vendredi 15 fevrier 2013 par Nord-Sud

Pascal Abinan Kouakou, directeur général des Impôts, candidat aux régionales du 21 avril prochain, assure que les Ivoiriens sentiront bientôt les effets du changement.


Qu'est-ce qui pousse un économiste comme vous, de surcroît Dg des Impôts, à se lancer dans la politique ?

Comme on le dit, quand vous ne faites pas la politique, elle vous fait. Il faut aussi dire que je ne suis pas un novice en politique. Je suis délégué départemental du Pdci-Rda depuis treize ans. A ce titre, j'ai été le directeur de campagne du président Bédié au premier tour de l'élection présidentielle de 2010. Au deuxième tour, j'ai été le directeur de campagne du président Alassane Ouattara dans le département d'Agnibilékrou. Tout cela démontre que je ne suis pas en dehors de la politique. C'est depuis 1980 que je fais la politique.

Vous estimez donc que vous êtes resté trop en arrière et qu'il est temps de venir au-devant de la scène ?

Non, non. Chaque chose à son temps. Depuis toujours, j'avais été sollicité par les parents pour être député. J'ai toujours décliné l'offre depuis 1982, au moment où je venais d'entamer ma carrière administrative. Maintenant, j'ai estimé que le moment est venu de m'engager, parce que cette élection dont il est question porte sur le développement. Elle n'est pas une élection politique. Voilà pourquoi je me suis engagé, surtout qu'un économiste a aussi l'ambition de faire en sorte que sa région soit développée. C'est, entre autres, les raisons qui motivent cette candidature aux régionales dans l'Indénié-Djuablin.

Vous donnez en même temps du grain à moudre à ceux qui dénoncent le cumul des postes. Pourquoi vous qui avez suffisamment à ?'manger'' à la Direction générale des impôts voulez-vous grignoter dans le champ des hommes politiques ?

Cette question me faire sourire. D'abord, parlant de manger, je précise qu'à la Direction générale des Impôts, on ne mange pas. L'objectif qui nous est assigné, c'est de mobiliser les fonds pour les caisses de l'Etat, afin que celui-ci puisse assumer ses fonctions régaliennes. C'est cela notre mission. Bien entendu, en tant que fonctionnaire, nous sommes payés pour faire ce travail. Et puis, il n'est pas question de cumul de postes dont vous parlez. Voyez-vous, il y a beaucoup de membres du gouvernement qui sont candidats à cette élection. Il y a aussi des députés qui sont candidats à ce scrutin. On ne parle de cumul que lorsqu'il s'agit de postes électifs. Autrement dit, quand on est député et qu'on veut être maire où président de conseil régional, on peut parler de cumul.

Quel est votre avis sur la question du cumul des postes, concernant notamment les postes électifs ?

C'est un débat qui a lieu dans le monde entier. Et jusque-là, personne n'a pu y trouver une réponse véritable, parce que le cumulard peut être celui qui peut faire gagner une élection. Quand on se place de ce point de vue, les partis et les groupements politiques veulent toujours gagner une élection. Alors, ils choisissent toujours celui qui peut leur faire remporter une victoire éclatante. Dans ces cas, le cumul s'impose.

Est-ce l'intérêt du parti qu'il faut privilégier où celui des populations ?

Si c'est une élection politique, il faut privilégier l'intérêt des partis politiques parce qu'au finish, on va compter les postes et dire quel est le parti majoritaire, par rapport à ses élus.

Qu'est-ce qui a milité en votre faveur, lors du choix des candidats ?

C'est ceux qui m'ont désigné qui peuvent répondre à cette question. Peut-être que j'ai satisfait plus aux critères du Pdci.

Quelles seront vos priorités si vous êtes porté à la tête de la région de l'Indénié-Djuablin ?

Mes priorités sont nombreuses. Mais la priorité la plus ?'prioritaire'', ce sont les infrastructures routières. Dans notre région, c'est la priorité des priorités parce qu'il s'agit de permettre à nos parents de pouvoir se déplacer d'un village à l'autre, d'un village aux chefs-lieux de sous-préfecture ou aux chefs-lieux de département. Par la même occasion, il faut permettre aux paysans de faire sortir leurs produits; c'est une région très agricole. Pour l'écoulement et l'approvisionnement des produits agricoles, nous avons beaucoup de problèmes. Que ce soit au niveau du département de Bettié, du département d'Abengourou, d'Agnibilékrou, ce sont les mêmes difficultés auxquelles sont confrontés les paysans. Nous allons essayer d'y apporter rapidement des solutions, si les parents acceptent de nous faire confiance.

Comment arrivez-vous à expliquer qu'une région aussi riche présente autant de handicaps ?

Je ne peux pas dire que c'est un paradoxe ; c'est plutôt un problème de programmation au niveau national. Vous vous souvenez qu'à l'époque, il y avait ce qu'on appelait les Travaux publics. Dans chaque région et même dans chaque sous-préfecture, il y avait une antenne. Tout ceci a été démantelé dans les années 1990, sous la pression des bailleurs de fonds. Et dans le calcul qui avait été fait, en remplacement de ces structures d'Etat, il s'agissait de faire la part belle aux entreprises privées, les Pme notamment. Malheureusement, les calculs ont été faussés et cela n'a pas été possible, bien que l'Etat ait essayé un peu. Il faut dire qu'il y a eu des problèmes de trésorerie. Il fallait payer les gens au fur et à mesure. Cela n'a pas été fait. Et ces petites et moyennes entreprises ont toutes disparu. En conséquence, les voies et les pistes sont restées en l'état, sinon elles se sont dégradées de plus en plus.

Pensez-vous que le budget dont vous allez disposer à la tête du conseil pourra vous permettre de venir à bout de ces problèmes épineux?

De toutes les façons, un budget n'a jamais suffi. Que ce soit au niveau de l'Etat, que ce soit au niveau des individus que nous sommes, il y a toujours des problèmes pour équilibrer nos budgets. Il faut arriver à trouver des palliatifs. Dans le cadre de la décentralisation, il y a ce qu'on appelle la coopération décentralisée qui permet aux structures d'avoir des moyens additionnels. C'est ce que nous allons faire. J'ai même des contacts avec des amis en la matière. Ils sont déjà prêts pour nous appuyer quand nous serons élus.

La conférence des présidents du Rhdp a souhaité que vous alliez en Rhdp à ces élections. Pensez-vous que cette éventualité arrive à propos, puisque vous avez mis la charrue avant les b?ufs ?

De ce point de vue, nous au niveau de l'Indénié-Djuablin, nous avions déjà arrêté cela. Nous nous sommes concertés avec nos frères des partis qui forment la coalition Rhdp bien avant que cette décision ne soit prise par le directoire.

Etes-vous en train de dire que vous aviez déjà arrêté une liste Rhdp ?

Chaque parti avait sa liste. Mais comme nous savions que ça allait arriver, nous nous étions déjà concertés. Si on nous dit que nous devons aller en Rhdp, ce serait enfoncer une porte déjà ouverte. Il suffit de fusionner les listes pour voir notre problème réglé.

Qui conduira alors la tête de liste ?
La tête de liste sera conduite par le Pdci, c'est-à-dire par moi-même. Je peux même dire que j'ai déjà eu ces assurances de la part des autres. Nous sommes donc parfaitement en phase avec la décision du directoire du Rhdp.

Si vous, dans l'Indénié-Djuablin, vous êtes arrivés à éviter le clash, ce n'est pas le cas dans beaucoup de région. Pensez-vous qu'au sortir de ces élections, le Rhdp fera l'économie d'une nouvelle déchirure ?

La vie politique est malheureusement faite de cela. Mais, on arrive toujours à colmater les brèches. A ce que je sache, le président Alassane Ouattara et son frère, Henri Konan Bédié et les autres membres de la coalition ont une rencontre très prochainement. (l'interview a eu lieu le dimanche dernier, avant la rencontre Bédié-Ouattara, ndlr). C'est justement pour aplanir tous ces différends. Et, il faut le faire dans la mesure où le Rhdp est comme notre bouée de sauvetage. Chacun de nous a donc intérêt à faire en sorte que cette alliance perdure.

Seriez-vous disposé à aller également aux municipales en Rhdp ?

Bien entendu. Il n'y a pas de raison que ça ne soit pas ainsi. Si aux régionales, on va en Rhdp et puis dans le même temps chacun va de son côté aux municipales, cela ne serait pas logique. Il y a de la place pour tout le monde. Il suffit que des gens taisent un peu leur égoïsme. Car à la mairie, par exemple, c'est une candidature de liste. Aux régionales, c'est pareil. Donc chacun devrait avoir sa place. Ce qui devrait d'ailleurs permettre de former de bonnes équipes pour atteindre l'objectif fixé. Parce que l'essentiel, c'est d'arriver à engager le développement aussi bien dans les communes que dans les régions.

Auriez-vous accepté de vous aligner comme vous le préconisez, si vous n'aviez pas été retenu comme tête de liste aux régionales ?

On nous avait déjà posé cette question au moment des tractations au niveau du Pdci. J'avais dit que si je n'étais pas retenu, je m'alignerais simplement parce que c'est le parti qui aurait choisi untel au détriment de ma personne. Comme je suis discipliné, moi j'avais déjà annoncé que si je n'étais pas retenu, je m'alignerais. Mon frère Wadja avait dit la même chose. Ceux qui étaient chargés de nous auditionner, en avaient pris acte. Je pense que chacun de nous est dans cette disposition d'esprit.

Les résultats des législatives partielles avec la razzia des indépendants ne vous effraient-ils pas un peu ?

M'effrayer moi ? Non. Ça dépend de la région. De toutes les façons, ce sont les électeurs qui sont les arbitres et ce sont nos parents. Ils me connaissent eu peu.

Vous partez particulièrement confiant, il me semble

Bien sûr que je pars confiant, sinon ce n'est même pas la peine de dire que je suis candidat.

Souhaitez-vous que le Fpi participe aux prochaines élections ?
Mais pourquoi pas ? Ce sont des Ivoiriens comme nous. Ce qui s'est passé est passé. Il faut qu'on se remette tous ensemble pour construire ce pays. C'est ce que le président demande et je pense qu'en le faisant, il est sur la bonne voie, parce qu'il ne faut pas laisser d'autres en rade. Ces sont des gens qui ont aussi des compétences. Je souhaite qu'ils arrivent (le gouvernement et l'opposition, ndlr) à s'entendre par rapport à ce que chacun d'eux présente comme revendication. Toutefois, ce qu'il faut éviter, ce sont les préalables à n'en pas finir. On n'avance pas avec des préalables. Quand on va à une négociation, chacun gagne un peu et perd un peu. C'est ainsi qu'on peut faire avancer les choses.

Que diriez-vous à vos parents pour éviter des actes de violence autour des élections à venir ?

Je voudrais dire que ces élections régionales et municipales sont des élections de développement. Le président l'a dit et je le répète à sa suite. Ce n'est pas pour aller faire la politique politicienne. On doit se mettre ensemble pour développer sa commune ou sa région. Moi je me trouve dans ces dispositions-là. C'est pourquoi j'ai tendu la main à tout le monde. Quand je vais parler à nos parents, je ne fais pas de distinction entre militants Rhdp et Lmp. Je parle à tout le monde en ce sens que ce que nous allons faire pour la région sera profitable à tout le monde. On doit donc se mettre ensemble pour conduire cette politique de développement. Je demande aux parents de ne pas se sentir exclus, car c'est ensemble que nous arriverons à développer notre région.

En tant que cadre du Rhdp, comprenez-vous un peu l'impatience de la base, de la population de manière générale, qui estime que depuis l'avènement du président Alassane Ouattara au pouvoir, l'argent ne circule pas ?

Ah cette question ! Je crois que le président a donné une très bonne réponse : l'argent ne circule peut-être pas, mais il travaille. Ecoutez, on sort d'une crise, d'une crise aussi grave que celle que nous avons connue. Je me demande si les gens font un peu de calcul économique. D'un taux de croissance de -6%, on va atteindre un taux de croissance de +9% dès la fin de cette année 2013. Voyez le bond que nous avons fait. C'est comme quelqu'un qui était au troisième sous-sol et qui se retrouve au quinzième étage. Certes, les gens ne perçoivent pas encore les retombées, mais on revient de loin tout de même.

Comment expliquez-vous cela ?

J'explique cela par le fait qu'il faut créer la richesse. C'est ce que le président est en train de faire.

Voulez-vous dire qu'il est en train de créer la richesse, avant de la partager ?

Il a déjà pratiquement créé la richesse. Au niveau diplomatique, la Côte d'Ivoire est repositionnée. Au niveau économique, le taux de croissance est ce que je viens d'annoncer. Donc, la richesse est créée. C'est maintenant qu'il va falloir partager. Mais, il faut le faire de manière méthodique aussi. Ce n'est pas comme les années passées où on n'arrivait pas à ramasser les ordures malgré que l'argent circulait comme le disent certains. A la vérité, l'argent ne circulait que dans les parlements et les agoras. Est-ce que c'est ça le développement ? Je dis non !

Vous êtes dans l'abstrait. A partir de quand le citoyen lambda doit pouvoir sentir qu'il y a un changement dans son assiette ?

Je ne suis pas du tout dans l'abstrait. Je suis très très réaliste. Je vous ai donné des chiffres. C'est pour cela je vous dis qu'il faut d'abord créer la richesse. Et quand la richesse est créée, les gens vont commencer à sentir les effets de cette richesse. On ne peut quand même pas mettre la charrue avant les b?ufs sinon Le Ppte, parlons-en. Quand on est arrivé à la fin de ce processus, il y a eu des annulations de dettes. Quand on ne paie plus de dette, on dégage une marge qu'on peut injecter dans l'économie locale, nationale. Quand vous signez des conventions de désendettement avec les pays comme la France, vous créez la richesse, vous créez des emplois. Dans un rapport du Cepici (Centre de promotion des investissements, ndlr) que je lisais récemment, en moins de deux mois, on a créé à peu près cent six entreprises ; sur une période de trois, quatre, cinq mois, c'est près de 1260 entreprises qui ont été créées. Tout ceci prouve que la Côte d'Ivoire est redevenue fréquentable et qu'il y a de l'emploi qui se crée où des jeunes seront embauchés. En ce moment, ils sentiront forcément comme vous l'avez dit, les effets de la richesse dans leurs assiettes. Vous allez voir que dans quelques mois, les Ivoiriens vont cesser de se plaindre.

Autrement dit, il faut qu'ils soient patients !

Bien sûr ! En plus de la patience qu'on leur demande, il faut qu'ils aient de la bonne foi, parce que personne ne peut dire aujourd'hui qu'il ne sent pas la différence entre ce qu'il y a aujourd'hui et ce qui existait, il y a un ou deux ans. Je veux dire qu'il n'y avait pas de routes, les ordures n'étaient pas ramassées, des gens ne mangeaient pas à leur faim. J'ai vécu cette période et je sais de quoi je parle. Aujourd'hui, je suis plus à l'aise de sentir que le pays est sur les rails, que les rues sont balayées, qu'il y a des routes pour circuler librement, que les gens paient leurs impôts. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus ? Sincèrement, il faut que les Ivoiriens aient un peu de patience. Il n'y a que deux ans et demi que le président est aux affaires. Mais, certains ont l'impression qu'il y a dix ans qu'il est là.


Depuis l'arrivée du président Ouattara, les Ivoiriens se plaignent également d'être trop pressés par les Impôts.

(Rire). Vous voyez, c'est pour cela je dis qu'il faut que les Ivoiriens fassent preuve de bonne foi. Moi je suis aux Impôts depuis 32 ans. J'ai vécu aussi cette période où les contrôles étaient si intempestifs que le Medef (Mouvement des entreprises de France, ndlr) en France nous a interpelés pour dire qu'il y a trop de contrôles en Côte d'Ivoire. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Présentement, il y a moins de pression. Nos partenaires qui sont les opérateurs économiques en sont satisfaits. Vous pouvez mener un sondage, vous verrez. Je ne fais que des conférences depuis que l'annexe fiscale a été adoptée avec des organismes socioprofessionnels, parce que ceux-ci demandent des éclaircissements. Et c'est ce que nous faisons. La pression fiscale dont parlent certaines personnes n'existe pas en Côte d'Ivoire par rapport à la norme régionale dans le cadre de l'Uemoa. La pression autorisée est de 18 ou de 19%. Nous ne sommes qu'à 16, 5%. Donc, on n'est même pas au niveau de la norme autorisée. Au vu de tout ceci, il faut que les gens fassent preuve de bonne foi. Bien attendu, on est jamais prophète chez soi et quel que soit l'effort que le gouvernement fera, les gens auront toujours de quoi à redire. Et ça, c'est peut-être leur droit. Ils veulent plus de bien-être, plus de richesse. C'est d'ailleurs cet objectif que le gouvernement s'est assigné.

Cette année, si je ne me trompe, vos objectifs, c'est 1415 milliards. Pensez-vous pouvoir atteindre ce chiffre?

C'est notre objectif. Notre but, c'est de l'atteindre bien évidemment et même le dépasser. On se donne les moyens d'y arriver. Et c'est aussi notre rôle de faire en sorte que les gens payent leurs impôts. Si les Ivoiriens ont cet esprit citoyen et patriotique, il n'y a pas de raison qu'on n'atteigne pas cet objectif.

Cela leur garantirait qu'on n'augmentera pas l'électricité, le pétrole, le gaz

Le président l'a dit. Il ne faut pas donner par la main droite et reprendre par la main gauche. L'objectif, c'est de faire en sorte que les prix n'augmentent pas. Et il y a un comité pour étudier la cherté de la vie. Cela veut dire que le gouvernement a le souci de ne pas pénaliser les ménages, ni d'alourdir leurs charges. On ne peut pas demander mieux. La vie est ainsi faite. Les gens quel que soit ce qu'on leur donnera, continueront de se plaindre. Je tiens à dire aux Ivoiriens qu'honnêtement, nous sommes sur la bonne voie. Qu'ils fassent confiance au président et à son gouvernement et les choses iront nettement mieux.

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