lundi 20 janvier 2014 par Nord-Sud

Le débat ouvert dans nos colonnes le week-end dernier sur le projet de la Couverture maladie universelle (Cmu) se poursuit avec les praticiens de la santé et les partenaires du système sanitaire. Soro Aboudou, chargé de plaidoyer à l'Ong Médecin du monde expose des conditions liées à la réussite de cette politique sociale.


Comment appréciez-vous l'annonce de la Couverture maladie universelle ?
Il s'agit d'améliorer l'accès aux soins de santé des populations en général, précisément des populations en milieu défavorisé. Donc, telle que définie, la Couverture maladie universelle est une stratégie qui leur permettra de se soigner à moindre coût.

Avec les difficultés de la gratuité ciblée des soins, n'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter quant à l'application de la Cmu ?
La mise en ?uvre de la gratuité ciblée sur le terrain a effectivement connu des difficultés. Notamment dans la question du financement. Le taux réel de la stratégie n'a pas été défini, à cela s'ajoute la question du remboursement des états financiers qui ont été réalisés dans les centres de santé. Et il faut ajouter aussi que la communication n'a pas été faite de manière adéquate. Du coup, les populations n'ont pas eu une meilleure connaissance de cette stratégie. Il faut également ajouter la communication vis-à-vis des prestataires qui n'avaient pas d'informations sur les prestations concernées par la stratégie. Il y a aussi la question du suivi et de l'évaluation de la gratuité ciblée qui n'a pas été faite. Les comités chargés du suivi n'ont pas été fonctionnels. Autant de difficultés qui nous font dire qu'au niveau de Médecin du monde, une Couverture maladie universelle devrait prendre en compte les différents problèmes qu'a connus la gratuité ciblée pour faire en sorte que la Cmu soit une réussite. En un mot, il faut que les autorités tirent les leçons de l'échec de la gratuité ciblée.

Qu'est-ce à dire concrètement ?
La Cmu est une stratégie qui a besoin d'un terrain pour s'affirmer. Quand on regarde aujourd'hui, les centres de santé en Côte d'Ivoire, les plateaux techniques sont un peu défaillants au niveau des structures sanitaires. Il y a un préalable qui doit être fait avant la mise en ?uvre de la Cmu. Tout ce qui est équipement et stratégie doit être rehaussé pour accueillir la Cmu. Le personnel doit être aussi remis à niveau.

N'y aura-t-il pas un problème au niveau du recouvrement, puisque tout le monde ne travaille pas ?
Une stratégie comme la Cmu vient pour améliorer l'accès aux soins de santé pour les plus défavorisés. Donc, du coup, il faut penser à mettre en place des mécanismes qui peuvent intégrer ceux qui ne travaillent pas. Des mécanismes qui vont consister à collecter la contribution auprès de cette partie de la population. Mais si la Cmu doit intégrer la Mugefci, la Cgrae, la Cnps et les groupements agricoles qui existent, il faut noter que ce sont des groupes de personnes qui accèdent sans souci majeur aux soins de santé. Or, nous sommes dans un système de solidarité où on doit prendre en charge ceux qui éprouvent des difficultés pour accéder aux soins de santé. Donc, une stratégie de Couverture maladie universelle qui ne prend pas en compte les plus défavorisés rate quelque part sa cible. C'est en cela que nous souhaitons que des mécanismes efficaces soient mis en place pour pouvoir prendre en compte les groupes d'associations.

Pour le régime contributif, un tarif unitaire serait-il le bienvenu comme frais de cotisation?
La Couverture maladie universelle telle que élaborée, présente deux régimes. Un régime obligatoire et un autre non contributif, appelé régime d'assistance médicale. Le régime obligatoire est contributif. Dans ce régime, selon les informations que nous avons, il est dit que tous ceux qui seront appuyés à ce régime, vont contribuer à hauteur de 1.000 FCfa par personne et par mois. Il y a deux préoccupations qui se posent à ce niveau. Le fait de faire cotiser 1.000 FCfa par personne et par mois, n'obéit pas au principe d'équité que devrait revêtir la Couverture maladie universelle en Côte d'Ivoire.

Qu'entendez-vous par principe d'équité ?
La stratégie de la Cmu a été faite sur la base de l'équité. Ce qui revient à dire que tout le monde ne cotise pas à la même hauteur. Ceux qui sont pauvres, cotisent moins et les riches cotisent plus. Donc 1.000 FCfa par personne n'obéit pas à l'équité. Le planteur qui est dans son village va cotiser au même titre que le directeur général qui reçoit deux millions FCfa par mois. En plus, nous pensons qu'avec 1.000 FCfa, sans une contribution efficace de l'Etat, nous risquons de nous retrouver avec un panier de prestations moins suffisant pour les populations. Il faut donc rehausser le niveau de cotisation tout en tenant compte de l'équité. Donc, un appui consistant de l'Etat est nécessaire. Il serait aussi intéressant que les populations bénéficiant de la gratuité ciblée, puissent intégrer le régime d'assistance médicale.


Entretien réalisé par Nesmon De Laure

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