vendredi 6 decembre 2013 par Autre presse

Les 6 et 7 décembre, 42 représentants de pays africains dont de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement participent à Paris au sommet de l'Elysée consacré à la paix et à la sécurité en Afrique. Le 4 décembre 2013, en levée de rideau de ce Sommet, tous les grands décideurs économiques africains et français se sont retrouvés à Bercy, au ministère de l'Economie et des Finances, pour plancher sur le thème : Quels leviers pour une nouvelle dynamique économique ? La Confédération Générale des Entreprises de Côte d'Ivoire (CGECI) représentée par son Président M. Jean Kacou DIAGOU, a donné la position du secteur privé ivoirien en ces termes :



Quels leviers pour une nouvelle dynamique économique ?

Il y a des moments où, lors d'un exercice d'arbitrage entre deux options, les éléments techniques, matériels, rationnels ou objectifs, ne vous permettent pas de trancher.
Dans ces moments- là, ce sont des éléments immatériels tels que votre vécu, les liens affectifs avec le sujet, qui vous permettent de décider.

Dans ce nouvel environnement abondamment décrit comme extrêmement concurrentiel pour les entreprises françaises en Afrique en général, et en particulier, en Afrique Sub-Saharienne, la propension de nos pays à privilégier la France est largement fondée sur ce caractère immatériel de nos relations faites de liens multiséculaire, linguistique, culturel et éducationnel.

Malheureusement, les parts de marché perdues par les entreprises françaises démontrent que ce lien naturel devient de moins en moins déterminant dans les choix de l'élite africaine de leurs partenaires économiques et commerciaux. Les raisons ont été largement abordées lors de la présentation du rapport qui vient de nous être faite.

De ce constat, comment la France peut-elle reconquérir ses parts de marché et profiter du dynamisme de l'économie des pays africains ?

Le premier levier est la redynamisation de nos liens séculaires :

Certes, la nouvelle génération a une forte tendance à explorer de nouveaux horizons en termes d'éducation et de formation, mais la France reste pour les Africains, le pont entre l'Afrique et les autres pays développés.
La culture française, nous l'avons adoptée. Ce lien peut donc très facilement renaître en poussant le levier de la formation des africains.
Pour cela, il faut rendre accessible la formation de haut niveau aux cadres africains qui ont une réelle soif de perfectionnement.

Ne craignez pas qu'ils choisissent de rester en France, car l'appel du pays est toujours quelque chose de plus fort. Ces cadres-là, sont tous conscients de la chance qu'ils ont de vivre en Afrique.

Le deuxième levier est l'adoption d'un discours franc et dénué de tout complexe :

Le thème de notre conférence aurait pu s'intituler : Stratégie de la France pour reconquérir ses parts de marché et profiter de la nouvelle dynamique économique des pays africains .
Ainsi libellé, ce thème n'aurait choqué personne. Mais les organisateurs de la présente réunion ont préféré un thème politiquement correct.
C'est ce discours politiquement correct qui éloigne de plus en plus la nouvelle génération d'africains qui aspire à s'extraire de la logique d'assistanat pour créer des relations gagnant-gagnant avec la France.
Ce discours politiquement correct a tendance à faire croire aux africains que la France est là pour les aider d'abord et accessoirement faire des affaires.
Nous préconisons donc, que la France ait un discours clair et limpide car l'objectif à la fin de la journée, on le sait, c'est de faire des affaires.
Inversons donc le discours : l'Afrique est une chance économique pour la France.

Le troisième levier est l'instauration d'un partenariat fort et équitable, secteur privé français et secteur privé africain :

Si les entreprises françaises et singulièrement les grandes ont ces dernières décennies craint la concurrence des entreprises du BRIC, elles doivent cependant prendre au sérieux l'émergence d'une classe d'hommes d'affaires africains, bien formés, compétents et dotés d'une grande expertise, qui comptent jouer leur partition dans cette nouvelle dynamique économique.


Nous pensons cependant que ce nouveau concurrent est une formidable opportunité pour ces grandes entreprises françaises, si elles ont la volonté de créer de véritables joint-ventures équitables.
S'associer à cette nouvelle classe d'opérateurs économiques, fins connaisseurs de leur environnement, permettra aux entreprises françaises de renforcer leur position sur le marché africain.

Un partenariat privé fort Afrique ? France implique de rompre avec certaines pratiques telles que celles, d'installer une banque française pour capter les ressources des entreprises françaises ou une compagnie d'assurance française pour assurer les sociétés françaises installées en Afrique.

Un partenariat privé fort suppose d'accorder une grande confiance aux cadres africains, en leur capacité de gestionnaire. Après plus de 50 ans, il devrait être révolu, le temps ou les entreprises françaises expatriait leurs compatriotes pour occuper les postes d'encadrement dans leurs filiales en Afrique.
Il y va même de la pérennité de leurs entreprises que de faire confiance aux hauts cadres africains.

Le cas de la Côte d'Ivoire pendant la crise de 2004 est édifiant en la matière. En effet ce sont les cadres ivoiriens qui ont assuré la survie des entreprises françaises en prenant au pied levé leur gestion.

Enfin, il faut rompre avec le reflexe des entreprises françaises qui n'ont, pour seul interlocuteur, que nos gouvernants. En cela j'approuve la recommandation d'organiser un forum d'affaires franco-africain annuel, en France ou dans un pays africain.

Le quatrième levier est une nouvelle approche de la France dans la perception du risque dans les pays africains :

Quel est ce paradoxe qui veut que pendant que la France s'implique militairement pour ramener la stabilité politique et sociale dans nos pays, les entreprises françaises au même moment quittent le pays?

Le cas de la Côte d'Ivoire est toujours édifiant en la matière. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les entreprises françaises qui ont été vendues pendant la crise, fonctionnent aujourd'hui à plein régime à la satisfaction de leurs nouveaux propriétaires.
C'est cette mauvaise perception du risque pays qui entraine le désintérêt des PME françaises pour un marché africain en plein essor.
Alors qu'un partenariat sans complexe avec des opérateurs économiques locaux serait un puissant vecteur du développement des relations commerciales et économiques entre la France et l'Afrique.
Cela devrait d'ailleurs être, à notre avis, un des principaux axes stratégiques à explorer pour une nouvelle dynamique économique, quand on sait la part prépondérante, qu'occupent les PME et PMI dans le développement d'un pays.

Le cinquième levier est l'accélération des processus d'intégration sous régionaux :

Par le développement des infrastructures intra-communautaires,
il s'agira de créer de véritables synergies entre nos compétences afin de réaliser des ouvrages à des coûts compétitifs. Car, Il faut le dire, les coûts des projets réalisés par les entreprises françaises sont en général élevés. Nous pensons qu'il y a moyen de les réduire sensiblement en faisant confiance au personnel d'encadrement local et en réduisant la part destinée à l'alimentation des fluides, nos pays ayant adopté aujourd'hui dans leur majorité des règles de bonne gouvernance.

En conclusion, je dirais que le nouveau partenariat économique entre l'Afrique et la France doit être la résultante d'une prise de conscience de l'évolution des élites africaines, dans leur dimension politique, économique, et sociologique.

Les relations entre la France et l'Afrique doivent prendre en compte ce que les africains aspirent à devenir.

La conquête d'un partenariat nouveau Afrique France sera d'autant plus efficace et efficiente qu'elle se mènera main dans la main et sans complexe avec l'élite africaine et son secteur privé.


Je vous remercie

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023