mercredi 13 mai 2015 par L'Inter

Plus de cinq mois que la production et l'usage de sachets plastiques, excepté pour certains services, sont officiellement interdits, selon un décret pris par le président de la République. Cette mesure suscite beaucoup de remous à la fois chez les fabricants que chez les vendeurs et usagers. La contradiction entre les textes censés réglementer ce secteur d'activité en rajoute à la cacophonie déjà présente autour du sujet. Enquête.

Jamais un décret pris par le président Alassane Ouattara n'a été aussi contesté et n'a suscité autant de mécontentements. Depuis son entrée en vigueur, le samedi 8 novembre 2014, le décret n°2013-327 du 22 mai 2013 portant interdiction de la production, de l'importation, de la commercialisation, de la détention et de l'utilisation des sachets plastiques provoque de vives réactions aussi bien chez les producteurs, les industriels que chez les employés. En représailles, ces derniers ont souventes fois été gazés, bastonnés et arrêtés. Chez les consommateurs, si la nouvelle est bien accueillie, elle engendre cependant des plaintes et des mécontentements, quand vient le moment de débourser de l'argent pour acheter des sacs désormais autorisés dans les supermarchés, pour y mettre les produits achetés. Au niveau des industriels, tandis que certains sont traqués, en l'occurrence les producteurs d'eau en sachets plastiques, d'autres comme les fabricants de yaourt et de lait, peuvent continuer librement leurs activités. Dans la foulée, il ressort de nos investigations que le ministère de l'Environnement a accordé des dérogations à certaines entreprises pour continuer à produire ou à utiliser les sachets plastiques. Cette dérogation est prévue dans le décret qui interdit pourtant la production et même la détention de sachets plastiques.

Un décret qui sème le flou

Le décret portant interdiction des sachets plastiques pour l'usage courant, contient en lui les germes de la discorde. Il a même subi des amendements pour recadrer les choses.Dans un premier temps, le chef de l'État s'est vu obligé, quelque six mois après la prise de la décision, de signer un autre décret. Il s'agit du décret n° 2013-803 du 22 novembre 2013 qui proroge de six mois le délai, afin de permettre aux entreprises de production, d'importation, de commercialisation de sachets plastiques, ainsi qu'aux utilisateurs de sachets plastiques, de se conformer aux dispositions du décret n° 2013-327 du 22 mai 2013 . Une première. C'est pourquoi Yavo Jean Baptiste, responsable des ressources humaines à Plastica, dira : Si le président de la République signe un premier décret et prend un deuxième décret pour suspendre le premier décret c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas . Mais quand vient le moment de la mise en vigueur de la loi, le dossier échoit au Premier ministre Kablan Duncan, en raison des difficultés de son application. En février 2014, il produit l'arrêté n° 065/PM/CAB du 19 février 2014 qui détermine les modalités d'application des décrets précédents. Il y prévoit un comité paritaire (État-secteur privé) chargé d'évaluer mensuellement la mise en application de la mesure d'interdiction. Le n?ud du problème entre le gouvernement et les acteurs de la filière sachets plastiques se situe au niveau de l'intitulé du décret, à savoir l'interdiction , relevé en son article 2, la dérogation au niveau de l'article 7 et l'article 10. En effet, l'article 2 interdit la production et même l'utilisation, exception faite à certains domaines, du sachet plastique. Ce n'est pas possible. On ne peut pas interdire l'utilisation des sachets plastiques. Même dans les pays développés, on utilise le sachet plastique , a déclaré le juriste Yavo. Il ajoutera que si on applique de manière pure et dure ce décret, il fait de notre président le premier prisonnier de la Maca, parce que tout détenteur de sachets doit être arrêté. Au niveau de la Présidence, ils ont réfléchi et compris que si on appliquait ce décret, il entraînerait les conséquences dont nous avions parlé. C'est cela le motif essentiel de la suspension du décret . Mais en même temps qu'il interdit la production, le décret donne la possibilité aux entreprises, en son article 7, d'obtenir une dérogation pour en produire. La mise en vigueur de cette disposition a provoqué une cacophonie au ministère de l'Environnement, au regard des documents que nous avons reçus.

Cacophonie au ministère de l'Environnement

Au début du mois de décembre 2014, nous recevons d'une personne qui a requis l'anonymat, des documents produits par le ministère de l'Environnement, dans lesquels il dénonce une corruption autour de l'application de la dérogation prévue par le décret. Si les services du ministère, que nous avons rencontrés, ont authentifié les documents, ils ont, par contre, rejeté l'accusation de corruption. Il s'agit de deux arrêtés contradictoires. L'un signé du Pr Alexandre N'guessan, directeur de cabinet adjoint du ministère de l'Environnement, et l'autre de son supérieur hiérarchique, Nasséré Kaba, directeur de cabinet du ministre Allah Kouadio Remy. Par le premier arrêté pris le 22 novembre 2014, le directeur de cabinet adjoint accorde une dérogation aux entreprises qui en font la demande, contre une forte somme d'argent, à en croire notre source. A la grande surprise, le directeur de cabinet prend une autre décision, sixjours plus tard, soit le 28 novembre, pour abroger l'arrêté de son adjoint. C'est par les soins de l'huissier de justice, Me Samelé Bitty Jules, que le ministère fera savoir aux entreprises la suspension de la dérogation dont elles ont bénéficié. Ce même 28 novembre 2014, le Groupe Amis, l'un des bénéficiaires de la dérogation, reçoit des mains de l'huissier une correspondance relative à la dernière décision. Le mis en cause dans cette cacophonie est Dr. David Atsé, conseiller technique du ministre. C'est lui qui a traité les dossiers et qui a induit le directeur de cabinet adjoint en erreur. C'est pourquoi il a été démis de ses fonctions , a expliqué monsieur N'da, le responsable du service communication du ministère de l'Environnement. À l'en croire, le document du Pr. Alexandre N'guessan n'a pas été signé par ordre du ministre et par délégation , contrairement à celui de son supérieur. Par conséquent, il est sans effet. Rencontré le 16 décembre dernier, le mis en cause s'inscrira en faux contre ces accusations. On ne m'a pas remis de lettre de renvoi, donc je considère qu'il n'y a jamais eu de renvoi . Et quand nous l'avons joint par téléphone, le 2 février 2015, il a indiqué que les choses n'ont pas changé. J'ai travaillé dans la loyauté, l'intégrité et surtout le professionnalisme , se défend-il. Le Dr Atsé fait savoir que si le projet, entamé en 2007 sous l'ère Gbagbo, a vu le jour sous le ministre Allah Kouadio, c'est en partie grâce au travail qu'il a abattu. C'est moi qui ai rédigé la mouture de l'arrêté du Premier ministre du 19 février 2014, selon le souhait du chef de l'État et du Premier ministre de préserver les emplois. J'y ai participé activement , confiera t-il. C'est donc au regard de cette volonté exprimée par les deux premiers responsables du gouvernement qu'il a choisi d'accorder la dérogation à toutes les entreprises qui en ont fait la demande dès la mise en vigueur du décret d'interdiction . Il y en a une dizaine, dont Saco et le groupe Amis. On me reproche de n'avoir pas trié les entreprises. Mais, ce n'est qu'une dérogation provisoire en attendant que des structures comme le Ciapol, mènent des enquêtes pour savoir si, oui ou non, ces entreprises ont rempli les conditions d'une dérogation définitive. Pour moi, il fallait sauver les emplois. Si on l'avait fait plus tôt, ces travailleurs qui sont à la rue ne le seraient pas , s'est-il justifié. ... suite de l'article sur L'Inter

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