mardi 17 mars 2015 par L'Inter

Dans un entretien accordé à la radio BBC, Charles Konan Banny, candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2015, dit ses vérités. Appel de Daoukro, ambition pour la Côte d'Ivoire, procès des pro-Gbagbo, tout y est passé.
Vous faites partie des quatre poids lourds qui ont décidé de ne pas cautionner ce qu'on appelle l'appel de Daoukro. Est-ce que votre démarche peut être qualifiée de légitime, d'autant plus que vous avez été implicitement désavoué lors du dernier congrès par 98% des votants ?
Ecoutez, on ne va pas procéder par des raccourcis. Je suis venu ici pour défendre des principes. Alors, on va prendre les choses à la base. Vous avez raison de dire que le Pdci-Rda est le plus vieux parti de Côte d'Ivoire. C'est l'histoire qui veut cela, personne ne peut changer ça. On peut aussi ajouter que la Côte d'Ivoire que nous avons connue, aimée, admirée, a été façonnée grâce à la politique menée par le Pdci-Rda qui a assumé le pouvoir au moins trois décennies. Le Pdci-Rda a subi des chocs. Un choc important en 1999, lorsqu'il y a eu le coup d'Etat.
(...)
 
Est-ce que vous vous sentez légitime en disant que l'appel de Daoukro ne l'est pas à son tour ?
Il n'y a pas plus légitime que ceux qui ont contesté cette façon de faire. Vous avez oublié de dire qu'en septembre 2013, il y a eu un congrès ordinaire du Pdci-Rda qui a pris deux ou trois décisions majeures. Le congrès a décidé que pour les élections à venir, le Pdci aura un candidat. Le même congrès a élu, nonobstant le fait que le président Bédié avait dépassé la limite d'âge que lui-même avait fixée, de le reconduire comme président. Le congrès du Pdci décide que le Bureau politique du Pdci va acter tout cela. Le Bureau politique se réunit pour dire qu'en 2015, le Pdci ira conquérir le pouvoir d'Etat. Ce bureau politique est présidé par le président Konan Bédié. Nous sommes tous d'accord. Il décide que le candidat du Pdci sera choisi par une convention qui aura lieu en novembre 2014. Voici les décisions du congrès ordinaire.
 
Donc l'appel de Daoukro est en contradiction avec ce qui a été décidé au congrès. Que s'est-il passé entre-temps ?
Je n'en sais rien. Justement aucun militant ne sait ce qui s'est passé. Le président du Pdci, le président Bédié décide en septembre 2014 d'aller à l'encontre des décisions qu'il a prises.
 
Il explique en disant que c'est au nom de la préservation et de la consolidation de la paix qu'il a pris cette initiative de soutenir la candidature unique du président Alassane Ouattara
Est-ce que vous trouvez normal qu'un parti décide de ne pas aller aux élections  présidentielles, élections majeures, qui plus est, décide de choisir comme candidat, le président d'un autre parti.
 
Il y a eu 98% de votants, Charles Konan Banny. Est-ce qu'à ce niveau la discipline du parti ne vous impose pas de respecter la décision majoritaire au sein du parti ?
Non, aucune discipline, puisqu'on n'a pas respecté les décisions du congrès ordinaire.
 
Vous êtes candidat à la présidentielle, est-ce qu'on peut vous considérer comme un candidat dissident ?
Non, je suis un candidat qui défend la légitimité des décisions du congrès ordinaire d'octobre 2013
 
N'êtes-vous pas en dissidence au Pdci ?
Je suis en opposition contre les décisions unilatérales qui sont prises et qui sont, après, habillées sous la forme que vous évoquez.
 
Juste une parenthèse, vous avez été le président de la Commission dialogue vérité et réconciliation, est-ce que ça ne fait pas drôle aujourd'hui d'être l'un des acteurs d'une crise au sein de votre parti ?
Je ne suis pas un acteur. Celui qui a créé la crise, c'est le président du parti. Je suis là pour redresser les choses pour qu'on revienne aux fondamentaux. Les principes à géométrie variable, ça n'existe pas. On croit à des règles ou on n'y croit pas. Ou bien on en revient à des formes de gestion qui ne sont pas la démocratie.
 
Que pensez vous de cet arrangement que vous propose Henri Konan Bédié, qui dit aux militants qu'en 2015 le Pdci va se ranger derrière Alassane Ouattara et dans cinq ans à l'élection présidentielle, ça sera le tour du Pdci d'assurer l'alternance, comme si on pouvait projeter sur cinq ans ce qui allait se passer ?
Qui peut projeter ce qui va se passer dans cinq ans. C'est un arrangement à la chinoise. On peut le faire, mais ce n'est pas la démocratie. La voie que nous avons choisie, c'est de consolider la démocratie à l'intérieur des partis et dans le pays. C'est important de le dire. Si nous choisissons une autre forme de gouvernance, qu'on le dise devant le monde entier. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. J'ai mal au c?ur de voir que ces questions là sont balayées du revers de la main. Je ne vois pas comment on peut construire durablement une société comme cela.
 
De qui avez-vous peur M Konan Banny ?
Je n'ai peur de personne.
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Vous redoutez le non respect de la parole par le camp Rdr ?
Je ne redoute rien madame. Je veux tout simplement que les règles démocratiques jouent. Le Rdr n'est pas le Pdci. Le Pdci a ses règles. Le Pdci doit avoir son candidat. Le Rdr doit avoir son candidat et le peuple doit choisir.
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Est-ce que vous pensez que le président Henri Konan Bédié impose à son parti un deal qu'il aurait personnellement conclu avec le président Alassane Ouattara ?
Je vais tout simplement constater que la décision prise par Bédié est tout simplement unilatérale, sans consultation de qui que ce soit au préalable, et qu'elle est contraire aux résolutions du congrès.
 
C'est une démarche personnelle donc ?
Tout à fait. Maintenant pour quelle raison ? Vous l'avez dit madame, il pense que c'est comme ça qu'on préserve la paix. Peut-être veut-il dire que si le pouvoir n'est pas exercé par le président actuel, la paix serait menacée, alors c'est très simple, donnons-lui le pays une bonne fois pour toute.
 
Vous êtes candidat à la présidentielle pour quoi faire ? Pour rivaliser avec Alassane Ouattara, avec l'espoir d'une victoire dans les urnes ?
Sinon je ne le serai pas. Vous connaissez quand même mon parcours. Je vais vous citer une anecdote. Si vous demandez à Alassane Ouattara, il vous dira que Charles Konan Banny peut gérer la Côte d'Ivoire. C'est déjà un grand hommage, mais c'est aussi une reconnaissance de ce que je ne suis pas un dernier venu. J'espère que vous le savez et j'espère que les uns et les autres le savent.
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Je suis candidat pour gagner les élections présidentielles. Avec mes amis qui sont des candidats aussi, on va s'entendre. L'un d'entre nous sera désigné, j'espère que ce sera moi, mais ça peut être aussi un des quatre. Je suis candidat avec les autres pour que nous formions une coalition avec tous ceux qui veulent qu'il y ait un changement en Côte d'Ivoire. Je suis candidat pour faire avancer la démocratie, pour faire avancer les valeurs de liberté, de libre expression des opinions, le droit à la différence, pour la sécurité des Ivoiriens, pour que les Ivoiriens se sentent mieux. Aujourd'hui, les Ivoiriens me disent qu'ils ne se sentent pas bien. Et pourtant, celui qui vous parle a été chargé d'aider à la réconciliation des Ivoiriens. Je ne vous dis pas des choses en l'air. Je suis candidat pour que les Ivoiriens se sentent mieux chez eux. Je suis candidat pour les remettre ensemble, pour reconstruire le pays, pour les rassembler à nouveau, que nous reconstruisons cette société de confiance à laquelle je rêve.
 
Que répondez-vous à ceux qui estiment que c'est votre dernière chance ?
J'espère que, en cela, ils ne veulent pas dire que je vais mourir.
 
En 2020, théoriquement, vous serez âgé de 77 ans
Ouattara a le même âge. Le temps est valable pour tous.
 
Comment envisagez-vous votre avenir politique au sein du Pdci, si jamais vous n'êtes pas candidat au bout de ce parcours à la présidentielle en 2015 ?
Je vous ai dit que je suis candidat pour être le prochain président de la République de Côte d'Ivoire. C'est le peuple qui décide. Vous savez, l'élection présidentielle, c'est un homme face à son peuple. Les partis sont des instruments. Je vous ai dit que le mode par lequel le président du parti a décidé que le Pdci n'est pas de candidat ne me convient pas, parce que c'est anti-démocratique, c'est anti-liberté. Cela dit, j'aurais préféré être désigné par mon parti. Mais, ce n'est pas la fin du monde. Je suis candidat pour que le peuple décide. On trouvera les moyens pour que nous soyons face au peuple de Côte d'Ivoire. C'est ça le plus important. Il y a une vie après les partis, il y a une vie après la politique.
(...)
 
Quand on vous écoute, on a l'impression que le président Henri Konan Bédié a fait une OPA sur le Pdci
Tout à fait. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est vous qui le dites. Je confirme que nous avons cette impression . Et ça ne peut pas marcher dans un parti politique. Il aurait fallu, tout simplement, que le président soumette son idée avant que ça ne soit une décision aux instances du parti. Mais, il a soumis l'idée après la décision. Si vous relisez la déclaration de Daoukro, vous voyez bien qu'il n'y a aucune autre ouverture que celle-là, c'est-à-dire celle qui a été choisie. C'est antidémocratique.
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Alassane Ouattara a parlé de son souhait de voir le Pdci et le Rdr fusionner en un seul et grand parti dans un proche avenir. Qu'est-ce que vous pensez de cette projection ?
Alassane Ouattara ne m'apprend rien du tout de ce côté là. Il sait très bien dans son for intérieur, que s'il y a un partisan de cela, c'est bien moi. C'est moi qui lui est reproché pourquoi il a quitté le Pdci quand le président Félix Houphouët Boigny est mort. C'est moi qui lui a demandé, après le coup d'Etat, d'abord de m'affranchir d'un doute. Et il m'a fait l'amitié de venir me dire qu'il n'y est pour rien. C'est moi qui lui ai conseillé dans ces conditions qu'une parsserelle soit jetée entre son parti le Rdr et le Pdci-Rda. C'est moi qui ai écrit un certain nombre d'articles. J'ai publié un document pour dire que pour les élections de 2010, il fallait que le Pdci et le Rdr aient un candidat unique. J'ai été combattu par tout le monde, en particulier par des militants du Rdr. Ils m'ont dit que ce sujet est interdit. On ne peut pas en discuter au Rdr. Alors, ce qui n'était pas beau hier, est beau aujourd'hui, parce que tout simplement ça profite à M. Alassane Ouattara. En 2010, quand j'ai proposé cela, mais je pensais effectivement qu'il fallait que les deux partis se mettent d'accord pour désigner un candidat et que plus tard les retrouvailles se passent. Donc, cette histoire de fusion de partis en tant que telle, personne ne peut me faire la leçon.
 
C'était donc votre idée à laquelle finalement adhère Ouattara ?
Oui, parce que ça lui profite. Je suis un homme de principe. Un principe, il est bon où il n'est pas bon. Il n'est pas bon parce que ça vous profite à vous tout simplement. Je trouve cela inadmissible. C'est une gestion personnelle des affaires qui ne me convient pas.
 
Parlant d'alliance, est-ce que vous envisagez éventuellement une alliance avec le Fpi, si cela s'imposait ?
Moi, Konan Banny, j'envisage effectivement que tous ceux qui veulent sauver la Côte d'Ivoire, se mettent ensemble, y compris le Fpi. Je suis là pour vous dire que l'avenir de la Côte d'Ivoire passe par la remise ensemble des Ivoiriens, quelle que soit leur étiquette politique. Voyez-vous, si on met de côté nos ambitions purement personnelles, les Ivoiriens peuvent se rassembler. Aujourd'hui, on a besoin de ce sursaut-là pour rassembler les Ivoiriens, pour sortir ce pays de cette crise.
 
Monsieur Konan Banny, le procès des pro-Gbagbo est dit politique par la Défense, mais le gouvernement ivoirien dément toute interférence des politiques dans ce verdict. Est-ce que vous êtes convaincu ou plutôt sceptique ?
Ecoutez madame, les 83 Ivoiriens qui étaient sur le banc des accusés, ils y sont pour quoi ? C'est parce qu'il y a eu des faits politiques, et par définition, c'est un procès politique.
 
Avec un verdict politique ?
Mais évidemment ! Maintenant, pourquoi y a-t-il la justice ? La justice est là pour l'équilibre. On peut effectivement poser des actes politiques, qui peuvent mettre en danger la société(...)
 
Vous voulez dire que les motifs étaient politiques, mais ce n'était pas un procès politique ?
Je vous dis que les motifs sont politiques, maintenant il y a des Ivoiriens qui considèrent que le verdict est un verdict entâché de politique.
 
Qu'en-pensez-vous ?
Je pense effectivement que le verdict ne rassure pas les Ivoiriens sur le caractère équitable de la justice.
 
Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Est ce que c'est l'écart qu'il y a eu entre la requête de 10 ans de prison et finalement la condamnation à 20 ans ?
Non ! Les problèmes sont plus complexes que cela. C'est un problème grave qui concerne la vie d'un pays, la réconciliation. Le sentiment du peuple, c'est que ce verdict n'est pas équitable,. On peut l'illustrer à foison. Maintenant moi je ne veux pas rentrer dans tout ça. Je veux vous dire une chose. Quand je menais cette action de réconciliation nationale, j'ai fait faire une enquête, les consultations nationales. J'ai interrogé les Ivoiriens sur leur opinion vis-à-vis d'un certain nombres de grand corps, en particulier la justice. Je suis au regret de vous dire que le verdict qui a été prononcé conforte des Ivoiriens dans leur opinion que la justice n'est pas équitable. Je l'ai dit dans mon rapport que j'ai remis au chef de l'Etat, monsieur Alassane Ouattara, que voici ce que pensent des Ivoiriens de leur justice. Il appartenait à la justice d'équilibrer, car à qui va-t-on faire comprendre que ce qui s'est passé, ne s'est passé que d'un seul côté d'abord. Deuxièmement, vous comprenez les variations de peines entre Mme Gbagbo et d'autres comme Pascal Affi N'guessan par exemple ?
 
Qu'est-ce qui ne va pas dans ce verdict, selon vous ?
Mais je suis en train de vous l'expliquer. Ce n'est pas rassurant, un verdict doit rassurer. Quand vous condamnez la dame qui s'appelle Mme Gbagbo, un acteur politique important, mais le président du Fpi s'appelle M. Affi N'guessan, vous avez les peines, vous pouvez les comparer. Ça ne rassure pas les Ivoiriens sur le caractère équitable de la justice(...)
 
Vous pensez que Affi N'guessan a été menagé ? Pourquoi ?
Je dis que le verdict ne rassure pas les Ivoiriens(...)
 
Vous dites que Affi N'guessan a été menagé dans ce procès ?
Ce sont vos termes.
 
Je vous demande ?
J'utilise mes termes à moi pour dire que ce verdict ne me rassure pas sur le caractère équitable de la justice.
 
Est-ce que cela renforce chez les Ivoiriens ce sentiment de justice des vainqueurs ? ... suite de l'article sur L'Inter

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