mardi 26 fevrier 2013 par AFP

ABIDJAN -L'armée ivoirienne a commis des "violations graves" des droits de l'Homme aux dépens de partisans avérés ou supposés de l'ex-président Laurent Gbagbo en réaction à une vague d'attaques en 2012, affirme Amnesty International dans un rapport publié mardi.

Dans ce rapport intitulé "Côte d'Ivoire: la loi des vainqueurs", issu d'une
enquête d'un mois en septembre et octobre 2012, l'ONG de défense des droits de l'Homme accuse les Forces républicaines (FRCI), l'armée mise en place par le président Alassane Ouattara après la crise postélectorale de 2010-2011, d'avoir mené une "politique de répression" au nom de la "sécurité".

"Sur des bases souvent ethniques et politiques", "des dizaines de
personnes" ont été victimes d'"arrestations arbitraires" et de "tortures"
commises par l'armée et la "milice" composée des chasseurs traditionnels
"dozo", rapporte Amnesty. Deux personnes au moins sont mortes des suites
d'actes de "torture", selon l'organisation.

L'ONU, Amnesty et d'autres ONG internationales avaient déjà accusé les FRCI
de graves violations des droits de l'Homme dans leur réponse à la vague d'attaques, souvent meurtrières, menées au second semestre 2012 par des groupes armés contre les forces de sécurité et des sites sensibles. Le gouvernement a imputé ces attaques à des fidèles de l'ancien régime, ce que le
camp Gbagbo a récusé.

La Côte d'Ivoire tente de tourner la page de la crise de décembre
2010-avril 2011 qui a fait quelque 3.000 morts après le refus de Laurent
Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle. L'ex-chef de l'Etat est
soupçonné de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI)
et détenu à La Haye depuis fin 2011. Nombre de ses partisans sont détenus en
Côte d'Ivoire.

Des soutiens du président Ouattara sont soupçonnés d'avoir commis aussi de
graves crimes durant la crise de 2010-2011 mais aucun d'eux n'a été inquiété
par la justice ivoirienne, pas plus que les militaires accusés d'avoir commis
des exactions après les attaques armées de 2012.

"La Côte d'Ivoire doit briser le cycle des abus et de l'impunité", a estimé
Gaëtan Mootoo, chercheur à Amnesty, dénonçant "l'échec des autorités
ivoiriennes à instaurer un Etat de droit" malgré les promesses.

L'organisation a réclamé par ailleurs la mise en place d'une "commission
internationale d'enquête" sur l'attaque en juillet 2012 du camp de déplacés de
Nahiby (ouest), qui abritait des membres de l'ethnie guéré, considérée comme
favorable à l'ancien régime.

Alors que le bilan officiel fait état de huit morts, Amnesty évoque un
bilan d'au moins "14 personnes tuées", sans compter un "nombre inconnu de
personnes victimes de disparitions forcées" après leur arrestation.

L'attaque contre ce camp gardé par des éléments de l'ONU a été perpétrée
par des jeunes venus d'un quartier dioula - ethnie considérée comme
pro-Ouattara - de la ville voisine de Duékoué ainsi que par des "dozo" et des
FRCI, indique l'ONG, comme d'autres organisations des droits de l'Homme et de
nombreux témoins.

L'enquête ouverte par la justice ivoirienne n'a jusque-là pas abouti.

Plus largement, "si des mesures de justice et de contrôle des forces de
sécurité ne sont pas prises sans délai, l'avenir de la Côte d'Ivoire risque
d'être marqué par des crises politiques successives où les espoirs de
réconciliation ne cesseront de s'amenuiser", a averti Amnesty.

Dans un courrier inséré en annexe au rapport, le ministère ivoirien de la
Justice rappelle que les autorités se sont engagées à poursuivre les auteurs
d'éventuels abus, faisant état des "efforts déployés par l'Etat" (par la
formation notamment) pour améliorer le respect des droits de l'Homme par les
forces armées.
tmo/dm

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