jeudi 16 janvier 2014 par Nord-Sud

Le député Mamadou Dély interpelle la communauté internationale sur les dérives d'Affi N'Guessan, le président du Front populaire ivoirien (Fpi) et estime que le débat sur l'inéligibilité de Ouattara est un faux débat.


Après le dernier congrès de l'Udpci émaillé par des violences, peut-on dire actuellement que la page des dissensions est tournée ?
Nous ne pouvons que nous féliciter du succès qu'a connu le deuxième congrès ordinaire de notre parti, qui a consacré le plébiscite du président Albert Toikeusse Mabri, l'élection par acclamation du nouveau président de la jeunesse, Franck Adicko et l'élection avec plus de 75% des voix de la nouvelle présidente des femmes de l'Udpci, Coulibaly Soro Fara. Partout où on parle d'élection, cela suscite des débats d'idées et d'autres réactions. Malheureusement, ce sont bien souvent des débats différents des débats d'idées qui ont eu lieu. Ces débats sont allés dans le sens de la démagogie, du dénigrement et souvent dans la violence. Pour le dernier congrès de l'Udpci, il faut rétablir les faits.

Quels sont ces faits ?
Ce congrès a été des plus démocratiques possibles. Et l'élection des femmes pour en arriver à votre question, s'est déroulée dans la transparence la plus totale. Nous avons eu des urnes transparentes. Environ 70 urnes nous ont été prêtées par la Cei (Commission électorale indépendante, Ndlr). Devant chaque urne, l'on trouvait le président et ses assesseurs et au moins un représentant par candidat. L'élection a donc connu un franc succès. Il y a juste quelques problèmes sur les mandats. Mais ces problèmes ont vite trouvé une solution. Les élections se sont tenues dans la transparence la plus totale. Il n'y a eu aucun acte de violence contre une seule femme. Malheureusement, au lieu de transmettre la grande mobilisation qu'il y a eu, certains journaux ont plutôt parlé d'autres choses. C'est le seul congrès en Côte d'Ivoire qui a réuni 3 anciens Premiers ministres de pays amis. C'est de cela, par exemple, qu'on aurait dû parler. Il n'y a eu aucune goutte de sang au congrès de l'Udpci. Il y a eu une femme asthmatique qui est tombée dans les pommes, pas plus. Le rapport des services des pompiers de Yamoussoukro est là pour l'attester.

Il n'y a donc pas eu de violences ?
Je vous confirme qu'il n'y a eu aucune violence. Le président Mabri est un homme de paix. Il a exigé que se tiennent ces élections. Il aurait pu prendre des décisions que personne n'aurait rien eu à redire. N'est-ce pas de cette manière que cette histoire de structures spécialisées a été résolue au Pdci, sans bruit ? Je confirme que notre congrès a eu lieu sans violences.

Est-il vrai que certains pro-Mabri ont accusé Mahi Clarisse d'être la candidate de Guillaume Soro ?
Je ne rentre pas dans de telles considérations. Jamais je n'ai entendu à l'Udpci que Soro aurait une main avancée. Mahi Clarisse est députée au Parlement. Jusqu'à preuve du contraire, elle est vice-présidente dans la direction sortante de l'Udpci. Et à notre congrès, ce sont des militants et militantes de l'Udpci que nous avons vus et non des militants du Rdr ou des ex-Forces nouvelles. Ce n'est donc pas vrai.

A quand la nomination du prochain secrétaire général de l'Udpci ?
Nos textes sont clairs sur ces sujets. Ils disent qu'à compter de la date de clôture du congrès, le président a un mois pour donner la liste de la direction de son parti et des instances qui relèvent de sa compétence.

Faut-il s'attendre à de grands changements ?
Je ne suis pas un faiseur de roi. Je ne suis pas non plus charlatan. Je ne saurais donc vous dire quoi que ce soit là-dessus. Nous attendons tous le sort qui nous sera réservé.

Mabri est le premier président de parti membre du Rhdp à avoir apporté son soutien à la candidature unique au sein du Rhdp au chef de l'Etat, Alassane Ouattara. Quel deal y a-t-il entre Mabri et Ouattara ?
Vous avez raison de croire qu'il y a un deal, puisque nous sommes en politique. Mais l'évidence crève les yeux. C'est plutôt son amour pour le pays qu'il faut voir, dans sa décision de se démarquer très tôt. En plus, vous n'êtes pas sans ignorer que M. Ouattara a été élu au second tour de l'élection de 2010 par le biais d'une coalition politique, le Rhdp. Une fois au pouvoir, il a octroyé au Pdci la primature. L'Udpci, à travers le président Mabri, est le maître d'?uvre des promesses de campagne du Président Ouattara à travers le Programme national de développement. Le Rdr a le Parlement et est aux côtés du président de la République. Que voulez-vous de plus ? Au moment où nous sommes tous acteurs au gouvernement, pourquoi devrons-nous partir en rang dispersé ? A moins qu'il y ait des problèmes de personnes, le Président Ouattara doit être logiquement le candidat unique du Rhdp. N'eût été la politique volontariste du Président Ouattara, la détermination du gouvernement, la Côte d'Ivoire n'aurait pas encore retrouvé la normalité. Nous revenons de loin. Voyez-vous, les dernières fêtes de fin d'année m'ont rappelé les années Houphouet-Boigny. Toutes les familles se retrouvaient pour communier. Il est vrai qu'il y a encore des difficultés, mais ceux qui étaient là avant nous n'ont pas fait mieux, en dix ans. C'est pourquoi je pense qu'il s'agit actuellement d'expliquer pourquoi personne ne doit gêner le Président Ouattara ; l'ambition politique ne doit pas l'emporter sur l'intelligence.

Pensez-vous que les autres partis alliés tergiversent inutilement ?
Je ne dirai pas qu'ils tergiversent. Je dirai plutôt qu'ils n'ont pas d'autres choix que de se prononcer clairement sur le sujet. Quel argument peut avoir un cadre du Pdci aujourd'hui pour s'opposer à la candidature unique du Président Ouattara ?

En 2010, vous êtes allés en rang dispersé, pourquoi ne pas refaire la même chose en 2015 ?
Ce n'est pas un jeu d'aller en rang dispersé. En 2010, la situation n'était pas pareille. En 2010, nous avions en face de nous une bête politique, Laurent Gbagbo. Face à ce dernier, il fallait trouver la stratégie adéquate pour le vaincre. En 2010, si nous étions allés avec un candidat unique, Gbagbo aurait dit qu'il a gagné l'élection avec 52% des voix et c'était fini. Il fallait donc nous mobiliser à travers les candidatures éclatées. Mais, par ailleurs, pour revenir à 2010, avez-vous vu dans le camp Lmp (Ndlr, La majorité présidentielle) d'autres candidatures contre Gbagbo ? Non ! Parce qu'ils ont gouverné avec Gbagbo, ils se sont sentis comptables de sa gestion. Il n'y a donc eu personne de son propre camp qui a osé l'affronter. C'est ce qui est raisonnable et c'est ce que nous demandons aux autres, notamment au Pdci. Mais, une chose est sûre, les dissensions vont se taire bientôt.

Des cadres du Pdci disent que si leur parti ne présente pas de candidature, ce sera sa mort !
Quand on tient de tels propos, c'est qu'on rentre désormais dans le sentimental et l'émotionnel. Comment le Pdci peut-il mourir ? Le Pdci est-il mort quand il a perdu le pouvoir ou quand il a perdu les élections ? Aujourd'hui, le Pdci, grâce au Rhdp, a de nombreux conseils régionaux. Ce n'est donc pas parce qu'il n'ira pas à une élection qu'on doit annoncer sa mort. Permettons à Alassane Ouattara, grand bâtisseur, de continuer son travail. Depuis Houphouet, quel homme politique a pu mettre ce pays en chantier comme le fait M. Ouattara ? Si on ne réussit pas le challenge de la candidature unique, de quel houphouétisme va-t-on parler demain, après l'élection. Alassane Ouattara a-t-il une attitude d' houphouetisme ? Je dis oui. Il est à l'écoute des populations.

Vous êtes député et président du groupe parlementaire Udpci. Pourquoi n'avez-vous pas intégré le G25 pour faire la promotion de cette candidature unique ?
Nous avons été approchés, mais nous avons pris nos distances. Certes, c'est une idée à encourager, mais étant des élus, nous tenons à la discipline de notre parti. Je n'agis que dans le sens de l'Udpci. Je suis président du groupe parlementaire, je ne saurais engager mon parti dans une aventure d'une telle importance, si je n'ai pas la position de mon parti. Nous étions en train d'organiser notre congrès lorsqu'est née cette idée du G25. Notre congrès avait déjà inscrit à son ordre du jour la question de la participation ou non d'un candidat de l'Udpci à la présidentielle de 2015. Et, à travers les tournées du président Ouattara, il ne cessait d'inviter à la cohésion, au rassemblement autour de lui pour que les fils d'Houphouet-Boigny se retrouvent pour bâtir le pays. C'était une question inscrite à l'ordre du jour du congrès de notre parti. Et le congrès ne s'étant pas prononcé, ce serait dommage qu'un député de l'Udpci s'associe à une telle aventure. La direction ne l'aurait pas toléré. Cependant, nous encourageons les actions du G25. Notre v?u est de voir toute l'Assemblée nationale adhérer à ce projet parce que c'est une idée qui mobilise beaucoup d'Ivoiriens. Mais pour mieux la renforcer, il faut travailler davantage dans le cadre du Rhdp. Cela va éviter la naissance des clubs de soutien, de structures informelles et opportunistes. C'est un danger. Nous n'en avons pas eu besoin pour battre Laurent Gbagbo. Avec Alassane Ouattara, c'est le travail. Il n'a pas besoin de parlements, ni d'agoras. J'en appelle à la vigilance du président de la République et de son entourage. On connaît ici en Côte d'Ivoire la nuisance des clubs de soutien, depuis Bédié jusqu'à Gbagbo. Dans le cadre du Rhdp, il faut s'en méfier. Organisons la campagne du Président avec les arguments. On pourra faire des tableaux synoptiques pour comparer les bilans. Je suis serein, car il n'y a pas d'adversaires face à Ouattara. Lorsqu'on dit candidature unique, il faut préciser que c'est au sein du Rhdp. J'entends des gens dire qu'on veut tuer la démocratie. Ouattara n'a pas dit aux autres Ivoiriens de ne pas être candidats. Il le dit en tenant compte d'une coalition de partis politiques. C'est dans ce cadre qu'il souhaite une unanimité autour d'une candidature. On ne demande pas au Fpi de ne pas se présenter.

Quel est votre avis sur le nouveau débat relatif à l'inéligibilité du président Ouattara relancé par le Fpi ?
L'inéligibilité soulevée par Affi est un faux débat. Affi est à court d'arguments.

En quoi est-ce que ce débat est faux ?
Nous sommes en Côte d'Ivoire, on se connaît dans ce pays. Malheureusement pour lui, Affi est un technicien des Télécom qui ne sait pas grand-chose des débats juridiques. Sinon, pour sa gouverne, je voudrais dire que le juriste Tia Koné qui a prononcé l'inéligibilité de Ouattara en 2000, a, lui-même, relaté les faits. Ouattara a été victime de la politique. Ses opposants n'ont rien trouvé d'autre que de l'abattre sur ce plan. Comme l'a dit Tia Koné, lui-même, comment dans un pays qui n'a commencé à exister qu'à partir de 1960, l'on peut dire à un natif né en 1942 qu'il n'est pas Ivoirien ? Les gens ont donc essayé avec les histoires de dossiers en béton. Avez-vous vu un seul de ces dossiers en béton ? Je souhaite qu'on soit clairs sur la question. Avec cette Constitution, Ouattara est éligible.

Et pourtant, c'est sous le fondateur de l'Udpci que cette décision a été prise
Oui, mais le général Guéi n'était pas juriste. Tout comme le Président Ouattara, Guéi a été victime de la mauvaise foi de certains Ivoiriens. Dès que quelqu'un est au pouvoir, les gens viennent autour de lui. Et après, ils se dédisent. N'avez-vous pas entendu Yao N'Dré dire après que nous étions possédés par le diable ? C'est cela, les Ivoiriens.

N'est-ce pas la même chose que vous faites autour de Ouattara, actuellement ?
Ce n'est pas la même chose. Nous sommes Udpci et nous demeurons Udpci. Nous n'allons pas nous fondre dans le Rdr.

Au regard de la Constitution actuelle, Ouattara peut donc être candidat ?
Oui, Alassane Ouattara est éligible hier, aujourd'hui et demain. Il n'y a pas d'autres arguments. Seulement les interprétations. Quand Alassane Ouattara parlait des germes de l'exclusion, il ne le faisait pas pour lui-même. Regardez le cas Obama. Si le Et/Ou avait existé, Obama ne serait jamais président. Et pourtant, il ne travaille pas pour les Africains. Alassane Ouattara veut que la cohésion soit une réalité entre les populations. Cela ne veut pas dire qu'il cherche à arrondir la Constitution en sa faveur.

Ce n'est pas ce que pense Amadou Soumahoro qui dit que la Constitution sera révisée
Je m'inscris en faux. La révision de la Constitution n'est pas liée à l'éligibilité de Ouattara et des juristes, notamment Yao N'Dré et Tia Koné m'en donnent les arguments. Je le répète : Alassane Ouattara est éligible hier, aujourd'hui et il le sera demain.

Vous êtes donc pour la révision, mais vous n'êtes pas pour la révision des articles qui touchent à l'éligibilité ?
Je suis pour la révision de la Constitution. Il va s'agir d'expurger les articles qui peuvent prêter à confusion. Et cette disposition de l'article 35 porte à confusion et à interprétation. Le juriste prend, manipule les mots et va dans le sens du politique. Désormais, il faut enlever ces choses-là dans notre Constitution. Et le dire, ce n'est pas soutenir quelqu'un ou éliminer quelqu'un. C'est pour ne plus retomber dans la situation vécue. Il faut arrêter ces discours-là.

Le président du Fpi prévient que si les choses ne sont pas faites dans les règles de l'art, il y aura la chienlit
Le Fpi n'a pas le monopole de l'irresponsabilité. Nous avons juste choisi d'être responsables. C'est pourquoi le gouvernement écoute Affi comme l'on écoute un imbécile. Il faut éviter de tenir de tels propos, si on sait d'où vient le pays. Affi ne fait que refaire ce que Gbagbo faisait hier. Mais au premier claquement, où ira-t-il ? Que peut-il faire au-delà de ses menaces ? Qu'il n'oublie pas que Ouattara n'est pas Gbagbo. Mais au-delà de cela, j'interpelle les ambassades accréditées en Côte d'Ivoire. Il faut qu'elles parlent à Affi et à ses camarades. Qu'ils évitent d'inciter à la violence. La liberté d'expression n'est pas du libertinage. Que la communauté internationale ne s'émeue pas si Affi est arrêté demain.

L'Udpci va-t-elle prendre part aux obsèques de Franck Guéi, le fils du fondateur de votre parti ?
Evidemment, l'Udpci prend déjà part à ces obsèques. Au nom du président Guéi, nous pleurons avec la famille. Le président Mabri a été sollicité pour ces obsèques, pour conduire certaines actions qu'il a assumées.

Réalisée par Marc Dossa Coll. ED (stagiaire)

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