mardi 13 janvier 2015 par AFP

Abidjan - Quatre personnes accusées d'avoir détourné des
millions d'euros destinés à indemniser des victimes des déchets toxiques du cargo Probo Koala déversés à Abidjan en 2006 ont été condamnées mardi à 20 ans de prison par la justice ivoirienne, mais laissées en liberté, a-t-on appris
auprès d'avocats.

"C'est une peine symbolique. (...) L'impunité est encore consacrée", a déploré Me Pierre Tanoh, l'avocat d'un plaignant. "La décision n'est pas juridiquement fondée, c'est une décision politique".

"Les juges ont subi des pressions. Les magistrats qui voulaient dire le droit ont eu des problèmes", a affirmé
Charles Koffi, un plaignant, qui s'est dit "très déçu".

"Nous n'avons plus confiance en la justice", a-t-il regretté, ajoutant : "les pouvoirs se succèdent mais leurs comportements demeurent les mêmes."

Les quatre accusés, qui faisaient partie d'une association de défense de victimes des déchets toxiques, ont été condamnés pour avoir détourné 4,65 milliards de francs CFA (plus de 7 millions d'euros).

Cette somme, prélevée sur les indemnités versées par la multinationale Trafigura, affréteur du navire chargé de déchets, était destinée à indemniser 6.000 victimes.

La banque nigériane Access bank, par où l'argent a transité, a de son côté été condamnée à payer une amende de 21 milliards de FCFA (environ 32 millions d'euros).

Les quatre condamnés "ont été déclarés non coupables de faux et usage de faux mais coupables d'abus de confiance et de blanchiment", a expliqué à l'AFP Me Zika Tapé, qui défend l'un d'entre eux, selon lui "innocent".

"20 ans ferme mais pas de mandat de dépôt : c'est une décision infamante.

Elle ne peut pas être symbolique", a-t-il vitupéré, regrettant que l'"honorabilité" de son client soit entachée.

Les deux avocats ont décidé de faire appel.

"Aujourd'hui, on a condamné des personnes qui ne représentent rien dans le dispositif", a critiqué Me Tanoh, qui soupçonne trois banques et un politicien d'avoir subtilisé la plupart des fonds.

La justice ivoirienne avait renoncé en juillet 2012 à poursuivre dans ce dossier l'ancien ministre Adama Bictogo, figure du parti du président Alassane Ouattara.

M. Bictogo reste susceptible d'être poursuivi au civil pour avoir perçu une avance "indue" de 600 millions FCFA (900.000 euros), alors qu'il ne devait être rémunéré pour sa médiation qu'après l'indemnisation de toutes les victimes, soulignait alors le parquet d'Abidjan.

Le déversement de résidus toxiques du cargo Probo Koala à Abidjan en août 2006 avait causé la mort de 17 personnes et des milliers d'intoxications, selon la justice ivoirienne. Trafigura a toujours nié qu'il ait provoqué décès et maladies graves.

La justice ivoirienne avait déjà rendu en septembre 2013 une décision similaire - lourdes peines prononcées, sans emprisonnement - dans un autre procès fameux, celui du café/cacao.

Quatorze anciens dirigeants de la filière cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, avaient écopé de peines de 20 ans de prison, non assorties de mandats de dépôts.

L'ampleur de leurs malversations était évaluée à 540 milliards de francs CFA (824 millions d'euros) par la Cour pour la période 2002-2008, selon l'un de leurs avocats.

ck-jf/de

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