mercredi 14 mai 2014 par Nord-Sud

France 24 et Radio France internationale ont séjourné à Abidjan du 6 au 8 mai dernier. La présidente directrice-générale de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, a expliqué au micro de Nord-Sud Quotidien le fonctionnement de ces deux chaînes.

Qu'est-ce qui explique la présence des responsables de Rfi et France 24 à Abidjan ?
Rfi fête ses vingt ans en Fm (modulation de fréquence, ndlr) en Côte d'Ivoire. A cette occasion, elle inaugure deux nouveaux émetteurs. Un à San Pedro et l'autre à Yamoussoukro. C'était une belle occasion pour revenir en masse comme on l'avait fait en 2011 ici à Abidjan. Du coup, on a délocalisé des émissions qui font appel au public. Parce qu'au fond, à travers ces échanges, on va essayer de dresser le portrait de cette Côte d'Ivoire qui se reconstruit, qui est en pleine mutation économique, culturelle et en pleine réconciliation aussi. On va essayer de tendre le micro aux Ivoiriens pour qu'ils nous racontent leur Côte d'Ivoire.

Vous revenez deux fois en trois ans en Côte d'Ivoire (2011-2014). Quels sont vos rapports avec les autorités actuelles ?
On entretient des rapports positifs et constructifs. En fait, on est là pour plus que ça. La force de nos médias est d'avoir un réseau de correspondance qui se trouve dans le pays. Pour France 24 comme pour Rfi, on a des correspondants ici comme ailleurs. Ils sont plus de huit cents. La Côte d'Ivoire, en Afrique francophone, est un pays fondamental. Il est important pour nous parce qu'on a souffert avec lui. Ça nous fait plaisir de revenir quand ça va mieux.


Peut-on être un média public et être indépendant ?
Moi je le revendique totalement. Nous sommes un média public et non pas un média d'Etat. Nous sommes un média public parce que nous sommes financés par des fonds publics qui sont fléchés. La redevance est une ressource affectée. Nous avons un cahier de charges qui est établi par décret, c'est-à-dire sur lequel l'Autorité de l'audiovisuelle française, le Csa donne un avis. Le Parlement en est informé. Et ce cahier de charges prévoit dans son article premier que nous ne sommes l'émanation d'aucun gouvernement et que nos rédactions sont totalement indépendantes. Nos journalistes sont indépendants et chevillés au corps. Ils exercent la profession en toute déontologie. C'est pour cela qu'au fond, nous ne sommes ni prisonniers des capitaux, ni prisonniers de l'assiette étatique. Nous sommes des médias libres pour des gens libres qui nous écoutent ici.

Les informations que vous véhiculez ne sont-elles pas en phase avec la politique française au plan international ?
Si vous mettez cela comme postulat, vous allez pouvoir le démontrer. Mais c'est le postulat qui est faux. Car nous ne sommes pas du tout les porte-voix de la politique française. Nous sommes en revanche enracinés dans la France. Et il peut arriver que nos analyses ou l'information que nous avons en France fassent que cela explique une position. Elle peut être conforme à celle de la France. Pour autant, nous ne recevons jamais d'instructions des pouvoirs publics français. Et si vous pouvez leur poser la question, ils diront qu'on en fait parfois à notre tête.

Quelles sont vos limites alors?
Ce sont des limites déontologiques. Qui dit liberté dit aussi sens de responsabilité. Nous savons que nos paroles ont beaucoup de poids et que nous pouvons modifier des évènements si nous avons un mot qui ne serait pas le bon et au bon moment. Il y a un très grand sens de responsabilité des journalistes. Ils savent recouper, sourcer l'information et ils sont très vigilants. Effectivement, Rfi en particulier, nous savons que ce qui est dit est considéré comme la vérité avec un grand ?'V'' et cela donne des responsabilités. C'est cela les limites. Celles que nous posons, notre sens de responsabilité et notre volonté de donner la parole à tout le monde ; ne pas être dans la propagande, ni dans le dogmatisme. Il y a 66 nationalités dans ce groupe à Paris. Nous travaillons en partageant, en n'étant pas d'accord. En ayant à l'esprit que c'est une vraie tour de Babel. On ne peut donner d'instructions à personne.

Comment avez-vous vécu le décès de vos collaborateurs au Mali ?
Cela a été quelque chose qui demeure encore très vif en moi. On a vécu l'indignation, la colère, le malheur et le désespoir. Et de voir les familles des collaborateurs dans la douleur a été une rude épreuve qu'on n'oublie pas de sitôt. Il y a trois juges d'instruction qui ont été nommés et nous nous sommes portés partie civile et les familles aussi. Pour les médias, le juge peut estimer qu'on a moins d'intérêt pour agir que les familles. Mais nous avons constitué le dossier. A côté de cela, nous avons mis en place des dispositifs de mutualisation de nos informations à l'intérieur. Aussi la cartographie groupée de risques parce qu'ils évoluent tout le temps et le statut du journaliste change et nous sommes pris entre deux frontières. D'un côté nous savons qu'aucun reportage ne vaut une vie, mais de l'autre nous savons que le risque zéro n'existe pas si nous voulons faire du journalisme de terrain. Si on se dit qu'on veut zéro risque, il y a des zones où nous n'irons plus jamais. Dès lors, on fait reculer la liberté d'informer. La France est montée à l'Onu-Afrique, et l'Assemblée générale a adopté une résolution qui fera du 2 novembre, la date de commémoration de l'assassinat de nos deux reporters et la Journée de lutte contre l'impunité des crimes.

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