lundi 10 novembre 2014 par L'Inter

L'ancien chef de file des jeunes du Pdci et actuel député à l'Assemblée nationale, raconte son récent séjour à La Haye et évoque l'Appel de Daoukro, notamment ses entrevues avec le secrétaire exécutif Maurice Kacou Guikahué.

M. Kouadio Konan Bertin, vous avez rencontré récemment à La Haye Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Expliquez-nous les circonstances de cette double rencontre ?

La Cour pénale internationale reconnaît aux personnes qu'elle maintient en détention, le droit de recevoir des visiteurs. Il faut juste en formuler la demande et attendre une réponse favorable des concernés. A la faveur du décès de la mère de l'ex-président, j'ai manifesté le désir lui rendre visite parce que je me trouvais, dans la période, en Europe où j'étais allé répondre à des rendez-vous médicaux. L'adversaire politique n'est pas un ennemi. Devant la mort, toute adversité cesse. Et la mort, en Afrique, a un caractère sacré. Elle nous réconcilie. Laurent Gbagbo a quand même été ancien président de la République. Houphouët nous a appris une chose : c'est de placer l'homme au centre de nos préoccupations politiques. J'ai donc été à La Haye, librement, pour lui présenter mes condoléances parce qu'il a perdu sa mère. Il aurait aimé être présent pour l'accompagner à sa dernière demeure. Vous imaginez, celle qui vous a donné la vie meurt, vous êtes vivant mais incapable d'être à ses obsèques ! Voyez ce que cela peut provoquer dans le c?ur des hommes. Je pense que, dans un tournant comme celui-ci, où il est question de négocier la réconciliation, on aurait pu- et je m'adresse au pouvoir- voir comment se mettre ensemble pour enterrer dignement la mère de l'ancien président. Moi, j'ai été faire ma part. Parce que je suis Ivoirien, parce que je suis PDCI. J'irai la semaine prochaine présenter mes condoléances à la famille, et j'irai jusqu'au village pour observer la même démarche.
 
Qu'en est-il de Charles Blé Goudé, à qui vous avez également rendu visite dans son lieu de détention ?

Oui. Charles Blé Goudé est un ami, c'est connu de tous. Je ne pouvais pas être à La Haye voir Laurent Gbagbo et ne pas le saluer. Il lui a plu de m'accorder pratiquement une journée entière. Nous avons revisité le passé, tous les deux. Depuis le Campus jusqu'à ce qu'il soit au Ghana. On a fait le point, on a ri. Il a bonne mine, il se porte bien. C'était une visite fraternelle et d'amitié. Entre Ivoiriens, on doit le faire.
 
Quel était l'état d'esprit de Laurent Gbagbo et Blé Goudé ? Que vous ont-ils confié ?

Un bon état d'esprit. Ce qu'ils m'ont confié, leur attachement à leur pays. Ce que je puis dire, pour ce qu'il m'a été donné de lire sur leurs visages respectifs, c'est de participer au retour de la paix dans leur pays. Voilà leur préoccupation. Je les ai sentis préoccupés par la paix sociale en Côte d'Ivoire. C'est une hauteur de vue que j'ai relevé.
 
La Cpi a refusé, en première instance, d'autoriser Laurent Gbagbo à participer aux obsèques
de sa mère en Côte d'Ivoire. Pour vous, cette décision s'imposait-elle à la Cpi ?

Je crois que Jean Pierre Bemba a été autorisé, à l'époque, au moins, à se déplacer en Angleterre pour les veillées. Il faut voir toutes les formes possibles. Quand je me situe dans la pure tradition africaine, je pense qu'il ne faut pas qu'on crée ce précédent. Si on peut l'autoriser à venir enterrer sa mère, ce ne sera pas une mauvaise chose.
 
M. le député, parlons à présent de l'Appel de Daoukro dont vous n'êtes pas l'un des chantres. Le secrétaire exécutif du Pdci, Maurice Kacou Guikahué, a affirmé, en conférence de presse, vous avoir rencontré à deux reprises. Vous confirmez ces rencontres ?

Je confirme que M. Guikahué et moi, nous sommes rencontrés à deux reprises. Je vais plus loin. Les deux rencontres ont eu lieu au domicile du député Evariste Méambly. Guikahué dit avoir été mis en mission par le président Bédié, il serait en train de préparer une rencontre entre le président Bédié et moi-même. Quand le président Bédié lançait l'appel de Daoukro, je n'étais pas en Côte d'Ivoire. Je n'y ai pas été associé, je ne sais pas de quoi il s'agit. J'ai besoin de comprendre, j'ai besoin qu'on m'explique. C'est pourquoi je suis pressé de voir le président Bédié. Il a plus d'expérience que moi. Il a assumé de hautes fonctions dans ce pays, il y a peut-être des choses qu'il sait que je ne sais pas. Donc, il faut qu'on m'explique ce que c'est que l'appel de Daoukro. Je ne suis pas allé à ces rencontres avec Guikahué en cachette. D'ailleurs, j'ai exigé que la troisième rencontre ait lieu au siège du Pdci-Rda, notre maison commune. Je ne suis pas un homme du noir, je ne suis pas un clandestin. Si on doit me voir, cela se passe au grand jour, au siège du Pdci-Rda et devant la presse. Ainsi, on prendra nos militants à témoin sur les acquis de ce qu'on aura convenu de faire ensemble.
 
Guikahué était-il seul lors de ces rencontres ?

La première fois, il était avec Kouassi Boni Théodore. La deuxième fois, il était tout seul. Ce n'est pas un secret. Mais de là à penser que c'est pour cela que je ne parle pas est une erreur grave. Je suis dans l'attente du rendez-vous qu'il a promis avec le président du parti. Comme je vous l'ai dit : je veux qu'on m'explique. Je veux comprendre parce que j'ai décidé de ne pas faire partie de ceux qui développent le militantisme moutonnier. Je ne suis pas dans un club de soutien. Je suis dans un parti. On ne peut pas prendre des décisions de ce type en dehors des instances du parti. Ces décisions ne se prennent pas dans le dos des militants. Je suis disposé à rencontrer le président Henri Konan Bédié qui est le président du parti. Je suis un militant discipliné. Et Bédié sait. Il peut témoigner. Je ne lui ai jamais manqué de respect. J'ai toujours été un militant discipliné, loyal. Je veux être un militant exemplaire. Et nous devons aller jusqu'au bout. Même si ces rencontres n'ont pas lieu, je vais introduire moi-même une demande auprès du secrétariat exécutif. Nous sommes sortis du dernier Congrès. Nous avons besoin qu'on nous fasse l'état des lieux avec la Convention. On ne peut quand même pas rentrer dans la nouvelle année sans clarifier la question de la candidature du PDCI-RDA autour du militant actif auquel a fait allusion le Congrès. Vous voyez bien qu'il y a des sujets pendants qui nécessitent que nous nous parlions. Et nous devons nous parler.
 
Vous avez déclaré, récemment, que vous vous mettiez à l'écoute des Ivoiriens. Cela voulait dire quoi ?

Il faut connaître les Ivoiriens, comprendre ce que veulent les Ivoiriens, leurs aspirations profondes, parce qu'il y a un grand rendez-vous que nous préparons tous dans peu de temps.
 
Vous avez peut-être des ambitions présidentialistes
Je suis constant. Que ce soit moi ou un autre- je l'ai dit- en tant que militant discipliné, le Pdci doit avoir un candidat. Il faut préparer collégialement, en le retour du Pdci au pouvoir.
 
Dans l'Appel de Daoukro, Bédié a laissé une porte de sortie aux  irréductibles  qui pourraient aller en indépendants s'ils le souhaitent. Vous sentez-vous concerné par ce message ?

Je ne suis pas surpris par la forme de l'appel de Daoukro. Parce que je connais Bédié. On peut tout lui reprocher, je le connais, c'est mon père. Bédié est un homme qui aime la liberté. Pour lui et pour les autres. Bédié est un démocrate. Il a ouvert le débat. Au moins, il a clarifié la situation sur sa propre position en disant ce qu'il fera. Mais, quand Bédié lance l'appel, il prend soin de préciser qu'il a parlé en sa qualité d'ancien président de la République et de fils du Iffou, la région qui accueillait le président Alassane Ouattara. A aucun moment, le président Bédié n'a engagé le Pdci dont il est le président. C'est ce que j'apprécie chez le président Bédié. Parce que Bédié était presque convaincu, en faisant l'appel de Daoukro, que les militants se seraient révoltés. Mais, comme à leur habitude, ils n'ont rien fait d'autre que de démontrer à Bédié qu'ils demeurent des suiveurs, ils font tout sauf ce qu'ils ont à faire. Sinon, je ne pense que Bédié était convaincu que les militants suivraient son appel. S'il a pris la peine de ne pas parler en tant que président du parti, c'est parce qu'il est respectueux de la liberté pour lui et pour les autres. J'entends jouir pleinement de ma liberté à moi. Le Pdci, il faut le dire, est un parti qui ne se brade pas, qui ne s'aliène pas, qui ne peut pas se permettre de s'absenter, sans raison, à une élection aussi importante comme celle qui arrive. ... suite de l'article sur L'Inter

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