les baptêmes, mariages, naissances de bébés

Quels sont les avantages de votre mutuelle ?
Une mutuelle est mise en place pour aider ses différents adhérents. Une mutuelle est différente d'un syndicat dans son fonctionnement. La mutuelle est une structure de bienfaisance. Quand nos différents mandants ont des problèmes avec des autorités du milieu des transports ou autres, nous dépêchons les chargés d'intervention pour aller les régler. C'est ce que nous faisons au niveau des commissariats et des gendarmeries. L'avantage que nous avons, c'est aussi des conventions avec des pharmacies, des autos écoles, avec la starten, avec les banques, les micro-finances.

Revenons un peu à la nouvelle gare que vous avez créée et mise à la disposition de vos usagers. Comment vous y êtes parvenus ?
Nous sommes d'abord partis d'un constat simple. Vous savez que les transporteurs s'acquittent de leur droit de stationnement. L'AGETU a pour vocation d'aider les transporteurs à avoir une gare, un espace de stationnement ou un site pour que les transporteurs puissent charger. Nous avons constaté que des structures prennent de l'argent mais ne remplissent pas en retour leurs cahiers de charges. Nous avons donc pris nos responsabilités pour aller vers les autorités afin demander des espaces provisoires et les aménager à notre goût. L'aménagement de la gare ?'Djéni Kobena'' qui se trouve en face de la gendarmerie d'Agban nous a couté 13 millions de FCFA. Cette somme ne vient pas des autorités ni des caisses de l'Etat. C'est notre structure qui a puisé dans ses caisses ce montant pour aménager ce site pour que les véhicules y stationnent et chargent pour les différentes destinations : Yopougon, Bingerville et autres Voici un peu les avantages que la mutuelle met au service de ses mandants.

On a l'impression que votre mutuelle est restreinte et que vous vous êtes cantonnés uniquement sur la commune de Yopougon. Pourquoi ce choix ?
Notre structure est bien représentée sur tout le district d'Abidjan. Nous sommes à Yopougon, nous sommes à Port Bouët 1, Koumassi, Adjamé. Tout récemment, nous avons installé une section à Sikensi et une à Dabou. C'est une jeune mutuelle et ce n'est pas facile d'installer les sections parce que sur les gares, les acteurs sont beaucoup liés à l'argent qu'aux convictions. C'est petit à petit que nous les amenons à comprendre. C'est dans l'organisation que nous allons progresser.

Une mutuelle, un syndicat, une association de transporteurs, c'est vraiment beaucoup. Et est ce que vous arrivez à faire la part des choses, puisque vos adhérents sont pour la plupart analphabètes.
Le syndicat ne défend seulement que les intérêts moraux et professionnels de ses mandants. Mais le constat sur le terrain est qu'à Abidjan, les différents syndicats que vous voyez, font tout, sauf ce qu'ils devraient faire. Vous voyez par exemple, la création des lignes et même l'organisation qu'il y a autour sont du fait des structures syndicales alors qu'en réalité, c'est le gouvernement qui devait organiser toutes ses différentes lignes. Si vous remarquez dans tout le district d'Abidjan, c'est sur le goudron que les véhicules garent et chargent. C'est parce qu'il n'y a pas de sites pour eux, qu'ils chargent sur la voie publique. Nous pensons que tant que le gouvernement n'aura pas régler ce problème, les querelles et bagarres que nous constatons entre syndicats ne prendront pas fin. La seule solution, c'est de créer des infrastructures viables.

Le transport urbain aujourd'hui est vu comme une activité où c'est la loi de la jungle qui prédomine. Quand on parle de transporteurs urbains, c'est plutôt les machettes, les gourdins, et autres objets contondants. Est-ce que vous avez des solutions pour l'amélioration de l'image de vos adhérents ?
Oui, les histoires de violences à la machette et gourdins que vous voyez, s'expliquent par le problème d'emploi qu'il y a en Côte d'Ivoire. Le problème de l'emploi en Côte d'Ivoire est tel que tout le monde vient au transport. Mais il n'y a pas de volonté politique aujourd'hui pour pouvoir assainir le milieu. Quand je parle d'assainissement des transports, je parle de textes. Notre milieu n'a pas de textes et n'ayant pas de textes, n'importe qui rentre et sort comme il veut. Je vais vous faire une confidence, le plus malheureux à la gare, gagne entre 2000FCFA et 3000FCFA par jour. Mais le plus violent a plus de 20.000 à 50.000FCFA par jour. Allez y donc comprendre pourquoi il y a la violence dans notre milieu : de véritables mafias se sont constituées au niveau des gares routières qui font une pression sur les transporteurs et les chauffeurs pour des encaissements illicites.

Mais les syndicats et ses groupes dont vous parlez sont constitués légalement
Oui, mais il y a des groupes aujourd'hui qui vont prendre des récépissés de dépôt au niveau du ministère de l'Intérieur. A partir du moment où ils ont le récépissé de dépôt, ils ont le droit d'exercer à la gare routière, mais comme il n'y a pas de gares qui existent à Abidjan, c'est sur les goudrons et les trottoirs que les véhicules chargent. A partir de là, ils font la loi. C'est pourquoi, nous disons que ce n'est pas par les discours politiques qu'on peut régler les problèmes. Il faut plutôt créer des infrastructures viables pour que les véhicules quittent les trottoirs pour les gares routières. A partir de ce moment là, vous verrez que la réglementation va se mettre en place.

Quels sont aujourd'hui vos rapports avec le ministre des Transports ?
Nos rapports sont cordiaux. Le ministre est arrivé, il a annoncé de grandes réformes, nous ne les voyons pas venir. Nous attendons donc toujours avec beaucoup d'impatience. On attend qu'il mette en place ces réformes. Qui dit réformes dans le milieu du transport, parle de changement de tout un système et des comportements. Le premier responsable du désordre que nous constatons dans ce secteur, c'est le gouvernement. Il y a trop de discours politique pour moins d'acte posé dans le but d'alléger les souffrances des transporteurs et des conducteurs. Je vais vous faire une confidence, la majorité des conducteurs que vous voyez ont été recrutés soit dans les lieux de baptême, où lors des funérailles. Ils n'ont pas de salaires, on leur donne des véhicules et ils ont le devoir de faire des recettes. Mais paradoxalement, ils ne sont reconnus ni par les propriétaires du camion ni par l'Etat.

Et pis, ce sont les seuls travailleurs qui payent plus d'impôts et taxes par jours que tout le monde. Un conducteur peut payer plus de quinze à vingt mille francs CFA par jour dans les lieux de chargement. Essayez de calculer ce que ça fait par mois et par an, vous verrez que tout ce que le conducteur doit avoir reste sur les lieux de chargement. C'est pour dire que l'heure de la rupture a sonné et je souhaiterais qu'avant même que l'Etat ne prenne des dispositions, nous mêmes en notre sein, nous nous disons que personne ne viendra régler nos problèmes. Pour ce faire, il faut qu'on se mette au travail, qu'on soit consciencieux. Qu'on arrête de tromper les passager : quand on prend des clients d'un point A à un point B, il faut qu'on les dépose à destination puisqu'il y a un contrat tacite qui nous lie aux usagers que nous prenons dans nos camions. Mais qu'est ce que nous remarquons ? Certains conducteurs prennent des passagers et les déposent à mi-chemin. Ce qui n'est pas normal.

Dosso Villard, coll : K. H

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023