lundi 10 fevrier 2014 par Le Patriote

Un peu plus d'une semaine après les événements douloureux qu'ont vécus les habitants de la localité d'Ancien-prozi, dans le département de Vavoua, nous nous sommes rendu sur les lieux pour comprendre, dans le fond, les raisons d'un tel déchainement de violences qui, même s'il n'a pas occasionné de perte en vies humaines, a causé d'énormes dégâts matériels.
Il est 12h35 ce jeudi 6 février 2014, et nous sommes à Ancien Prozi, une grosse bourgade située à 110 km de Vavoua, le chef lieu du département. Un peu plus d'une semaine après des violences dans le village, nous décidons d'y aller pour comprendre, réellement, ce qui s'y est passé et voir comment les populations s'accommodent de la situation.
Nous arrivons dans ce gros village, de la sous-préfecture de Seitifla sous un soleil de plomb et une poussière suffocante. Chose normale en période d'harmattan dans cette région agricole, située au croisement des départements de Vavoua, Séguéla et Man. Déjà, à vue d'?il, sur les visages, si ce n'est pas de la méfiance cela y ressemble fortement, se lit une anxiété. Ce qui est rare chez les populations autochtones Gouro de cette contrée. Un peuple paisible qui a accueilli de nombreux allochtones et allogènes venus de la sous-région. La forte délégation que nous accompagnons, et qui comprenait le député de Vavoua, Toalo Bi Doulo Maturin, plusieurs cadres et fils d'ancien-prozi, des chefs coutumiers et de communautés du département, était conduite par le préfet de Vavoua, M'Bassidjé N'Cho pierre. Après une brève escale à l'entrée du village, pour des mises au point, nous nous dirigeons, escortés par un contingent de force de l'ordre composé de FRCI , de gendarmes, et de l'ONUCI, vers le domicile du chef du village, Gala Bi Gala Toussaint. Ce dernier est arrivé avec la délégation, de Vavoua, où il s'était refugié après son exfiltration. Sur le chemin de chez lui, nous remarquons tout de suite quelques stigmates des affrontements : maisons décoiffées, détruites au marteau, ou incendiées ; des restes de motos (Nous en dénombrons au passage quatre), d'ustensiles et de vêtements calcinés, par endroits. Là, sous le préau faisant office d'arbre à palabre, des populations nous attendent. Tous des partisans du chef Gala Bi toussaint. L'amertume se lit sur leurs visages, mais une sorte de satisfaction est perceptible face à cette délégation, conduite par le préfet et sa délégation. Et pour cause, ce sont eux, particulièrement, qui dans cette localité à peuplée majorité d'allochtones et d'allogènes (les autochtones Gouro représentant à peine un tiers de la population vivant à Ancien-Prozi), ont subi, il y a quelque jours, la furia du camp adverse. Je suis venu pour vous donner le sourire, a déclaré d'entrée le préfet de Vavoua. Avant de donner les nouvelles de son arrivée. La nouvelle des événements qui se sont déroulés chez vous ici nous est parvenue. Nous sommes venus, au nom du chef de l'Etat vous dire notre compassion et vous demander de vous pardonner et de vous entendre, ajoutera-t-il. Après ces quelques civilités d'usage, la délégation prend la direction de domicile du nommé Gala Kouakou Basile. A notre arrivé, nous sommes surpris par la mobilisation. Cinq fois plus grande que celle de chez le chef Gala Bi Gala Toussaint, des allochtones Gouro, mais aussi beaucoup de Malinké et d'allogènes. Renseignements pris, nous sommes chez les contestataires. Le groupe conduit par le vieux Koué Bi Sui Adrien, soutenu par Madou Ouattara et dont le parrain est le maitre de séance, Gala Kouakou Basile, fils du précédent chef défunt, Koué Bi Gala joseph. Là-bas, le ton est différent. Le préfet M'Bassidjé, à travers le secrétaire général de préfecture donne les nouvelles en ces termes : Après les événements qui ont eu lieu ici, je vous ais appelés à Vavoua, le mardi dernier. Mais comme vous n'êtes pas venus à mon invitation, alors j'ai décidé de venir moi-même vers vous pour savoir connaitre les circonstances des malheureux événements .Il a par la suite invité ces derniers sur la place de l'école primaire du village où il a convoqué les chefs de communautés locaux, les belligérants et les populations. Objectif : situer les responsabilités et éclairer la lanterne des uns des autres sur les contours de la désignation du nouveau chef, contesté, Gala Bi Gala Toussaint.

Des dégâts matériels considérables

Avant de se rendre sur la place de l'école, la délégation a rendu visite aux familles sinistrées. Nous, nous décidons d'en savoir plus sur ce qui s'est passé la semaine précédente. Nous jetons dans les rues du village et croisons au détour d'un carrefour non loin du marché trois jeunes gens arrêtés. Mais prétextant ne rien savoir des raisons de ce déferlement soudain de violence, ils nous proposent de voir des endroits où des violences ont eu lieu. Nous avons pu décompter 13 maisons incendiées et/ou endommagées, les carcasses de 5 motos incendiées, des greniers d'ignames détruits et leurs contenus emportés, des débris de verres et de bouteilles cassés, des chaises fracturées par endroit. Et dans des puits attenant aux habitations incendiés, des habits et des ustensiles de cuisines. Sûrement ceux des propriétaires des lieux. Un spectacle insoutenable ! Des investissements de plusieurs années partis en fumée. Mais qu'est-ce qui peu bien expliquer pareil acharnement sur les biens d'autrui ?

Les raisons d'une crise

Sur la place de l'école, les populations sont sorties nombreuses. Tra Bi Guillaume, cadre du village, lui, s'interroge : pourquoi nous voulons dire à nos enfants que vivre ensemble, c'est se battre ?...Pourquoi ? Les belligérants sont appelés à tour de rôle pour s'expliquer sur les événements. Le représentant du chef du quartier Sokoura, un certain Diallo, le chef des senoufos de Tingréla, un Diabaté, Madou Ouattara le présumé instigateur des attaques et le vieux Sui Bi Adrien leur parrain, tous du clan Gala Kouakou Basile viennent s'expliquer. D'abord sur leur absence à l'invitation du préfet, le mardi 4 février dernier à Vavoua, ils tentent de se justifier, sans parvenir à convaincre. Ce qui a pour effet d'exacerber la colère du préfet M'Bassidjé qui le leur fait savoir. Je ne suis pas venu ici pour venir m'amuser. Je suis venu en mission pour le chef de l'Etat, Alassane Ouattara. Qui ne cesse de prôner la paix et l'union. Tous ceux qui ont commis ces actes son contre le président de la République. Je suis venu entendre et écouter ceux qui ont commis ces actes. Soyez donc sérieux dans ce que vous dites. Sur les faits, les commentaire divergent, selon les camps. Mais les témoignages, recoupés, des uns et des autres nous édifie davantage. L'affaire remonte, bien avant l'année 2012. Depuis l'annonce de l'érection du village d'Ancien-prozi en commune rurale, par le pouvoir Gbagbo, deux fils du village ont investi le terrain pour préparer leur électorat. Il s'agit Koué bi Goré Rodolph, le petit frère du vieux Sui Bi Adrien, candidat potentiel du PDCI à la mairie. Opposé à lui, le nommé Tra Bi Sui Guillaume, le candidat supposé du RDR, un proche du vieux Kahon Bi Bêma Albert dit Mêbia. Lors d'un meeting de Koué Bi Rodolph, Gala Kouakou Basile s'autoproclame chef du village, alors même que l'intérim de son défunt père est assuré par Séry Bi Séry Honoré. Le 28 mars 2013, face à la défiance de Gala Kouakou Basile, les sages réunis au domicile du préfet à Vavoua, décident de choisir pour 21 jours, un nouveau chef intérimaire. Leur choix se porte sur Gala Bi Gala Toussaint, qui assure l'intérim de 21 jours. Le 14 juin 2013, comme l'exige la coutume Gouro, les sept chefs de familles habilitées à designer le chef du village, confirment à l'unanimité, Gala Bi Gala Toussaint à la tête de la chefferie d'Ancien-prozi. Chose inacceptable pour le Vieux Adrien et son poulain, Gala Kouakou Basile qui réclame la paternité du village. Ce dernier est soutenu par la majorité des communautés malinké et allogènes, majoritaire à Ancien-prozi. C'est le père de Basile qui a crée ce village qui est situé sur son champ. C'est lui qui a donné des parcelles à tous les étrangers qui habitent ici aujourd'hui. C'était un type bien. Mais depuis son décès le nouveau chef, Gala Bi Toussaint veux nous arracher nos champs, nous fait savoir le vieux Koné. Si l'on en croit les témoignages des uns et des autres, Gala Kouakou Toussaint, qui n'a pas fait acte de candidature lors de la rencontre de désignation de Gala Bi Gala Toussaint, le 14 juin 2013, le vieux Sui Bi Adrien, soutenus par le député Manou Bi et par des allogènes et malinkés, avec à leur tête Madou Ouattara, décident de récuser le nouveau chef à travers une pétition. Sauf que la pétition en question ne comporte que la signature de populations allogènes et Malinké d'où la question du préfet au vieux Sui Bi Adrien. La chefferie Gouro appartient aux Gouros. Une fois qu'on a choisi le chef, tous le monde doit le suivre. Ce sont les sept familles (Zênêfla, Gobiêhi,Bêhêninfla, Balôozra, Zêenoufla, Blahoufla et Gouêfla) qui désignent le chef, ce n'est pas une affaire d'héritage. Quand nous sommes venus ici et que Toussaint a été choisi, personne n'a fait d'opposition sur son choix. Basile que vous réclamez n'était même pas sur la liste des proposés (Seulement Gala Bi Gala Toussaint et le fils du vieux Adrien était candidats). Pourquoi aujourd'hui, toi Adrien, qui connait le mode de désignation des chefs ici, tu t'opposes à ce choix ? Pour le préfet M'Bassidjé, donc, la question de l'illégitimité de Gala Bi Gala Toussaint ne devrait pas se poser. D'ailleurs, c'est pour recueillir d'éventuelles contestations que je n'ai pas signé immédiatement l'arrêté de Gala Bi Gala Toussaint. C'est 8 mois après que j'ai signé définitivement l'arrêté de nomination. Soit le 21 janvier 2014 ; Vous n'êtes pas venus vous plaindre. De ces explications, il ressort que les partisans de Gala Kouakou Basile confortés dans leur actions de défiance par un certains Siéllé Coulibaly, conseiller au ministère de l'Intégration, et saisissant l'opportunité à eux offerte lors de l'interpellation, par la gendarmerie, de l'un des leurs, sur le marché du village, le vendredi 31 janvier dernier, s'en sont pris aux biens des partisans du chef Gala Bi Gala Toussaint, qui n'a eu son salut, ce jour là, que grâce à la promptitude des FRCI venus l'exfiltrer avec quelques uns de ces partisans.
Paraphrasant le préfet, l'honorable député de Vavoua TOALO Bi Doulo Maturin, a dit être venu pour faire la paix entre autochtone Gouro et les allogènes. Il a par ailleurs prodigué des conseils aux populations allogènes Laissez les Gouros choisir eux-mêmes leurs chefs. Aidons le président à avoir un second mandat. Ne vous battez pas pour des problèmes entre Gouros. Donnons une bonne image de notre région pour profiter des biens faits du chef de l'Etat. Vous ne pourrez pas obtenir la sous-préfecture tant souhaitée si vous n'êtes pas en paix et si vous ne travaillez pas dans la concorde comme le souhaite le président Alassane Ouattara, a dit Toalo Bi Doulo Maturin. Je reste toujours disponible pour ce problème. Mais si vous continuez à bruler les maisons, vous vous mettez hors-la-loi, a prévenu le préfet. En attendant que des procédures de dédommagement à l'amiable soit engagées, les habitants d'Ancien-Prozi ont décidé de tourner la page et de continuer à vivre comme le passé.

D. KONATE (Envoyé spécial)

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