lundi 1 septembre 2014 par Treichville Notre Cité

Le boom économique des années 1960-1970 ou ??Miracle ivoirien'', a été une période de prospérité économique où la Côte d'Ivoire avait bénéficié de plusieurs facteurs de croissance. Hausse du prix des matières premières dont le café, le cacao etc. Abidjan, la capitale économique ivoirienne, s'était métamorphosée, avec les buildings qui poussaient dans le centre des affaires. Aussi, un nouveau type d'habitats était construit pour pallier les déficits de logements dans les différentes communes. Treichville, commune historique, fait partie des bénéficiaires de ce nouveau style de buildings. Mais aujourd'hui, des interrogations demeurent quant à l'entretien de ces cités. Nous avons décidé, à travers cette enquête, de faire immersion dans l'univers de ces habitations que certains qualifient de ??Cités de la honte''.

Treichville, commune commerciale mais également commune dortoir, avait vu sa population croître en raison de nombreuses infrastructures sur son territoire. Port Autonome, gare du chemin de fer, zone industrielle, sociétés et divers commerces... Ainsi, la commune historique, à l'instar des autres communes d'Abidjan, bénéficiera d'un nouveau style de constructions collectif en hauteur, les HLM (Habitation à Loyer Modéré), en vue d'héberger les nombreux travailleurs et leur famille qui voulaient s'y installer. L'Etat de Côte d'Ivoire, pour ce faire, avait créé le 22 Mars 1962 la Sicogi (Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière), la Sogefiha (Société de Gestion et de Financement de l'Habitat) en 1963 et la Sopim, une société privée créée en 1978. Ces différentes sociétés ont par ailleurs réalisé plusieurs cités à Treichville ; Arras 1, 2, 3 et 4, la Tour Sicogi à l'Avenue 2, La cité Sopim, Cité policière, Cité Ran, Cité Douanes. Mais aujourd'hui, l'on se demande comment et pourquoi, ces différentes constructions qui avaient fières allures et présentaient un caractère prestigieux sont dans un état de délabrement, d'insécurité et de débauche très avancé.

La Cité Sicogi avenue 2, de la gloire aux enfers

C'est la première cité que nous avons visitée. Elle se situe à l'angle du grand marché et de la Mairie. L'imposant bâtiment qui nous a accueillis n'a de prestige que son glorieux passé, une grande firme automobile l'avait alors choisi pour porter son emblème. D'où l'appellation de tour Mercedes. Aujourd'hui, la tour n'a plus d'ascenseurs depuis plusieurs décennies. Il faut donc parcourir les différents étages à pied. La cité Sicogi est constituée de quatre (4) bâtiments : le Midi, le Septentrion, le Levant et la Tour Mercedes. Chaque bâtiment a un responsable. Les premières choses qui ont attiré notre attention sont les canalisations dégoulinantes dans la cour avec une forte odeur qu'il nous est difficile de décrire.
Des tas d'immondices jonchent l'endroit. Un tas de pneus usés également présent, comme pour nous souhaiter la bienvenue. Des mécaniciens, des coiffeuses en plein travail ornent ce pittoresque tableau où pendent des fils comme des lianes. Quant aux bâtiments, ils ne se souviennent même plus de la dernière date à laquelle ils ont reçu une couche de peinture. Nous nous rendons chez un ancien du quartier, El Ahadj Baba Soumahoro qui est attablé.
Selon lui, les travaux de construction de la cité ont démarré en 1962 pour s'achever en 1967, date de l'arrivée des premiers résidents. Pour lui, la dégradation de cette belle cité est due, en grande partie, au départ en 1985 de la Sicogi qui a remis les clés aux habitants. La cité n'a pas de syndic. Chaque bâtiment a son responsable. Ce qui rend difficile les prises de décision pour sa bonne marche. Les habitants eux-mêmes ne se préoccupent pas de leur environnement, quelques initiatives ça et là mais pour l'instant rien de concret ne pointe à l'horizon. C'est la mort dans l'âme de voir détruire ce joyau, que nous prenons congé du vieux El Ahadj Baba Soumahoro qui reste nostalgique de cette gloire passée.

Arras 1, maintenir le cap

Pour la petite histoire, le quartier Arras tire son nom de la ville Française Arras, d'où sont venus les démobilisés Africains de la première guerre mondiale qui y résidaient sous l'impulsion de feu Félix Houphouët-Boigny. A cette époque, c'étaient des maisons basses réalisées par l'entreprise Habitat Africain dès 1952 et livrées en 1956. Pour réaliser les bâtiments de l'Arras 1, 2, 3,4, ces anciennes maisons basses ont été rasées en lieu et place des bâtiments en hauteur, dans le souci d'avoir plus d'appartements et plus de commodités. Pour preuve, les premiers habitants de l'Arras étaient des cadres supérieures. Aujourd'hui, ces bâtiments qui ont été livrés en juin 1975, n'ont plus leur lustre d'antan. Mais des efforts considérables ont été réalisés par le syndic. Cela à travers la construction de clôture, portail métallique, la réduction des portes d'entrée, la mise sur pied d'un parking surveillé, la création d'un jardin. Cependant, la fausse note reste le garage en pleine cité et les commerces aux alentours de la cité et la gare de Bassam dont se plaignent les habitants.

Arras 2 ou la démission des co-propriétaires

Sortant de Arras1, un saut de l'autre côté de la Rue 38 et nous voilà à l'Arras 2. L'immensité de cette cité est sans nul doute l'une des raisons qui donne du fil à retordre au syndic. Le portail d'entrée côté AITACI n'existe que de nom. Des eaux de ruissèlements vous accueillent. Et des garages vous ouvrent leurs bras, en empêchant bien sûr la circulation et le passage des piétons. La pelouse, par endroit, ressemble à un fourré. Les papiers et sachets jonchent le sol qui crie à l'aide, usé qu'il est par les huiles de moteurs des mécaniciens, les déchets des maquis, de ??garbadrome'' et d'autres commerces.
Des voitures dont on ignore les propriétaires y sont stationnées depuis des lustres. La clôture côté siège de l'Asec Mimosas est sujette à conflit avec des riverains. La volonté longtemps affichée du syndic d'améliorer le cadre de vie a permis d'installer des portails et d'ériger une clôture. Mais le manque d'entretien et de suivi ruinent tant d'années d'efforts.
Selon M. Gnaoré Bernard, l'un des premiers résidents de l'Arras 2, arrivé le 1er Mars 1977 : cette cité était un joyau, il y faisait bon vivre, la Sicogi s'occupait de tout et nous payons les charges, en nous tendant une quittance de charges. En 1998, les résidents décident, après un constat d'inefficacité de la Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière, de prendre en charges la gestion de leur environnement en mettant sur pied un syndic. Dix mois plus tard, plus rien. C'est le chaos total, la cité Arras 2 n'est plus que l'ombre d'elle-même. Notre interlocuteur accuse les copropriétaires de démission et de manque de civisme. Pour lui, ils n'ont pas l'esprit communautaire. Nous avons initié une cotisation de 300FCFA/ mois, pour l'entretien de notre environnement que beaucoup ont refusée de payer. Comment voulez-vous entreprendre dans ces conditions, alors qu'avec le Sicogi, on payait plus de 8.000 FCFA ? Sur ce, nous décidons de nous rendre à Arras 3 en passant par le portail côté Gendarmerie.

Arras 3, la cité se meurt

Nous sommes accueillis par un garage qui longe la clôture en entrant par le portail de la place ??Ernesto Djédjé''. L'entrée de la cour n'échappe pas aux véhicules garés ça et là.
La clôture du centre communautaire n'a pas fière allure, souillée qu'elle est par les déchets de tout ordre. Le parking sis à l'opposé du centre communautaire sert de toilette à ciel ouvert. Selles et urines se conjuguent pour donner une odeur indescriptible. Et c'est dans cette insalubrité criante que des clients trouvent le moyen de s'attabler pour un verre ou un bon poulet en faisant fi de tout. Le comble, cette clôture est celle de l'unité pédiatrique du centre communautaire. Ce triste spectacle met en péril la vie des nouveaux nés.
Fonçant dans le carré de l'Arras 3, nous tombons sur un jardin, que dis-je, un fumoir à ciel ouvert. Au vu et au su de tous, un spectacle ahurissant s'y déroule. Vous pouvez venir y fumer votre joint sans être inquiété. Parents et enfants s'y accommodent.
Et la nuit tombée, c'est un hôtel de passe aux frais de la princesse. Les escaliers ne sont pas en reste. Amoureux et drogués s'y donnent rendez-vous pour s'envoyer au 7ème ciel.
La propreté n'est pas le point fort d'Arras 3. Ordures, eaux puantes des puits perdus et nuisances sonores des maquis font partie du décor. On remarquera les efforts du syndic et de l'association des jeunes pour trouver des solutions. Mais beaucoup reste encore à faire.

Arras 4, une révolution en marche

Après cette étape, nous nous rendons à Arras 4. Livrée en Juillet 1980, elle est composée de cinq (5) entités : A, B, C, D, E qui abritent quatre vingt treize (93) appartements. Là, nous trouvons une cité en pleine rénovation. A savoir, construction de magasins, d'une nouvelle clôture séparant les différents blocs, électrification des bâtiments, curage des caniveaux, réalisation de jardin.
Chaque bâtiment (entité) a un comité de gestion qui réalise les travaux. On sent une grande volonté de la part des responsables d'améliorer leur cadre de vie.
Selon M. Fofana Abdoulaye, président du bloc E que nous avons joint au téléphone, cette séparation des travaux par entité n'est pas le fait d'une mésentente mais plutôt le souci de mieux faire. La fausse note vient, néanmoins, des garages qui ceinturent la cité de la Rue 23 à la Rue 25, avec leur insalubrité et nuisances sonores. Renseignements pris, leur départ serait pour très bientôt. Sortant d'Arras 4 où nous laissons des ouvriers à pied d'?uvre, nous arpentons la Rue 38, direction cité Sopim.

Sopim, la coquette

En entrant par le portillon de l'Avenue 1, nous sommes accueillis par un beau jardin qu'il est rare de trouver dans nos cités. Renseignements pris, il a été réalisé par les services techniques de la Mairie de Treichville. Les trois (3) blocs des bâtiments, bien qu'ils ne soient pas flambant neufs, ont fière allure. Un résultat obtenu grâce à la vigilance du nouveau syndic, qui a également mis en place une société de gardiennage et un service d'entretien pour la propreté des lieux. Il faut dire que cette cité Sopim revient de loin. En effet, il y a peu, le couloir côté CIE, qui abrite un cyber café, était un fumoir à ciel ouvert. Des agressions et bagarres n'y étaient pas rares. Malgré les efforts considérables du syndic, la fausse note reste encore les garages sur la Rue 21, avec ce que cela comporte comme désagréments et nuisances. A cela s'ajoutent les ascenseurs très souvent en panne et des véhicules garés au portillon de l'Avenue 2 dont on ignore les propriétaires. Le syndic de la cité Sopim a eu l'ingénieuse idée de mettre en location ces espaces, permettant ainsi des entrées d'argent pour la réalisation des travaux de rénovation.

Les cités fonctionnaires (policière, RAN, CIE et Douanes)

La dernière étape de notre périple nous emmène dans les cités Policière, Cie, Douane et Ran. Le spectacle est tout simplement indescriptible. Tout est en ruine : peinture inexistante, éclairage des bâtiments défectueux, marche d'escaliers en mauvais état. Vous pouvez y organiser une partie de chasse tellement les rats y pullulent. Comment comprendre que des cités, qui ont accueilli les premiers cadres Ivoiriens qu'on appelait KOMIKRO, puissent atteindre cet état de délabrement ? Il est difficile d'admettre que cette cité qui était hier la fierté de la Côte d'Ivoire, soit délaissée. C'est tout un symbole de notre histoire qui meurt.
Sous d'autres cieux, des politiques de gestion sont mises sur pied pour la préservation de tels symboles. Indexée, la Mairie de Treichville nous a présenté le tableau des actions menées pour contribuer au bien-être des populations dans ces cités. Mais que peut la Mairie si les copropriétaires eux-mêmes ne se sentent guère concernés.

Malgré ce tableau peu reluisant, voici des actions menées par le Maire et le Conseil municipal pour le bien-être des populations.

- Aménagement espace vert ARRAS II
- Eclairage Public ARRAS I, II, II
- Construction d'un terrain de Sport ARRAS II
- Travaux de clôture y compris
Portail ARRAS II
- Travaux de lavage
- Travaux bitumage rue 47, rue des écoles, rue 44
- Réhabilitation de la Gendarmerie.

K S K
Ph: J. Bedel Ahouty

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