lundi 28 janvier 2013 par L`expression

Dramé Alassane est chauffeur de Gbaka sur la ligne Adjamé-Yopougon. Il a échappé aux flammes des jeunes patriotes à Yopougon. Ce rescapé raconte son calvaire

Vous avez échappé aux flammes à Yopougon. Comment votre accident vous est-il arrivé ?
C'est à Yopougon que cet accident m'est arrivé. Près d'un hôtel appelé ?'Hôtel blanc''. Je suis chauffeur de Gbaka. Je fais la ligne Adjamé-Yopougon. Je rentrais à Yopougon et je suis arrivé à un barrage où des hommes, en civil, tenaient des Kalachs. Et d'autres encagoulés. Ils nous ont demandé, sous la menace des armes, de garer. Nous nous sommes exécutés. Ils se sont mis à demander nos noms. En fonction de ces noms, ils vous libéraient ou vous gardaient. Tout de suite, j'ai compris que nous étions en danger. Tous ceux qui avaient des noms à consonance non nordique étaient automatiquement libérés. Mais les étrangers et les nordistes devenaient automatiquement une proie facile. Non loin du barrage, de nombreux corps calcinés trainaient. D'autres corps qu'ils venaient d'enflammer dégageaient encore de la chaleur. Immédiatement, j'ai imaginé le même sort pour nous. Voyant la mort venir vers nous, j'ai dit à mon petit qui conduisait le véhicule de prendre la fuite. A quelques mètres après le démarrage, ils ont tiré des obus sur le véhicule. Et l'arrière du véhicule a été atteint. Dans la panique, le véhicule a dérapé pour tomber avec moi. Ils se sont rués vers le véhicule et l'ont encerclé avant d'y mettre le feu. Pendant que je brûlais, ils ont disparu pour ne pas être témoins de leur forfaiture. C'était très dur. Je recevais une double chaleur. Celle du fer chaud et celle de la flamme. J'ai crié de façon inhumaine. Il n'y avait personne aux alentours pour me sauver. J'étais dans le feu jusqu'à ce que mes pieds, ma tête, mes bras et toutes les parties de mon corps brûlent. Tout était déjà gâté sur mon corps. Je me débattais impuissant. Avec des gémissements inhumains. Mais Dieu m'entendais. Il n'était pas loin de moi. Il ne voulait pas que je meure ce jour. Comme par miracle, des passants sont sortis sur la scène. Ils m'ont donné un coup de main en m'enlevant du feu. Immédiatement, ils m'ont conduit dans les locaux de Médecins sans frontière. De là, les médecins m'ont conduit à l'hôpital général d'Abobo. C'est lMsf qui a pris mes premiers soins en charge. J'ai fait 3 mois chez eux. Après ces 3 mois, leur contrat a pris fin

Qu'est-ce qu'on vous reprochait exactement ?

On nous reprochait d'être musulmans. Pour eux, nous étions ceux qui ont voté Ouattara. Nous sommes tous même chose. Sur les lieux, nous avons trouvé des cadavres qui trainaient partout. Ces personnes ont été abattues à cause de leur appartenance ethnique.

Lorsque vous avez été pris, aviez-vous demandé pardon ? Comment vous étiez vous comporté ?

Nous avons demandé beaucoup pardon. Surtout ceux qui étaient entre leurs mains. Mais les bourreaux disaient que nous sommes les mêmes Dioula. Ils disaient que c'est nous qui avons voté Ouattara. Cela m'a plus effrayé. J'ai dû demander au chauffeur de fuir les lieux.

Quel jugement portez-vous vis-à-vis des ?'jeunes patriotes'' et du Fpi ?

Je n'arrive pas à comprendre. Je me demande souvent comment un être humain peut-il brûler un autre être avec du feu. On peut faire des palabres et cela peut passer. Mais ce que j'ai vu à Yopougon est horrible. Comment peut-on bruler un humain avec un pneu ? C'est du jamais vu. Je souhaite donc qu'on les juge pour soulager les victimes. Parce que ceux qui ont fait ces crimes, beaucoup sont parmi nous. Nous les voyons et les reconnaissons. Mais comme on parle de réconciliation, nous les regardons. Que l'Etat les juge avec ceux qui les ont envoyés.
In L'Expression du 14 novembre 2011

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