mardi 28 aout 2012 par Reporters sans Frontières

A la veille de la première rencontre, à Paris, entre les deux présidents Alassane Ouattara et François Hollande, Reporters sans frontières encourage le gouvernement ivoirien à poursuivre ses efforts pour améliorer la situation de la liberté de la presse en Côte
d'Ivoire, en favorisant notamment l'émergence de médias audiovisuels privés.

"Seize mois après l'accession d'Alassane Ouattara à la présidence de la Côte d'Ivoire, dans des conditions chaotiques où la presse ne pouvait pas s'exprimer, l'environnement pour les médias s'est progressivement amélioré. Il reste cependant des défis de taille à relever : mettre un terme aux détentions de professionnels de l'information, garantir la liberté des journalistes, promouvoir la réconciliation dans la presse, réussir la libéralisation de l'audiovisuel. Nous demandons à François Hollande de ne pas éluder la question de la liberté de l'information, indispensable à l'amélioration de la situation en Côte d'Ivoire", a déclaré
l'organisation, qui espère que les échanges entre les deux chefs d'Etat seront francs et sans tabou.

"Enfin, nous ne comprendrions pas que pour sa première entrevue avec
son homologue ivoirien, le président français ne soulève pas le
dossier de son compatriote Guy-André Kieffer, enlevé à Abidjan il y a
plus de huit ans. L'enquête a tardé à avancer après le changement de
pouvoir en Côte d'Ivoire", a ajouté Reporters sans frontières.

Un climat général qui s'est amélioré, des défis qui restent à relever

S'agissant de la presse écrite, les journaux dits "bleus", proches de
l'ex-majorité présidentielle (Notre Voie, Le Temps, Le Nouveau
Courrier, etc.), s'expriment aujourd'hui sans grand encombre. La
parution de nouvelles publications, proches du pouvoir comme de
l'opposition, est attendue au cours des semaines à venir. Le 23 mai,
le président ivoirien a nommé par décret le journaliste Raphael Oré
Lakpé à la présidence du Conseil national de la presse (CNP), organe
de régulation de la presse écrite.

Reste la question épineuse de la Radio-Télévision Ivoirienne (RTI). Ce
groupe public a souvent été utilisé, quelle que soit l'époque, comme
un outil de propagande pour le pouvoir en place. Son influence dans
l'opinion ivoirienne a toujours été renforcée par la situation de
quasi-monopole dans laquelle elle se trouve (il n'existe en effet pas
d'autres chaînes locales de télévision que la RTI 1 et la RTI 2). Il
s'agit pour le nouveau pouvoir d'encourager le pluralisme en
libéralisant le paysage audiovisuel. Le chantier a été confié à
l'ancien ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané, qui préside
aujourd'hui la Haute Autorité de la communication audiovisuelle
(HACA), une institution dont le nouveau gouvernement vient d'achever
la mise en place. La commission chargée de l'examen des dossiers
d'appels d'offres et d'appels à candidatures en vue des autorisations
d'usage des fréquences de radiodiffusion sonore et télévisuelle a été
installée, le 20 juillet dernier, au cabinet du ministre de la
Communication. La naissance des premières chaînes de télévision
privées est prévue avant la fin de l'année 2012.

Une première année difficile, plusieurs détentions de journalistes

On retiendra cependant qu'en 2011, pendant la première année au
pouvoir d'Alassane Ouattara, un journaliste de la Radio-Télévision
Ivoirienne (RTI), Hermann Aboa, a été incarcéré pendant cinq mois. Une
situation d'autant plus étrange et injuste que la loi de 2004 sur la
presse en Côte d'Ivoire protège les journalistes contre la prison.
L'ancien animateur de l'émission "Raison d'Etat", poursuivi pour
plusieurs chefs d'accusation, est actuellement en liberté
conditionnelle.

Le directeur du quotidien Notre Voie, César Etou, et deux de ses
collaborateurs, Didier Dépry et Boga Sivori, ont également passé
treize jours derrière les barreaux, en fin d'année, peu avant la tenue
des élections législatives. Plus tôt, les locaux de leur journal
avaient été occupés pendant de longs mois par les Forces républicaines
de Côte d'Ivoire (FRCI).

Fin janvier 2012, dans ses v?ux présentés à la presse, le chef de
l'Etat ivoirien s'est montré très ouvert et a réaffirmé sa volonté de
respecter la liberté de l'information. Mais quelques jours plus tard,
Charles Sanga, directeur du quotidien Le Patriote, a passé 24 heures à
la Direction de la surveillance du territoire (DST), où il lui a été
demandé de révéler ses sources.

Incidents récents et problèmes persistants

Le 27 mars 2012, Ousmane Sy Savané, directeur général du groupe
Cyclone, société éditrice des journaux d'opposition Le Temps, Lg
Infos, et du magazine culturel Prestige Magazine, a lui aussi été
interpellé par la DST puis écroué à la Maison d'arrêt et de correction
d'Abidjan (MACA), pour "atteinte à la sûreté de l'Etat". Depuis son
incarcération, les autorités n'ont toujours pas brandi de preuves
irréfutables de son implication dans une action de déstabilisation de
la Côte d'Ivoire. Tout laisse croire que l'emprisonnement de cet homme
serait motivé par sa proximité avec Nady Bamba, l'ex-promotrice de
Cyclone et seconde épouse de l'ancien président Laurent Gbagbo. Si tel
est le cas, il doit être remis en liberté.

Le 19 juillet 2012, l'avocat Sounkalo Coulibaly, conseil du
Rassemblement des Républicains (RDR, parti présidentiel), a fait
irruption, en compagnie de quatre hommes armés, dans les locaux du
site d'informations en ligne KOACI.COM pour arrêter le journaliste
Souleymane Koné. Le motif ? Le journaliste avait écrit un article jugé
"diffamatoire" à son encontre dans le cadre de la crise qui secoue La
Mutuelle d'Assurances des Taxis Compteurs d'Abidjan (MATCA). Le
journaliste a été conduit manu militari à la Brigade de sécurité de la
gendarmerie du Plateau, à Abidjan. Il y a été menotté à une barre de
fer, au premier étage du bâtiment, de 19 heures à 23 heures. Ses
geôliers lui demandaient de révéler la source de ses informations.
Souleymane Koné a ensuite été conduit à la police criminelle où il a
été entendu sur procès verbal pour "diffamation" avant d'être libéré
plus tard dans la nuit et de regagner son domicile.

Où en est l'affaire Guy-André Kieffer?

Lors de leur déplacement à Abidjan, en avril 2012, à l'occasion du
huitième anniversaire de l'enlèvement du journaliste franco-canadien,
son épouse et Reporters sans frontières ont demandé aux plus hautes
autorités ivoiriennes de confirmer leur volonté de faire la lumière
sur cette affaire.

Osange Silou-Kieffer et l'organisation ont demandé la mise en place
d'une commission d'enquête spéciale ou d'une cellule commune
d'instruction avec le juge français Patrick Ramaël ; la réactivation
du comité de suivi mis en place en 2004 ; et que les personnes citées
dans le dossier soient interrogées à nouveau, dans les meilleures
conditions possibles, jusqu'à la révélation de la vérité. Plus
d'informations :
http://fr.rsf.org/cote-d-ivoire-affaire-guy-andre-kieffer-personne-18-04-2012,42326.html.

Une magistrate du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau,
Geneviève Nogo Zie-Kuibert, a été nommée pour poursuivre l'instruction
de ce dossier.

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