mercredi 3 juillet 2013 par AFP

Eaux agitées à Abidjan: le gouvernement ivoirien est secoué par une controverse autour de la concession du deuxième terminal à conteneurs du port, attribuée au groupe français Bolloré au grand dam d'un ministre.
"Du couac au clash!", titrait récemment un quotidien ivoirien. Un ministre qui pilonne le contrat, attribué après un appel d'offres ouvert par les pouvoirs publics, puis l'un de ses collègues, très proche du président Alassane Ouattara, qui lui répond vivement: l'exécutif se retrouve dans une situation délicate, sur fond de débat sur la "bonne gouvernance".
Le ministre du Commerce, l'homme d'affaires Jean-Louis Billon, a ouvert les hostilités en contestant l'attribution en mars dernier de ce contrat de plus de 400 millions d'euros à un consortium formé par deux groupes français, Bolloré Africa Logistics et Bouygues Travaux publics, et le groupement APM Terminals du groupe Maersk (Danemark).
L'idée de départ était de développer la concurrence dans ce port leader en Afrique de l'Ouest, le premier terminal étant déjà géré depuis 2004 par Bolloré, mais on a confié à ce groupe un "super-monopole", a dénoncé M. Billon dans un entretien à l'hebdomadaire français Le Nouvel observateur début juin. Il a même émis des doutes sur les conditions d'attribution du contrat.
Cette sortie fracassante du ministre, connu pour ses coups de gueule du temps où il présidait la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Côte d'Ivoire, a fait bondir à la présidence comme chez le Premier ministre Daniel Kablan Duncan.
D'autant que le président Ouattara avait lui-même défendu l'attribution au
consortium de ce terminal, attendu pour 2017. Selon lui, le trio avait
présenté "les meilleures offres", sinon sur le plan technique, du moins sur le
plan financier.
Proche parmi les proches du chef de l'Etat, le ministre de l'Intérieur Hamed Bakayoko s'est chargé il y a quelques jours d'apporter la réplique au ministre du Commerce, offrant un étonnant spectacle de désunion au sommet de l'Etat.

L'après-Ouattara dans les têtes

"Vous ne pouvez pas être ministre du gouvernement et opposant au gouvernement. Vous ne pouvez pas être membre de l'équipe et jouer contre l'équipe", a lancé M. Bakayoko à l'intention de son collègue, sur la télévision publique RTI.
En outre, celui qui est l'un des hommes forts du régime n'a pas manqué de souligner, comme le groupe Bolloré l'a fait, que la société Movis, dirigée par un frère de M. Billon, a été l'un des recalés de l'appel d'offres pour le deuxième terminal.
Désormais, les rumeurs ne cessent d'enfler autour du sort du Franco-Ivoirien Jean-Louis Billon: restera, restera pas au gouvernement?
L'intéressé joue désormais profil bas, arguant que l'affaire est à présent du ressort de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), saisie d'une plainte de concurrents malheureux de Bolloré.
Pour un visiteur régulier du palais présidentiel, la contre-attaque du ministre de l'Intérieur montre en tout cas que "Ouattara a lâché Billon".
Mais un proche du chef de l'Etat calme le jeu, assurant qu'un remaniement n'est pas à l'ordre du jour dans l'immédiat.
Non sans tacler l'insolent, soupçonné de chercher une échappatoire: "Billon se rend peut-être compte que le ministère du Commerce, c'est difficile...", glisse cette source. Les Ivoiriens attendent toujours en effet de voir baisser les prix des denrées de première nécessité, premier défi du ministre.
Longtemps aux commandes de Sifca, groupe familial et numéro un du secteur privé dans le pays, "Billon est un homme libre", explique l'un de ses proches, qui défend sa "cohérence": "en entrant au gouvernement, il avait eu des garanties très claires sur la priorité donnée à la bonne gouvernance".
Pour maints observateurs, la passe d'armes entre Hamed Bakayoko, ténor du Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel, et Jean-Louis Billon, cacique du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'autre grand parti de la coalition au pouvoir, est aussi un choc d'ambitions. On prête aux deux hommes l'intention de briguer la présidence quand l'actuel chef de l'Etat, candidat à sa succession en 2015, se retirera des affaires.
Quant à Bolloré, groupe très implanté en Côte d'Ivoire et qui dit prendre "très au sérieux" le recours devant l'Uémoa, il ne perd pas de temps: les négociations pour la concession du deuxième terminal ont été finalisées fin juin. La signature formelle de l'accord est prévue d'ici fin juillet.

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