mercredi 28 novembre 2012 par AFP

PARIS - "Vous imaginez bien que ce silence était intenable...", a déclaré mercredi le général d`armée Bruno Cuche au procès à Paris de quatre militaires français jugés pour le meurtre d`un Ivoirien, une affaire qui avait fini par éclater après cinq mois de silence.

Droit à la barre dans son uniforme, le général cinq étoiles, ancien chef d`état-major de l`armée de terre et actuel gouverneur des Invalides, a décrit "l`enquête de commandement" à laquelle il a participé en octobre 2005.

Les plus hautes autorités militaires, a-t-il dit, venaient alors d`être informées de faits "très graves" attribués à des hommes de la force Licorne déployée en Côte d`Ivoire, soupçonnés d`avoir commis en mai de cette année-là un meurtre de sang froid sur la personne d`un "coupeur de route" (bandit), Firmin Mahé.

"L`adjudant-chef Raugel a reconnu immédiatement avoir achevé Firmin Mahé avec un sac en plastique et du shatterton, le brigadier-chef Schnier a reconnu avoir aidé Raugel dans cette sinistre tâche". Voilà pour "les faits", a sobrement relaté le général.

Firmin Mahé, 29 ans, considéré par les militaires français comme un dangereux criminel, ce que conteste sa famille, avait été blessé par balle et interpellé près de la localité de Bangolo (ouest), avant d`être embarqué dans un véhicule blindé où il avait été achevé.

Quatre militaires comparaissent depuis lundi devant la cour d`assises comme auteur ou complices de ce meurtre: l`adjudant-chef Guy Raugel, le brigadier-chef Johannes Schnier, ainsi que le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule, et le colonel Eric Burgaud, 50 ans, chef de corps à l`époque.

Après avoir varié dans ses déclarations, le colonel a reconnu avoir transmis à ses hommes l`ordre implicite que Mahé n`arrive pas vivant à destination, mais il assure avoir lui-même tenu cet ordre du général Henri Poncet, commandant à l`époque de la force Licorne.

Respect de la vie

Le général Poncet a démenti et bénéficié d`un non-lieu en cours d`enquête judiciaire. Il avait néanmoins écopé de sanctions disciplinaires - un blâme et une mutation - de même que son adjoint, pour avoir voulu dissimuler ce meurtre.

En effet, "pendant cinq mois, le silence a été gardé sur cette affaire, au départ, par souci de bien faire, protéger ses subordonnés", a déclaré le général Cuche.

"Mais comment l`état-major des armées a-t-il été informé?", lui a demandé le président de la cour, Olivier Leurent.

"Vous imaginez bien que ce silence était intenable (...) cette affaire avait créé un gros traumatisme dans l`unité (...) les langues se sont déliées, et l`affaire est parvenue aux oreilles" de l`état-major, puis de la ministre de la Défense de l`époque, Michèle Alliot-Marie.

Le chef d`état-major des armées avait alors estimé que la situation sur le terrain, fût-elle extrêmement difficile, ne pouvait pas justifier une telle atteinte aux traditions militaires de respect des adversaires, des prisonniers et de la vie.

Il demandait aussi à la justice de "punir les auteurs de ce crime", a rappelé le président de la cour, Olivier Leurent, en demandant au général Cuche ce qu`il pensait de ces déclarations.

"Je les approuve pleinement, Monsieur le président", a-t-il répondu.

En quittant la salle, calmement, il a regardé dans les yeux l`adjudant-chef Raugel.

Avant le général, un policier de la brigade criminelle était venu expliquer lui aussi l`enquête "pas classique" sur cette affaire, "sans aucune mesure avec des affaires de droit commun".

La journée de jeudi doit être consacrée à l`interrogatoire des accusés. Le procès est prévu jusqu`au 7 décembre.

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