vendredi 8 fevrier 2013 par Lexpress.fr

L'élection d'Alassane Ouattara en 2011 n'a pas mis fin aux violations des droits de l'homme dans le pays. Pour notre contributeur Matt Wells, chercheur à Human Rights Watch, le président français se doit de faire de cette question une priorité dans les relations bilatérales avec Abidjan.
"Les mêmes causes produisent les mêmes effets." Ces derniers mois, j'ai entendu des avocats ivoiriens, chauffeurs de taxi et représentants de la société civile employer cette expression pour décrire les perspectives incertaines de réconciliation en Côte d'Ivoire tant que le gouvernement Ouattara n'instaurera pas une justice impartiale et ne mettra pas fin aux abus des forces de sécurité. Mais cette phrase s'applique tout aussi bien à la France, partenaire clé de la Côte d'Ivoire, qui n'a pas publiquement fait de la question des droits humains une priorité dans sa relation diplomatique avec Abidjan.

À l'issue de la crise postélectorale de 2010-2011, l'économie ivoirienne a redémarré et les infrastructures ont été reconstruites. Alassane Ouattara, en éminent économiste, a privilégié la bonne gouvernance et l'attraction d'investissements, le regard bien sûr tourné vers la France.

Mais cette stabilité en Côte d'Ivoire reste fragile, parce que le gouvernement ne s'est pas attaqué aux causes profondes des violences, notamment le conflit foncier, l'omniprésence d'armes légères et surtout la culture de l'impunité parmi les forces armées. Alors que la justice progresse contre le camp de l'ancien président Laurent Gbagbo, les autorités ivoiriennes n'ont toujours pas arrêté ni inculpé un seul membre des forces pro-Ouattara qui ont, elles aussi, commis des crimes graves.

La voix du gouvernement Hollande reste remarquablement silencieuse
Après une inquiétante vague d'attaques contre des installations militaires en août 2012, des soldats ont arbitrairement arrêté des centaines de jeunes hommes issus de groupes ethniques perçus comme pro-Gbagbo et soumis beaucoup d'entre eux à des traitements inhumains, voire à la torture. Un jeune homme que j'ai interrogé avait été arrêté, battu et obligé de payer une somme exorbitante pour sa libération, sans preuve. Il décrit le danger de ces abus: "Si quelqu'un me demande demain de prendre une arme et de combattre les FRCI [l'armée], je ne sais pas ce que je dirai. Lorsque des personnes ont été dépouillées de tout, lorsqu'il ne leur reste que la haine... nous sommes bien loin de la réconciliation."

Des diplomates et de hauts représentants des Nations Unies, ainsi que des organisations nationales et internationales de défense des droits humains, ont exprimé leurs préoccupations quant à cette situation. Mais une voix est restée remarquablement silencieuse: celle du gouvernement Hollande.

Vu son investissement diplomatique et financier en Côte d'Ivoire, la France a une responsabilité unique dans la promotion des droits humains, d'autant que les orientations de l'UE pour lutter contre la torture donnent pour objectif à l'Union et à ses États membres "d'amener les pays tiers à prendre des mesures efficaces contre la torture et les mauvais traitements", notamment par des déclarations publiques. ... suite de l'article sur Autre presse

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