vendredi 12 octobre 2012 par AFP

ABIDJAN - Un expert travaillant pour l`ONU a déploré vendredi que l`attaque meurtrière d`un camp de déplacés de l`Ouest ivoirien en juillet soit restée pour l`heure sans suite judiciaire, et a appelé à mettre fin à l`impunité dans le pays après la crise de 2010-2011.

"Personne n`a été arrêté parmi ceux qui ont perpétré cette attaque sur le camp de réfugiés", a déclaré Doudou Diène, expert indépendant sur la situation des droits de l`Homme en Côte d`Ivoire, à l`issue d`un séjour dans le pays.

"La justice doit encore approfondir son travail" sur cette affaire, a insisté lors d`une conférence de presse à Abidjan cet expert, chargé de rendre compte au Conseil des droits de l`Homme de l`ONU.

M. Diène a exhorté à mettre fin à "une culture d`impunité", et a estimé que la justice ivoirienne devait poursuivre "tous ceux qui ont commis des crimes" durant la dernière crise, "quelle que soit leur tendance politique".

Le 20 juillet, la ville de Duékoué (ouest) a été le théâtre de graves violences. Après le meurtre de cinq personnes dans un quartier peuplé surtout de Malinké (ethnie réputée favorable au président Alassane Ouattara), une foule avait attaqué le camp de déplacés voisin de Nahibly (abritant surtout des autochtones guéré, vus comme partisans de l`ex-chef de l`Etat Laurent Gbagbo), y tuant six personnes, selon l`ONU.

Six corps ont été retirés jeudi d`un puits dans un quartier de Duékoué. Le procureur de la région a ouvert une enquête.

"Rien ne nous dit que ces corps sont liés aux événements de Nahibly. Nous n`avons pas la preuve", a expliqué à l`AFP Fodjo Abo, directeur de cabinet au ministère de la Justice. Il a demandé d`attendre les résultats de l`autopsie, qui doit être réalisée par un médecin légiste parti vendredi pour Duékoué.

Des déplacés avaient fait état d`un bilan nettement plus lourd que les six morts annoncés en juillet, et accusé des soldats ivoiriens des Forces républicaines (FRCI) et des chasseurs traditionnels "dozos" qui leur servent de supplétifs d`avoir laissé faire l`attaque contre le camp ou d`y avoir participé.

"Nous avons une forte conviction que ces victimes (exhumées jeudi, ndlr) sont liées aux événements de Nahibly", a affirmé de son côté Florent Geel, responsable Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l`Homme (FIDH), présent à Duékoué pour l`exhumation.

Les victimes sont "des jeunes adultes pour la plupart, selon les premières constatations", et "auraient été exécutées sur place", a-t-il ajouté. Selon lui, "c`est un fait nouveau qui montre que le bilan officiel des victimes a été sous-évalué".

En proie à de graves tensions politico-ethniques depuis des années, Duékoué a été le théâtre de tueries durant la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, imputées notamment à des éléments pro-Ouattara. La crise a fait quelque 3.000 morts dans le pays.

Par ailleurs, M. Diène a appelé les autorités ivoiriennes à mettre en place un "cadre légal" pour les "dozos", un groupe "culturellement ancré" dans le nord du pays.

Accusés de violences pendant et après la crise, les "dozos" ont accru leur présence depuis avril 2011 et, selon des sources concordantes, ils sont désormais actifs bien au-delà de la région nord.

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