mardi 25 fevrier 2014 par Cote d'Ivoire Economie

Des décennies durant, nombreux sont les hommes d'affaires qui ont décrié les lacunes de la justice ivoirienne. Un véritable renouveau est cependant apparu, incarné par Tribunal de commerce d'Abidjan. De quoi redonner le sourire aux opérateurs économiques nationaux et étrangers.

En Côte d'Ivoire, le Tribunal de commerce, conformément au décret n°2012-628 du 6 juillet 2012, est venu apporter un éclat à l'environnement des affaires. Avant cette échéance, l'on ne saurait décrire les malversations qui minaient le monde des affaires dans le règlement des litiges commerciaux. Les lourdeurs administratives et les procédures judiciaires sans fin, les actes de corruption, aussi bien des magistrats que des intermédiaires, le favoritisme, l'escroquerie, etc. En effet, le droit a manqué dans de nombreux verdicts prononcés et beaucoup d'opérateurs économiques d'ici et d'ailleurs avaient perdu tout espoir dans la justice ivoirienne.
Pendant des années, les plaintes d'hommes d'affaires se sont multipliées, sans véritable issue pour la plupart. Hormis ces déviations morales et d'éthique, la justice ivoirienne était confrontée à un problème structurel. C'est bien la compétence ou la connaissance des juges pour se prononcer sur des litiges liés au monde des affaires qui était en cause. Les mêmes magistrats devaient traiter à la fois les conflits civils, matrimoniaux, fonciers, commerciaux, etc. De fait, le système judiciaire ivoirien présentait des défaillances notoires et le monde des affaires en a payé un lourd tribut. Une solution imminente devait être trouvée, au risque de saper des fondamentaux de l'économie nationale, puisque la relance économique est basée à plus de 60% sur les investissements privés, selon les prévisions du Plan national de développement (PND) 2012-2015.
Sous l'impulsion de la Banque mondiale, le gouvernement s'est donné les moyens pour mettre sur pied le Tribunal de commerce d'Abidjan (TCA). Cela était vraiment nécessaire ! Cette juridiction autonome de premier degré est arrivée à point nommé. Il convient également de relever l'appui considérable de la Banque mondiale pour la mise en activités effective de ce tribunal de commerce. Une dotation de 600 000 000 FCFA a été allouée dans le cadre du Projet d'appui à la revitalisation des petites et moyennes entreprises (Pare-PME), d'un coût global de 7,5 milliards FCFA. Jusque-là, la Côte d'Ivoire avait du mal à progresser dans le classement Doing Business de la Société financière internationale (SFI). Comme argument, le critère relatif à la Protection de l'investisseur était toujours au rouge. La Banque est donc venue en renfort pour franchir le cap. Celui de créer un tribunal spécialisé pour le règlement des litiges commerciaux ou des affaires. Il est devenu opérationnel le 1er octobre 2012 et plus de quinze mois se sont déjà écoulés

La contribution notoire des juges consulaires

Dans un tribunal de commerce, l'une des spécificités a trait à l'intervention des juges consulaires qui ne sont pas de magistrats de formation. Ce sont des hommes d'affaires ou des professionnels qui justifient d'expériences avérées dans leur champ de compétences premières. On remarque des banquiers, des financiers, des assureurs, des médecins, etc. Au Tribunal de commerce d'Abidjan, 50 opérateurs économiques ont été désignés par la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire (CCI-CI) pour agir en qualité de juges consulaires. Ils ont prêté serment lors de l'audience solennelle d'ouverture du TCA, le 10 mai 2013. Et ce sont eux qui analysent de façon minutieuse tous les documents techniques produits par les parties en présence.
En réalité, le magistrat qui dit le droit ne saurait comprendre et interpréter tous les documents financiers, comptables, fonciers, fiscaux que plaignants et accusés brandissent pour défendre leur cause lors des procès. C'est là que les juges consulaires, des spécialistes, interviennent pour éclairer les prises de décision et verdicts prononcés. Depuis l'ouverture du Tribunal de commerce d'Abidjan, le président de cette institution, le Dr François Komoin et ses juges consulaires se sont donné une ligne de conduite rigoureuse. Jusque-là, ces acteurs de la justice ivoirienne arrivent à tenir dans les délais impartis pour le règlement des dossiers, allant de 8 à 160 jours. Cela à la grande satisfaction des opérateurs économiques qui, par le passé, attendaient facilement deux à trois années pour le dénouement de leurs conflits. Ces résultats découlent de leur volonté de réussir, du travail en équipe, de l'usage des outils modernes du management, de l'informatisation des données, et surtout de la traque de la corruption. Le président François Komoin ainsi que les juges consulaires font preuve d'une certaine dextérité dans la gestion des affaires, de telle sorte que le Tribunal de commerce d'Abidjan fait exception dans le système judiciaire ivoirien. La confiance a commencé à naître et à croître au fil du temps. Parce que ces acteurs de la justice tiennent vraiment au respect de leur serment !

Une évolution marquée des requêtes
Pour prouver l'importance toute particulière que les opérateurs économiques accordent au Tribunal de commerce d'Abidjan, les chiffres sont précieux. Au premier mois de l'ouverture, l'on n'a enregistré 42 requêtes transmises au Tribunal de commerce d'Abidjan. Deux mois après, le chiffre a été multiplié par 3,6 pour atteindre 153 requêtes. Ce qui est allé grandissant d'un mois à un autre. Sur la période du 1er octobre 2012 au 30 avril 2013, le TCA a rendu au total 1 260 décisions concernant les ordonnances sur requêtes, 238 en référé, 191 jugements et 2 en procédures collectives. Au bilan des quinze mois d'activités, les résultats affichés par le TCA sont tout simplement impressionnants, avec un bond spectaculaire dans le dépôt des plaintes et les enrôlements formulés. L'on est passé de 42 à 347 requêtes enregistrées, soit une croissance nette de plus de 87%. En somme, les statistiques du TCA indiquent 4 269 requêtes formulées, contre 895 référés, 1 352 assignations et 21 procédures collectives. Ce qui correspond à un total de 6 537 dossiers traités en une année et trois mois. Du coup, force est de constater que les hommes d'affaires ivoiriens et étrangers qui opèrent sur le territoire national se sont vite approprié le tribunal. Et aujourd'hui l'on est en mesure d'affirmer que cette juridiction apporte une contribution remarquable pour décrisper le climat des affaires de la Côte d'Ivoire.

Le juge Komoin : une notoriété peu contestable !

Jusque-là, l'on n'a pas officiellement écho de quelque malversation que ce soit dans les décisions rendues sous la houlette du Dr François Komoin. Fait-il vraiment preuve d'impartialité ? Il y a assurément des personnes qui trouvent des points d'ombre. Ce magistrat hors hiérarchie ne serait donc pas tout blanc aux yeux de certains justiciables. Surtout que les personnes déclarées fautives ou perdantes dans les procès recherchent, pour la plupart, des défaillances dans le système. Celui qui donne le verdict final ne saurait être épargné ! Hormis cela, le président du premier tribunal de commerce du pays semble très peu indexé. La corruption, le népotisme, le favoritisme sont, entre autres, des maux pas encore visibles au sein du Tribunal de commerce d'Abidjan (TCA). Ce qui fait preuve d'une bonne exception à la règle en Côte d'Ivoire. En effet, le juge François Komoin tient au maintien de son étoile au sein de l'appareil judiciaire ivoirien. Ayant fait ses preuves ailleurs, notamment à la Cour d'arbitrage de Côte d'Ivoire (Caci), c'est le moment de confirmer ses vertus morales et personnelles. N'oublions pas qu'il est le fondateur de IHE Afrique, devenu MDE Business School, la seule école d'affaires du pays, qui tend à rivaliser les grandes du monde. Aujourd'hui, François Komoin est aux commandes du TCA. Il ne saurait donc se trahir lui-même ni laisser l'un de ses plus proches le faire. Raison pour laquelle l'homme reste très attentif dans sa sphère de compétences. Pour le moment, les justiciables restent sans grands reproches depuis les quinze mois d'activités qu'il a passés à la tête de cette institution. Peut-il être pris comme modèle de l'appareil judiciaire ivoirien ? Rendez-vous dans quelques mois ou années pour en avoir une idée plus nette.
ASSANE DE YAPY

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