jeudi 30 aout 2012 par L'intelligent d'Abidjan

Le dialogue entre les acteurs politiques semble avoir pris du plomb dans l'aile. Début août, c'est à une escalade de la violence avec des attaques des positions des FRCI que l'on a assisté. Ces faits troublent depuis lors la quiétude des populations qui ne demandent qu'à vivre en paix. Charles Konan Banny, prenant acte des dangers qui guettent le pays, avoue son impuissance et en appelle au Président de la République. Dans ces conditions se pose dès lors la question du recours à un médiateur pour concilier les positions des uns et des autres. Le nom de Blaise Compaoré est évoqué pour jouer ce rôle. Qu'en pensent les acteurs politiques, les leaders d'opinion et la société civile?

Alomo Paulin, ancien député Pdci: ?'Il faut éviter de faire intervenir trop d'acteurs?'

Il faut éviter de faire intervenir trop d'acteurs. Il y a de petits soubresauts dus au fait qu'il y a des gens qui ont un peu d'argent et qui alimentent quelques petits bandits pour déstabiliser la Côte d'Ivoire. Mais tout ça va prendre fin. Avec toutes les mesures que le gouvernement est en train de prendre, les gens auront peur. On vient de sortir d'une crise, il faut que nos amis d'en face fassent leur mea culpa pour qu'on avance.


Gisèle Dutheuil, directrice d'Audace Institut Afrique (AIA): ?'La Résolution 2062 est une feuille de route pertinente pour sortir de la crise?'

La division des Ivoiriens devient de plus en plus préoccupante puisque le pays plonge à nouveau dans des violences répétées. Chacun croit que celui qui pense autrement est un ennemi à détruire. Il est urgent de faire tomber la pression car ça ne conduit nulle part sauf à une plus grande pauvreté qui, elle, est la véritable ennemie de tous. Le Président Ouattara a demandé récemment le renouvellement du mandat de l'ONUCI et le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté dans ce sens la Résolution 2062, le 26 juillet dernier. Personne ne parle de cette résolution et c'est bien dommage, car, lorsque l'on prend le temps de la lire, on se rend compte qu'elle donne d'excellents conseils pour résoudre tous les problèmes qui fissurent profondément la Côte d'Ivoire : la sécurité, la réconciliation, les élections ainsi que la situation des droits de l'Homme dans le pays. Cette résolution semble susciter peu d'intérêt dans le pays alors qu'elle représente une feuille de route pertinente pour sortir de la crise. C'est pour cela que Audace Institut Afrique, avec le soutien de l'ambassade de Grande Bretagne, a décidé de réunir, le 8 septembre prochain à la Chambre de Commerce et d'Industrie, tous les décideurs de tous bords politiques, toutes les institutions et la société civile pour réfléchir tous ensemble aux conditions d'application de cette résolution dans le pays. Nous espérons vivement que ce séminaire sensibilise les dirigeants et que les Ivoiriens puissent prendre conscience que rien n'est perdu et qu'il existe des voies propices à la paix et à la réconciliation. Si tous ces acteurs politiques arrivent à s'approprier les conseils émanant de cette résolution 2062, nous pourrions réellement avancer rapidement vers une fin effective de la crise. Cette feuille de route n'est pas imposée pas un camp politique donc cela évitera les tensions et les blocages. Nous n'avons d'autre choix que d'avancer ensemble. Il faut laisser tomber les orgueils et enfin regarder le pays avec son c?ur pour le reconstruire. Les Ivoiriens ne doivent plus croire ceux qui disent que ce n'est pas possible, ni ceux qui mettent de l'huile sur le feu pour pourrir la situation. La fin de la crise est possible si les politiciens prennent leur responsabilité avec hauteur.


Traoré Wodjofini, Coordonnateur national de la Coalition de la société civile pour la paix et le développement démocratique: ?'Je ne vois pas pourquoi encore faire appel à un médiateur''

La Côte d'Ivoire avait fait appel à M. Blaise Compaoré pour résoudre la crise et aller aux élections pour une sortie de la crise. Honnêtement, dans le contexte actuel, je ne vois pas pourquoi encore faire appel à un médiateur. Il n'est pas question de faire des voyages, de pays en pays pour résoudre nos problèmes. Les autres pays ont aussi leur douleur, leur problème, à résoudre. Nous avons le Mali, nous avons aussi la Gambie, la Guinée etc. On ne va pas toujours être en train de résoudre les problèmes des Ivoiriens au niveau de la CEDEAO. Nous ne le pensons pas. Nous réitérons notre position pour dire que c'est même un défi pour la classe politique ivoirienne de résoudre elle-même ses problèmes. Il ne faut pas se torturer les méninges. Les attaques actuelles peuvent être surmontées. Il faut un forum sur la sécurité pour que chacun vienne discuter, ce qui renforcerait bien le dialogue politique engagé par le gouvernement ivoirien avec toute la classe politique.


Guipié Charles, ancien député FPI : ?'Il appartient à Alassane Ouattara de dire un seul mot?'
Nous avons des problèmes avec le RDR particulièrement, pour ne pas dire avec Alassane Ouattara qui n'arrive pas à se mettre au-dessus de la mêlée. Aujourd'hui, il est le président de la République. Charles Konan Banny a été choisi pour parler du dialogue. Nous, au Front populaire ivoirien, on se dit que lorsqu'il y a un problème, il faut pouvoir se surpasser pour le résoudre. Dieu merci, il y a ce qu'on appelle l'oubli. On a beau souffrir, on fini par oublier. Le président de la République a une autre conception de la réconciliation. Lui, je pense et j'espère bien que pour lui, ce qu'il faut pour qu'il puisse bien gérer le pays, c'est de nuire au FPI. C'est dans cette logique qu'il est. Nous n'avons rien à avoir avec les autres partis politiques. Chaque parti politique a son idéologie. Nos leaders sont en prison. Et les gens ne font qu'en attraper. Aujourd'hui, ce qu'on avait appelé le commando invisible a refait surface. Le Gouvernement ne s'assoie pas pour mener d'enquêtes sérieuses sur ce qui se passe, mais on saute de haut et on accuse le Front populaire ivoirien. On prend le secrétaire général par intérim, Laurent Akoun, on le jette en prison. Comment voulez-vous qu'on ait le c?ur net à la réconciliation. Alors qu'on parle de réconciliation en ce moment, où se trouve Simone Gbagbo, où se trouve la mère de Laurent Gbagbo ? Si par exemple, le président de la République allait vers la mère de Laurent Gbagbo pour lui dire que ce qui se passe est un problème entre nous (ndlr: entre frères) et qu'il la ramène en Côte d'Ivoire, cela peut attendrir les gens. Mais ce n'est malheureusement pas le cas. Présentement, je suis au comité central. Ce sont de longues listes à n'en point finir de gens qu'on arrête, dont on ne connait plus la destination. Et ça continue. Chez nous on dit qu'on ne reste pas dans les magnans pour enlever les magnans. Il appartient au président Alassane de dire un mot. Comme je suis catholique et c'est ainsi qu'on le dit à l'Eglise, Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement un seul mot et je serai guéri. Il appartient à Alassane Ouattara de dire un seul mot pour que la réconciliation soit effective en Côte d'Ivoire. Moi je crois que tout le reste est de la politique politicienne ! Le Pdci n'osera pas ouvrir la bouche parce qu'ils savent où ils sont. Donc, la réconciliation, nous la voulons. Mais à quel prix ? Ce sont des réalités ! Quand on évoque la situation d'Affi N'Guessan qui était à la Pergola et qui pour avoir parlé a été déporté dans le Nord du pays, les gens qui sont partout ailleurs, on va, on les prend et on les ramène. Comment voulez-vous qu'on s'asseye pour parler de la réconciliation? Quant on en parle, on dit que c'est de l'arrogance. Même si quelqu'un tue ton fils et qu'il te demande pardon, tu fini par accepter. Le cas échéant, qui peut pardonner si ce n'est le président de la République? Regardez ailleurs! Quand en Afrique du Sud il y a eu des morts, le président Zuma qui était en voyage est revenu pour son peuple. Au Sénégal lorsque les gens sont morts par noyade (inondation), le président Macky Sall s'en est préoccupé ! Mais ici, on peut tuer les gens à Toulépleu .


Gnanzi Anicet (Secrétaire exécutif chargé des relations politiques de UDCY) : ?'Nous pensons que le dialogue peut se faire dans le cadre du CPD?'

Toute initiative tendant à ramener le calme est la bienvenue. La situation de tension actuelle n'arrange personne. Nous même à l'UDCY, avions programmé notre troisième congrès ordinaire pour le 29 septembre prochain. Vous convenez avec nous que le doute commence à s'installer en nous. Le dialogue doit être relancé pour ramener la paix. Nous s pensons que le dialogue peut se faire dans le cadre du CPD (Cadre permanent de dialogue) mis en place à Bassam. Pourvu que le gouvernement parvienne à convaincre le FPI à y prendre sa place. Ainsi, comme les Ivoiriens savent si bien le faire, un consensus sera trouvé aux problèmes de la Côte d'Ivoire. Cela dit, à l'UDCY nous pensons que le chef de l'Etat, SEM Alassane Ouattara, en bon père de famille, pourrait donner de véritables signaux à la réconciliation. Comme vous le savez, ce pays doit être construit par tous les fils et filles de la Côte d'Ivoire. Car cette situation de ni paix ni guerre n'arrange personne, encore moins le Gouvernement qui a besoin de sérénité pour pouvoir travailler pour le bien-être des Ivoiriens. Mais il faut qu'un cadre de dialogue soit mis en place.


Kakou Mathias, président du Parti pour le Progrès et le Socialisme : ?'Que le FPI réintègre le dialogue républicain initié par le Premier ministre Jeannot Kouadio-Ahoussou?'

Pour le PPS, il n'y a pas péril en la demeure. Il n'y a pas de crise majeure. Ceux qui ont perdu les élections, refusent que celui qui a gagné les élections travaille librement. Je veux insister, M. Ouattara a gagné les élections. Il faut qu'on le laisse travailler dans la paix pour dérouler son programme. Qui consiste à faire de la Côte d'Ivoire un pays émergent mais le FPI fait exprès pour créer les conditions d'une tension. Ce n'est pas pour cela aussi que nous allons nous déplacer pour aller à Ouagadougou. Que le FPI réintègre le dialogue républicain initié par le Premier ministre Jeannot Kouadio-Ahoussou. A l'intérieur de ce cadre de concertation, ils pourront poser clairement toute leur revendication. On n'a pas besoin d'aller à Ouagadougou pour ça. Le président Blaise Compaoré a autre chose à faire que de s'occuper d'une crise aussi minime.

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