lundi 26 novembre 2012 par Autre presse

Une pièce toute en verre masqué par des stores. Des photos de lui-même en compagnie de ses 3 enfants et de son épouse. Des tableaux et des objets d'art, des souvenirs, des livres D'emblée, l'Ivoirien Thierry Tanoh rompt avec le style de son prédécesseur qui était plus réservé.

Pour le nouveau patron d'Ecobank, la réussite professionnelle semble assise sur un bon dosage entre travail et vie familiale. Son bureau n'est que provisoire mais Thierry Tanoh, 49 ans, y a pri ses marques dès son arrivée en juillet au 7e étage du siège d'Ecobank Transnational Incorporated (ETI).

Le complexe de 42 000 m2 érigé à Lomé, la capitale togolaise, est ultra moderne.

Officiellement, l'ancien vice-président de la Société financière internationale, une filiale de la Banque mondiale, prendra les commandes du premier réseau bancaire africain à la fin de l'année, après une période de rodage en étroite relation avec son prédécesseur, le Nigérian Arnold Ekpé de 10 ans son aîné. Le fait que la SFI détienne 14,1 % du capital d'ETI peut être ou non une simple coïncidence. Le futur patron du holding bancaire assure qu'il a été choisi parmi une trentaine de candidats, pour ses compétences et son profil : J'ai été sélectionné après un long processus, piloté par Korn Ferry, un cabinet réputé dans le monde. Mon rôle à la SFI ne m'a pas amené à travailler directement dans le projet d'ETI, j'ai donc pu sortir de l'une et rentrer dans l'autre tout naturellement . En tous cas, la nomination de l'ex dirigeant de la SFI, a, semble-t-il, rassuré l'un des premiers partenaires d'ETI. Moins d'une semaine après son arrivée à Lomé, SFI annonçait un investissement majeur de 100 millions de dollars dans le capital du groupe faisant passer ses parts de 9,2 % à 14,1 %. Auréolé d'une expérience impressionnante, bardé de relations et doté d'une façon de travailler acquise dans les sphères de la très haute fonction publique internationale, ce diplômé de Harvard participera à consolider et à amener la banque au top niveau. Il travaillera à améliorer l'efficience et à institutionnaliser la banque , insiste un de ses proches. Certes, le groupe bancaire panafricain a connu en 24 ans une progression fulgurante, et constitue aujourd'hui une plate-forme exceptionnelle à travers 35 pays, mais les challenges sont multiples pour le nouveau patron d'ETI : résister à la concurrence accrue des banques, notamment du Maghreb, du Nigeria et de l'Afrique du Sud, assurer un retour sur investissement aux 600 000 actionnaires institutionnels et individuels locaux et internationaux en misant sur une croissance de la rentabilité de l'établissement bancaire et doper le taux de bancarisation : Mon expérience à la SFI influencera la gestion de l'institution. J'amène une certaine organisation dans le travail qui, je l'espère, apportera beaucoup à ETI.

Je pense aussi que les relations que j'ai tissées en Afrique subsaharienne ou en Europe de l'Ouest, en Amérique latine et en Asie permettront de faire avancer certains dossiers, notamment en ce qui concerne les échanges commerciaux Sud/Sud. Par ailleurs, mes connaissances dans le financement des grands projets contribueront à faire aboutir certains objectifs d'ETI. Ma capacité à gérer des équipes présentes sur plusieurs continents, comme je l'ai fait à la SFI, devrait contribuer au développement de la banque .

En attendant la passation du relais, l'Ivoirien n'a pas le temps de s'ennuyer.

C'est un observateur actif : Thierry Tanoh arrive tous les jours, à la même heure, 7h30, dans le gigantesque Centre panafricain Ecobank. Débute alors une journée chargée dans une phase de transition managériale fixée jusqu'à la fin de l'année. Les deux directeurs travaillent au même étage et se voient aussi souvent que possible.

Le patron-dauphin se documente, teste les produits Ecobank, rencontre des clients, des actionnaires, communique avec les staffs. Ceux qui l'ont rencontré sont impressionnés par son calme, sa simplicité et son ouverture. Il discute avec beaucoup de courtoisie. Il est très précis dans ses questions, il se dégage de lui un humanisme positif , raconte un haut cadre du Centre panafricain.

Bien qu'encore assis sur un strapontin, le prochain plus influent banquier du continent, et le plus largement implanté, est partie prenante des décisions du groupe, en concertation avec le sortant Arnold Ekpé. Sa marge de manoeuvre est entière. Arnold et lui se parlent beaucoup et s'entendent bien , nous confirme un cadre supérieur lors d'une conversation. Pour les décisions qui engagent l'avenir, c'est plus Thierry Tanoh qui est à la manoeuvre , complète t-il.

Une fois seul maître à bord, sera-t-il tenté par un changement de cap ou au contraire, poursuivra-t-il la stratégie d'expansion menée par le directeur sortant ? Il est certain que nous allons continuer à travailler sur notre expansion géographique mais pour le moment nous avons une belle plate-forme de 35 pays qui doit être consolidée afin de réaliser les économies d'échelle qui nous permettront d'accroître le retour sur investissement pour nos actionnaires. Nous sommes toujours ouverts à examiner notre expansion géographique parce qu'à terme nous voulons couvrir toute l'Afrique subsaharienne, mais dans ce contexte là il sera important d'optimiser nos acquis .

L'anglophone et le francophone ont les mêmes vues quand il s'agit de regarder le futur et l'image de l'Afrique. Pour les deux leaders, le groupe ETI doit jouer des coudes auprès des gouvernements afin d'améliorer le climat des affaires et de permettre au secteur bancaire de jouer son rôle dans le financement de l'économie et des grands projets. Avec ces ambitions, le fervent défenseur du privé qu'était Thierry Tanoh lorsqu'il était à la SFI aura-t-il la même énergie pour prêter à un secteur, générateur d'emploi et de croissance, maintenant qu'il gère au sommet, les lignes de crédit auprès d'ETI? Confiant mais déterminé, le nouveau patron espère obtenir davantage de garanties de la part des gouvernements.

Il faut que l'on puisse compter sur une justice transparente dans les pays où la banque est implantée, sur un système qui permette aux banques de faire jouer les garanties dont elles bénéficient. Cela contribuerait à faire baisser le taux d'emprunt et surtout pour les petites et moyennes entreprises (PME) d'accéder plus facilement au financement .

Autre chantier prioritaire sur lequel mise le directeur général ivoirien : trouver des solutions innovantes afin de réduire le taux de sous-bancarisation, via Ecobank Mobile Banking. Pour moi, c'est très important par rapport à mon background.

Je voudrais que le groupe travaille avec les autres banques de la sous-région afin d'accroître la bancarisation. Cela nécessite de sensibiliser de plus en plus la jeunesse pour que la notion d'épargne devienne systématique. Si les gens épargnent, ils pourront mieux dépenser, mieux économiser afin de mieux préparer le futur, c'est très important pour contribuer au développement de l'Afrique subsaharienne. Il est également capital d'aller chercher les clients là où ils sont et pour cela nous devons prendre en considération les insuffisances des infrastructures.

Il va falloir faire preuve d'ingéniosité dans l'utilisation des nouvelles technologies .

Après l'emblématique gouvernorat d'Arnold Ekpé, artisan de la formidable réussite d'Ecobank, son successeur est condamné à l'excellence. Dans les 20 prochaines années, l'objectif des actionnaires du holding bancaire est de construire une banque de renommée internationale. Thierry Tanoh semble posséder tous les leviers et atouts pour propulser le groupe panafricain. Très rapidement, grâce à sa solide expertise et son puissant réseau dans le monde bancaire et financier, le patron d'ETI devra réaliser le bond en avant. Faire en sorte qu'Ecobank Transnational Incorporated devienne, pour les investisseurs, les multinationales et les entreprises la porte d'entrée vers le continent, à l'heure où les taux de croissance des bons élèves africains suscitent l'intérêt et la convoitise sur la probabilité d'un nouvel Eldorado en Afrique.

Thierry Tanoh, sera-t-il l'homme providentiel au moment opportun ? Rompu aux méthodes de management international, pourvu d'une confiance inébranlable dans le futur de l'Afrique et des Africains, il prend la tête d'un staff d'un peu plus de 23 000 personnes, auprès desquelles il devra imposer, en douceur, un changement de style et de méthodes afin de hisser au plus haut la banque panafricaine.

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