lundi 5 aout 2013 par Le Patriote

Gbah Eugène, ça vous dit ? C'est un vieux briscard de la musique ivoirienne. Après avoir fait les beaux jours d'orchestres comme Los Cubanos , Le Kamabansou et Unité Jazz , il rejoint la formation d'Amédée Pierre au début des années 70. Puis, Ernesto Djédjé le recrute pour le San Pedro Orchestra , avant de former avec lui Les Ziglibitiens en 1976. L'année suivante, il part en France, où il met la musique en veilleuse pour travailler dans la métallurgie. Quand l'heure de la retraite sonne, Gbah Eugène décide de rentrer au pays, pour se consacrer à ses premières amours : la musique. Signature , son nouvel opus, est en ce moment dans les bacs. Entre deux rendez-vous, il a bien voulu se confier au Patriote. Entretien.
Le Patriote : Votre nouvel album est intitulé "Signature". Que cachez-vous derrière ce vocable?
Gbah Eugène: Je veux tout simplement dire que je signe mon retour. Dans cette ?uvre, je remets au goût du jour toutes les chansons que j'ai exécutées lors de ma carrière solo. C'est également une manière, pour moi, de dire aux mélomanes ivoiriens que je suis de retour. C'est le même Gbah Eugène qui revient avec une autre manière de chanter, une autre manière de faire la musique.

LP : Dans la chanson "Les amis", qui figure sur cet album, à qui faîtes-vous allusion ?
GE : J'ai vécu à Paris pendant plus de 34 ans! Là-bas, j'ai vu certains de nos compatriotes retraités, qui ne veulent pas rentrer, qui souffrent et deviennent par la suite des clochards et crèvent. Moi j'ai eu la chance d'aller travailler, d'obtenir ma retraite et de rentrer au pays. A ces amis, à tous les compatriotes de la diaspora, je demande de rentrer au pays même s'ils n'ont rien réalisé. Le pays a besoin de nous, c'est-à-dire de chacun de ses fils. Moi, je suis rentré, la vie est belle au pays, j'ai retrouvé la chaleur humaine et on est toujours mieux chez soi.

LP : Il semble que la gestation de cet album a été longue
GE : J'ai mis deux ans pour réaliser le réaliser. Wompi assurait les arrangements lorsqu'il a été rappelé à Dieu. Et c'est Aristide Diko qui a parachevé l'?uvre. Je suis à la fois le producteur et distributeur de mon album. Je l'ai financé avec ma pension de retraité. Comme je voulais pérenniser ma musique, je n'ai pas attendu un quelconque producteur.

LP : Aujourd'hui avec les rythmes nouveaux qui font la part belle à l'ambiance, pensez-vous que le public prendra le temps de vous écouter ?
GE : Moi, j'encourage les jeunes qui pratiquent ces rythmes nouveaux. Dans les années soixante, quatre-vingt jusqu'en 2000, les musiques camerounaise et congolaise étaient les plus jouées et écoutées dans les boîtes de nuit en Côte d'Ivoire et un peu partout en Afrique. Et le rythme "Coupé- décalé" arrive, séduit l'Afrique de l'Ouest et tout le continent aujourd'hui. Il faut reconnaître que le Coupé- décalé fait la fierté de la Côte d'Ivoire. Mais, ce que je déplore, c'est que les jeunes gens qui font cette musique ont la fâcheuse habitude de ne pas écrire leurs textes. Autre chose, à la différence des artistes Coupé décalé, prenez les artistes Zouglou comme Soum Bill, les Patrons, moi je les écoute et ils sont nombreux les mélomanes qui les écoutent. A part eux, il y a bien d'autres qui font de la bonne musique, tandis que certains ne font pas d'efforts de composition. Ils font plutôt du bruit. Sinon, le public ivoirien connaît la bonne musique et les mélomanes écoutent la bonne musique, quelle que soit la génération à laquelle le musicien qui chante appartient. Sinon, on ne serait plus en train d'écouter Franco, Rochereau, Djédjé et bien d'autres anciens aujourd'hui.

LP : Un musicien qui part en France, on se dit qu'il va se perfectionner. Comment s'est opérée votre reconversion au point de mettre vite en veilleuse votre carrière pour autre chose ?
GE : J'ai commencé la musique très jeune. Il faut le dire, j'étais un peu saturé. Vous savez, en France, on peut se former et apprendre un métier à tout âge. Arrivé en France, je suis entré dans une école de formation d'où je suis sorti avec un Certificat spécialisé en aéronautique dans la construction métallurgique. J'ai travaillé pendant 29 ans et c'est le fruit de ce labeur qui me permet d'avoir une retraite conséquente, de réaliser mon album et de vivre décemment aujourd'hui.

LP : Pourquoi portez-vous toujours un chapeau melon ?
GE : C'est mon signe distinctif. A notre époque, il fallait se démarquer des autres par un signe particulier dans l'accoutrement. Djédjé, c'était les bas évasés du pantalon, les grands cols de la chemise ; Lougah c'était les chaussures "Bottillons", moi j'ai opté pour le chapeau melon et je pense que ça me va bien.

Réalisée par Jean- Antoine Doudou

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