lundi 29 juillet 2013 par Le Patriote

Son Excellence Abdou Touré, Ambassadeur de Côte d'Ivoire près le Burkina Faso, que nous avons rencontré récemment à l'occasion de notre séjour dans la capitale burkinabé, a bien voulu se prononcer sur l'état des relations bilatérales entre les deux pays. Le diplomate pense que l'intégration sous-régionale pourrait partir de l'axe-Abidjan-Ouagadougou. Entretien.
Le Patriote : Excellence, quel est l'état des relations bilatérales entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, deux ans après la fin de la crise postélectorale?
Abdou Touré : Les relations entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso sont excellentes à tous les niveaux. Elles ne sauraient d'ailleurs être autrement. Parce que si vous vous souvenez, même au plus fort de la crise que notre pays a connue, vous n'avez jamais entendu que la Côte d'Ivoire ou le Burkina Faso a rappelé son ambassadeur ou fermé son ambassade. Cela tient aux liens historiques et géographiques qui unissent ces deux pays.

LP : Effectivement, les rencontres sur la recherche de la paix dans le cadre de l'accord politique de Ouaga ont fait place depuis lors à des sommets sur le Traité d'Amitié et de Coopération signé en 2008. Est-ce l'amorce d'un véritable développement des deux Etats ?
AT : Le Burkina Faso est le plus voisin des voisins de la Côte d'Ivoire. Si l'on se réfère à l'histoire, de 1932 à 1947, 80% de l'ex-Haute Volta avait été attribués à la Côte d'Ivoire sous la colonisation. On parlait à l'époque de la Haute Côte d'Ivoire avec pour capitale Kaya, la moyenne Côte d'Ivoire ayant pour capitale Dimbokro et la Basse Côte d'Ivoire avec pour capitale Abidjan. Et c'est à partir de Bobo Dioulasso que le colonisateur organisait l'acheminement de la main d'?uvre voltaïque vers la Basse Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire a donc eu besoin de la force de travail des Burkinabè pour développer son secteur agricole. Quand on connait l'histoire de ces deux pays, on ne s'étonne pas qu'il y ait plus de 3 millions de Burkinabé qui vivent en Côte d'Ivoire. C'est le colonisateur qui l'a voulu et c'est aussi grâce à cela que la Côte d'Ivoire est devenue le premier producteur mondial du cacao. En 2008, puisque vous le rappelez, même en plein crise, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont signé le Traité d'Amitié et de Coopération. Les présidents Compaoré et Gbagbo avaient perçu la nécessité de consolider les liens entre leurs deux pays. Je dirai que c'est quelque chose de formidable. Ce Traité est, à n'en point douter, le socle du développement de ces deux Etats.

LP : On note que ce Traité signé sous l'ex-président, Laurent Gbagbo a survécu à la crise qu'a traversée la Côte d'Ivoire. Quelles peuvent être les retombées pour les deux Etats si cette dynamique se maintient ?
LP : En effet, ce Traité a survécu à la crise, parce qu'il n'était pas lié aux chefs d'Etat qui l'ont signé, mais aux Etats. Son Excellence Alassane Ouattara et Son Excellence Blaise Compaoré ont donné une âme concrète à ce Traité. Pour rappel, le 18 novembre 2011, tout le gouvernement ivoirien s'est retrouvé ici à Ouagadougou pour un Conseil des ministres conjoint. C'est, à mon sens, la première fois dans l'histoire du monde qu'on assiste à cela. Dans la dernière semaine du mois de juillet, c'est tout le gouvernement burkinabé qui se déplacera dans la capitale politique ivoirienne pour le même Conseil des ministres. C'est une vision nouvelle de coopération entre les deux Etats. Je ne parlerai même pas des rencontres entre les ministres de différents départements des deux pays dont la dernière date du 25 avril entre les ministres des Affaires étrangères, leurs Excellences Charles Diby Koffi et Djibril Bassolé à Bobo Dioulasso. Cette rencontre visait, d'une part, à faire le point des avancées du Traité et d'autre part, à préparer la prochaine conférence au sommet prévue du 28 et 30 juillet à Yamoussoukro.

LP : Au-delà des communiqués, que gagnent concrètement les deux peuples ?
AT : Ce Traité ne se limite pas aux communiqués produits. Je vous indiquais tantôt que la dernière rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays a eu lieu le 25 avril dernier à Bobo Dioulasso. Cette rencontre a été l'occasion d'une évaluation des avancées de ce Traité. Il a été évoqué la question de l'autoroute qui doit relier la Côte d'Ivoire au Burkina Faso. Sur ce point l'étude de faisabilité est bouclée et les financements également. Une fois réalisée, l'on pourra relier en voiture Abidjan à Ouaga en quelques heures. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il y a aussi la boucle ferroviaire jusqu'à Cotonou, en passant par Ouaga et Niamey, dont les travaux de réhabilitation vont bientôt démarrer. L'interconnexion électrique est une réalité depuis quelques années. Il y a aujourd'hui dans le cadre de ce Traité une coopération dans tous les domaines. Au plan diplomatique, chaque pays assure les intérêts de l'autre en cas d'absence de représentation diplomatique. Par exemple, le Burkina Faso supplée aux intérêts de la Côte d'Ivoire qui n'est pas représentée à Cuba. N'est-ce pas là, un bel exemple de coopération ? Ce sont les deux peuples qui gagnent de ce point de vue.

LP : Pensez-vous, Excellence, qu'avec ce Traité l'intégration sous-régionale peut être boostée à partir de l'axe Abidjan-Ouagadougou ?
AT : C'est évident que l'intégration et le développement de la sous-région partira de l'axe Abidjan-Ouaga. Les bases sont en train d'être jetées. Ce Traité est un exemple type d'intégration, je vous l'assure.

LP : On note cependant qu'il existe des entraves à l'avènement de cette intégration souhaitée de part et d'autre, notamment en ce qui concerne la fluidité du trafic et de la libre circulation des personnes et des biens sur les corridors reliant les deux pays. Comment résoudre ces réels problèmes ?
AT : C'est vrai que sur les routes qui relient les deux pays, on assiste encore à des tracasseries. Mais c'est tout cela que le Traité d'Amitié et de Coopération entre les deux Etats veut corriger et va corriger. Nous ne doutons pas que toutes ces questions seront traitées progressivement avec la mise en place d'un comité conjoint de suivi. La volonté politique des deux Etats est bien manifeste.

LP : La Côte d'Ivoire renaît au plan économique et renoue avec le développement. Cependant la réconciliation reste un défi qui n'est pas encore gagné. Quelle pourrait être la contribution de la diaspora ivoirienne au Burkina ?
AT : Les Ivoiriens résidant au Burkina ont déjà réussi la réconciliation. L'union des ressortissants de Côte d'Ivoire au Burkina est une structure apolitique qui regroupe toutes les sensibilités politiques et religieuses. C'est un exemple de fraternité et de cohésion. Vous savez bien que rien ne peut se faire sans la réconciliation. Je profite donc de votre organe de presse pour exhorter l'ensemble des Ivoiriens, où qu'ils se trouvent, à se pardonner et à accepter la réconciliation pour une paix durable dans notre pays.

LP: A combien peut-on estimer le nombre d'Ivoiriens vivant au Burkina Faso ?
AT: Nous avons au Burkina Faso environ 7000 Ivoiriens. Ils sont dans presque tous les secteurs d'activités, les banques, les assurances, le commerce, la restauration. Et au Niger, nous avons entre 400 et 500 Ivoiriens.

LP : En votre qualité d'ambassadeur près le Burkina Faso et de la République du Niger, comment coordonnez-vous vos charges dans ces deux pays ?
AT : Je suis effectivement l'ambassadeur de la Côte d'Ivoire au Burkina Faso et au Niger avec pour résidence à Ouagadougou. Ce qui veut dire que je suis plus présent à Ouagadougou qu'à Niamey. Cela ne pose aucun problème dans la gestion de mes charges. Puisque, périodiquement, je me rends au Niger pour les autorités et m'enquérir des problèmes de mes compatriotes.


Propos recueillis par Alexandre Lebel Ilboudo

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