mardi 24 septembre 2013 par Le Patriote

Lundi 19 août 2013, il est un peu plus de 20h lorsque nous arrivons chez Seydou Doumbia. Le véloce attaquant du CSKA Moscou occupe un coquet appartement situé au Leninsky Prospekt, un quartier huppé de la capitale russe. Dans une ambiance très détendue, Seydou Doumbia, qui évolue en Russie depuis trois saisons, a bien voulu, pour Le Patriote, ouvrir le livre de sa vie. De la naissance de sa fille, Mayela Doumbia, le 5 novembre 2012, à sa blessure au dos qui l'a presque privé de compétition la saison dernière, en passant par ses rapports avec la colonie ivoirienne vivant à Moscou et bien sûr la sélection nationale de Côte d'Ivoire. Entretien.
LP: Trois saisons maintenant en Russie. Comment se passe la vie ici?
SD: Ça va. Je me sens bien. Je suis toujours dans mon coin. A part mes entraînements et mes matchs, je suis toujours à la maison. Je sors de temps en temps avec la famille pour me promener et quelques rares fois au restaurant. Voilà mon quotidien.

LP: Concrètement, comment passez-vous vos journées en dehors des entraînement et des matchs ?
SD: Avant j'avais uniquement ma femme. Maintenant avec la présence de ma petite fille, après les entraînements et les matchs, c'est direction la maison pour pouvoir profiter du temps libre. Parce que cela n'est pas toujours évident puisqu'on voyage beaucoup. Pour passer donc du temps avec ma fille, je l'emmène quand l'occasion se présente au jardin.

LP: Beaucoup de sportifs de haut niveau sont friands de jeux vidéo. Est-ce votre cas?
SD: (Rires aux éclats). J'ai effectivement une Playstation à la maison. Mais je n'y joue presque pas. Je jouais beaucoup à la Playstation quand j'étais en Suisse. Mais ici, la donne a changé. Ma passion aujourd'hui, c'est ma fille.

LP: Qu'est-ce que la naissance de votre fille a réellement apporté dans votre vie ?
SD: Sa naissance m'a fait comprendre beaucoup de choses. Avant je pouvais faire ce que je veux et comme je veux. Maintenant, tout est réglementé. Je ne peux pas me permettre certaines choses comme avant. Les vacances sont programmées ensemble, les actions sont concertées. Tout est géré de façon minutieuse dans l'intérêt de toute la famille. Je peux dire que la naissance de ma fille m'a permis de prendre conscience des réalités de la vie. Elle est un vrai trésor pour moi.

LP: Est-ce ce changement qui vous a poussé à abandonner les tresses?
SD: (Rires). Cela fait aussi partie de ce changement. A certains moments de la vie, on fait des folies. Mais, il faut pouvoir s'arrêter en temps opportun. Et j'espère que l'abandon des tresses s'inscrira dans ce changement.

LP: Vous avez une femme et une fille. Mais Doumbia est-il marié?
SD: Non, pas encore! Mais ça ne saurait tarder. Je ne suis pas un c?ur à prendre. On vous tiendra informer des dates arrêtées pour cet événement heureux de notre vie.

LP: Qu'aimez-vous manger ?
SD: Je mange tout ce qu'un sportif de haut niveau doit manger. Pour évoluer au haut niveau, il y a des normes alimentaires à respecter. Sinon, je ne trie pas mais je respecte les prescriptions liées à mon travail.

LP: Arrivé ici avec une réputation de serial killer, vous avez justifié ce statut-là. Malheureusement, il y a eu cette blessure au dos qui a freiné votre élan.
SD: Effectivement, j'ai connu une année de galère avec cette blessure qui m'a super fatigué. Il faut dire aussi que j'ai eu la chance d'assister à la naissance de ma fille. Une nouvelle qui m'a superbement fait de bien puisque ce bonheur m'a permis de surmonter cette période difficile. Sinon, il faut reconnaître que ça a été difficile. Aujourd'hui, je suis de retour à la compétition et je vais dire merci à Dieu.

LP: Comment avez-vous vécu cette période d'inactivité?
SD: J'ai vécu des situations difficiles dans ma carrière mais celle-là a été spéciale. Comme je le disais, c'est pendant cette période que ma fille est venue au monde. Cette joie n'a pas de limite. J'étais vraiment triste de ne pas pouvoir jouer et en même temps heureux parce que cette blessure m'a permis d'être encore plus présent et de suivre de plus près l'évolution de la grossesse. Finalement, la douleur a fait place à la joie.

LP: Après donc trois saisons, quel bilan peut-on faire de votre présence au CSKA Moscou?
SD: Ça a été très positif. Pour les trois saisons passées, j'ai remporté cinq titres. Cette année, je vais me concentrer et faire un très bon championnat en priant Dieu de m'épargner des blessures. Et pourquoi ne pas viser le titre de champion et celui de meilleur buteur. Après tout cela, on verra s'il y a une place pour moi quelque part et surtout en Europe.

LP: Que représente le challenge de meilleur buteur au niveau personnel?
SD: Depuis mon passage au Denguélé FC, j'ai été meilleur buteur du championnat de Côte d'Ivoire. Après ça, je me suis dit que j'avais les qualités pour être meilleur buteur. Depuis lors, je me suis fixé pour objectif d'être le meilleur buteur des championnats où je dois évoluer. En plus, ce n'est pas rien d'être désigné parmi les meilleurs. C'est toujours une satisfaction, un sentiment du travail accompli. Et un attaquant, on ne le juge que par le nombre de buts inscrits. Pour moi, c'est important. Je vais me battre pour atteindre cet objectif après une année de galère.

LP: Doumbia est-il satisfait d'avoir signé au CSKA Moscou?
SD: Avant de venir ici, j'étais conscient de ce que je faisais. Quand j'étais en Suisse, je me disais déjà que le CSKA est un tremplin pour moi. Maintenant j'arrive dans un club qui participe chaque année à la Ligue des Champions où à la Ligue Europa, c'est donc tout bénéfique pour moi. A ce niveau, le CSKA me permet de me mettre en lumière. Là, je ne me plains. Je suis vraiment content ici.

LP: Doumbia signe en Russie au moment où beaucoup d'observateurs le voyaient continuer l'aventure en Europe. Qu'est-ce qui a motivé la destination russe?
SD: (Rires). Je vous vois venir. Le choix de venir en Russie a un double enjeu. Il y a l'aspect sportif et le côté financier aussi. C'est une réalité à ne pas cacher. Le CSKA a remporté la Ligue Europa en 2005 et cette formation participe de façon régulière aux compétitions européennes. Pour un choix de carrière, signer dans un club qui est toujours présent au niveau européen, ce n'est pas mauvais. A cela, il faut ajouter le traitement salarial proposé par le CSKA. L'un mis dans l'autre, je n'ai pas hésité. Aujourd'hui, je ne regrette pas ce choix et je ne pense pas avoir fait un mauvais choix.

LP: A vous écouter, vous ne songez pas à un départ du club russe?
SD: Pour le moment, je suis là. Attendons jusqu'en décembre pour être mieux situer. Je viens juste de reprendre la compétition et c'est la première fois que je disputais 70 minutes (c'était le 18 août dernier lors de la 5ème journée du Championnat de Russie). Après ce match, Doumbia a inscrit ses 1er et 2ème buts de la saison lors des 6ème et 7ème journées. Pour le prochain match, j'espère faire mieux et ainsi de suite.

LP: Chaque année, on annonce Doumbia un peu partout. On a entendu parler de Chelsea, Naples, Tottenham, OM, pour ne citer que ces clubs-là. Mais au final, Doumbia reste toujours au CSKA. Expliquez-nous un peu ce qui passe ?
SD: Je pense qu'il y a chaque fois des propositions venant de plusieurs clubs d'Europe. Mais dans ce genre de situation, ce n'est pas Doumbia seul qui décide. Il y a bien sûr mon employeur qui est le CSKA, il y a le club demandeur et Doumbia lui-même. J'espère réaliser un bon championnat cette année et partir d'ici dans de très bonnes conditions.

LP: Après 70mn passées sur un terrain, peut-on dire que vous retrouvez les sensations ?
SD: Je me sens de plus en plus mieux. Il reste beaucoup d'efforts encore à faire pour revenir à mon meilleur niveau. Dans un monde concurrentiel et on ne peut se baser sur ses seules qualités pour espérer s'imposer dans une équipe de haut niveau. Il faut travailler dur et c'est ce que je fais. Je suis conscient et je battrai pour y arriver. Après deux ou trois matchs, je pense que ça va commencer à aller. Ensuite, il y a la Ligue des Champions où il faut être au top.

LP: Quels rapports gardez-vous avec l'Athletic d'Adjamé, votre club formateur ?
SD: De très bons rapports. Je suis toujours au centre chaque fois que je suis au pays. Si je dois faire quelque pour ce club, ce que je fais d'ailleurs, c'est toujours avec un grand plaisir pour moi.

LP: Vous revenez des États-Unis où vous avez pris part à un match amical contre le Mexique. Expliquez-nous un peu cette déroute collective avec le score de 4-1?
SD: Chez nous, il n'y a pas de match amical. Quand on dispute un match, c'est pour le gagner. Malheureusement, ça a mal tourné parce qu'on est tombé sur une équipe qui était plus préparée que nous. C'est une équipe qui a montré d'entrer de jeu qu'elle avait plus envie que nous. On a pris trois buts très rapidement. Et après, il était compliqué de revenir dans le match.

LP: Quel peut être l'impact de cette défaite sur la suite des qualifications de la Coupe du Monde 2014?
SD: Quand nous sommes sur un terrain, nous avons toujours à c?ur de faire honneur au pays et de gagner pour nos supporters. Ça peut marcher comme ça peut ne pas se passer comme souhaité. Mais le plus important, c'est savoir se remettre en cause et d'essayer de mieux faire à l'avenir. En tant que joueurs, nous sommes les plus affectés quand on perd. Il y a des échéances à venir, à commencer par le dernier tour des éliminatoires de la Coupe du Monde. C'est à nous de tout donner pour espérer retrouver notre sympathie auprès de nos supporters et faire tout ce qui est humainement possible pour offrir la qualification au Mondial 2014 aux Ivoiriens. Nous avons l'obligation d'être au Brésil en 2014 et nous y serons parce que nous avons les moyens d'y être.

LP: Le match contre le Mexique a marqué également le retour en sélection de Didier Drogba depuis la défaite en quarts de finale de la CAN 2013 en Afrique du Sud. Comment l'équipe a t-elle accueilli son capitaine ?
SD: C'est toujours avec beaucoup de bonheur qu'on part en sélection nationale quand le coach nous convoque. E je pense que c'est ce sentiment qui a animé Didier quand il faisait son retour. Il a un grand amour pour les Éléphants et tout le monde a été vraiment ravi de le retrouver. Pour les échéances à venir, on a besoin de tout le monde, de toutes les forces. Et Didier est venu jouer sa partition dans le combat qui doit nous conduire au Brésil.

LP: A Moscou, il y a aussi une colonie ivoirienne. Quelle relation Doumbia entretient avec ses compatriotes?
SD: J'entretiens de très bonnes relations avec eux. De temps en temps, quand ils me sollicitent pour une aide quelconque, j'essaie de faire le maximum même si je ne peux toujours faire face à tout. Presque chaque année, j'organise une grande rencontre où on partage un repas.

LP: A quoi répond ce genre d'actes?
SD: Depuis mon départ du pays, je me suis promené un peu partout. Je suis allé au Japon, j'ai fait l'Europe. Et je sais comment ça se passe quand on est à l'étranger. C'est une façon pour moi de soutenir des frères, des s?urs, des compatriotes. Et rien d'autre.

LP: Avec qui Doumbia s'entend t-il le mieux au club?
SD: Tout le monde. Mais je parle couramment le japonais avec Honda (Keisuke, international nippon). Je m'entends très bien avec Ahmed Musa (un international nigérian évoluant au poste d'attaquant ou de milieu offensif).

Réalisée à Moscou (Russie) par OUATTARA Gaoussou

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