mercredi 8 janvier 2014 par Le Patriote

Le nombre d'accidents de la circulation a connu une hausse ces temps-ci. Avec un pic en décembre 2013. Le président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d'Ivoire, Touré Adama, dans cet entretien, explique que les chauffeurs sont les premiers responsables de ces accidents.
Le Patriote : Nous assistons de plus en plus à une recrudescence des accidents de la circulation. Comment expliquez ?vous cela ?
Touré Adama : C'est la course effrénée à l'argent. Ceux qui sont à la base des accidents sont en même temps conducteurs, gérants de véhicules et receveurs. Lorsqu'on confie un véhicule à quelqu'un et qu'on attend que la recette, il y a problème. Parce que ce chauffeur-receveur se retrouve pratiquement avec trois autres seconds chauffeurs qu'ils mettent à rude contribution après la recette des propriétaires de véhicules. On lui fait des recettes bien que n'étant pas propriétaire de véhicule. Voyez comment les chauffeurs sont surexploités. Ils sont donc obligés de se doper.

LP : Et comment ?
T.A : Eh bien, ils prennent des excitants. Ce qui les rend dans un premier temps insensible au code de la route. Ils deviennent malintentionnés dans la conduite. Ils sont à la limite drogués. Et un homme drogué est incapable de réagir à la moindre interaction sur la route. Il va forcément percuter une voiture. Il faut traiter le mal à la racine.

LP : D'où partent ces chauffeurs ?
T.A : Ces chauffeurs partent des gares routières dont je suis le président de la gare routière internationale d'Adjamé. Je suis installé là et je vois comment ils préparent leur voyage. Quand un chauffeur doit par exemple aller à Yopougon, avant de démarrer son véhicule, il prend son café noir plus deux ou trois comprimés qu'ils appellent ?'Vignon ?'. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Et lorsqu'il est au volant, en partance pour sa destination, une fille monte à ses côtés et lui tend deux ou trois sachets de liqueur qu'il ajoute la-dessus. C'est un miracle lorsque ce chauffeur arrive à bon port. Sinon l'accident est programmé.

LP : Avez-vous saisi les autorités compétentes à l'effet de mettre un terme à cette situation ?
T.A : Nous avons écrit au Ministère d'Etat, ministère de l'Intérieur pour lui demander de nous adjoindre la brigade des stupéfiants. Mais jusque là, rien. Nous avons appelé le CCDO. Cette unité est venue démanteler récemment un fumoir à la gare routière d'Adjamé. Mais il y a des fumoirs à la gare routière d'Adjamé. Des chauffeurs y entrent et sortent avant de prendre le volant. Il faut qu'on arrive à régler le problème à la source. Je suis allé même rencontrer le Maire d'Adjamé, Youssouf Sylla. je lui ai fait part de la prise d' un Arrêté pour interdire la vente de l'alcool à la gare routière.

LP : La suite
T.A : Nous, notre rôle, c'est de dénoncer. Nous n'avons pas de pouvoir de coercition encore moins de répression. Mais, nous sommes éc?urés de perdre souvent des membres qui sont nos conducteurs et des parents (passagers). Nous sommes déçus et impuissants face aux comportements de certains conducteurs parce que l'Etat ne joue pas son rôle. Les accidents de route sont devenus aujourd'hui un fait banal.
LP : L'état des routes est souvent mis en cause par certains conducteurs ?
T.A : Non pas du tout ! La route a été refaite aujourd'hui. Ce que nous déplorons, c'est le comportement des chauffeurs. Ils oublient souvent qu'ils transportent des êtres humains. 90 % des causes des accidents en Côte d'Ivoire sont le fait de l'homme. Ce n'est pas le véhicule, encore moins l'état de la route. Aujourd'hui, tant qu'un véhicule n'a pas de frein vous ne pouvez pas obtenir la visite technique. Et la majeure partie des véhicules de transport ont les pièces à jour. Le problème se situe au niveau des transporteurs eux-mêmes. Les conducteurs ne sont pas recyclés. L'Office de la Sécurité Routière (OSER) ne fait aucun recyclage. Vous pouvez sortir de l'auto-école avec votre permis et rouler pendant trente ans et vous ne serez jamais recyclé. Cela n'existe nulle part dans un pays. Quelqu'un qui ne sait ni lire, ni écrire sort d'une auto école avec un permis de conduire. Après cinq ans, ce dernier peut oublier les éléments du code de la route. Il a fait une récitation à l'auto-école qu'il a oubliée. Et d'ailleurs ce permis, il est vendu dans les gares routières aujourd'hui à 150.000 FCFA. Le permis est vendu aujourd'hui comme de petits pains. Depuis que le permis format ?'carte de Crédit'' est institué, les promoteurs des auto-écoles n'ont même pas de véhicules pour apprendre aux gens à conduire, mais elles délivrent les permis de conduire. Vivement qu'il y ait les états généraux des transports pour que ces différents maux soient réglés à la source. Et qu'on essaie de faire l'économie des morts. Nous demandons aux chauffeurs de penser à Dieu, à leur famille, d'être lucides et qu'ils arrêtent de prendre les excitants. Mieux, qu'ils arrêtent de croire que c'est la vitesse qui donne les recettes et qu'on ne peut faire aucun accident parce ce qu'on s'est badigeonné de médicaments. Que non ! C'est méchant ! Je lance un appel à la retenue et une prise de conscience collective pour que les gens comprennent que nous ne sommes pas là pour endeuiller ceux qui viennent nous enrichir, c'est-à-dire les passagers.

AC

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