mardi 9 juin 2015 par Le Sursaut

La filière hévéa est en proie à des crises au sein de ses structures. Elle est également fragilisée par la chute des prix et une fiscalité jugée trop élevée sur le chiffre d'affaires. Biley Joseph-Désiré, président du Fonds de développement hévéa (Fdh), par ailleurs Pdg de Tropic Ruber Côte d'Ivoire, fait un tour d'horizon sur toutes les difficultés qui minent le secteur.


Monsieur le Président du Fdh, quelle est la place de votre structure dans le secteur hévéa ?

Tropic Ruber Côte d'Ivoire a un capital de 2 milliards Fcfa. Cette structure est la troisième usine transformatrice du caoutchouc. Son premier responsable que je suis, occupe également le poste du président du conseil d'administration du Fonds de développement hévéa, Fdh. Le rôle de cette structure consiste en la mise à disposition du matériel végétal sélectionné, faire des pistes pour permettre de faire sortir les produits et donner aux producteurs l'opportunité d'accès à de nouveaux métiers.

Pourquoi des producteurs réclament le départ du président du Fish qui est Lohouess Vincent ? Un fonds que vous connaissez bien

Les deux fonds sont totalement différents. Le Fish c'est le fonds interprofessionnel de solidarité hévéa. Il est dirigé par le ministre Lohouess Vincent. Moi, je dirige le Fdh. C'est à M. Lohouess Vincent de répondre à cette question. Mon travail consiste à faire progresser l'hévéaculture en Côte d'Ivoire. Nous sommes derrière les producteurs du cacao et devons faire en sorte d'atteindre les 600 000 tonnes en 2020. Si de l'autre côté, il existe des producteurs qui grincent les dents, c'est qu'ils ont des choses à reprocher au président Lohouess Vincent. Par le passé, le Fish était dirigé par les transformateurs. On nous l'a arraché et les producteurs ont voulu le diriger eux-mêmes. Il consistait à soutenir les prix. Aujourd'hui, ils constatent certainement que ce fonds ne leur rend plus service.

Pourquoi la Côte d'Ivoire peine à transformer son caoutchouc ?

Il n'y a pas de souci à ce niveau. La Côte d'Ivoire y parviendra et nous travaillons à cela. Aujourd'hui, nous sommes à dix jours de n'importe quel port européen alors que les pays asiatiques sont à un mois. Il y a donc des facteurs de compétitivité qu'il faut équilibrer.

Qu'est-ce qui explique votre optimisme ?

C'est ce qui fait la différence entre un industriel et celui qui ne l'est pas. Pour l'instant, nous avons réalisé notre pari en matière végétale. Plusieurs routes ont été faites dans les zones productrices d'hévéa. Nous faisons avec les fonds qui sont à notre disposition.

Savez-vous que les producteurs se plaignent de leurs revenus ?

Pour moi, avec les prix actuels, les producteurs peuvent se réjouir. Je peux même vous rassurer qu'ils gagnent plus que les producteurs de cacao. Chacun s'en sort dans cette histoire.

Chacun s'en sort et pourtant il y a un dégraissage dans votre société

C'est parce que nous gérons bien que nous nous sommes séparés de certaines personnes. Nous nous sommes séparés de 272 employés alors que nos concurrents ont fait partir plus de 1.000 travailleurs. Cependant, si nous éprouvons le besoin de recruter, c'est dans ce lot de nos déflatés que nous puisons. Cela est ainsi parce que nous avons décidé de ne plus former de nouvelles personnes. Et puis comme une entreprise citoyenne, nous avons permis qu'ils aient leurs droits.

Pouvez-vous vous prononcer sur la qualité du caoutchouc ivoirien ?

Nous produisons un caoutchouc de très bonne qualité. Notre qualité est parmi les meilleures du monde.

Qu'est-ce qui explique donc la réfraction qui agit désagréablement sur les prix en Côte d'Ivoire ?

La réfraction joue beaucoup sur les prix. Et c'est avec beaucoup d'amertume que nous le constatons. Sur le marché, il faut compter sur soi. La Côte d'Ivoire fait 2% seulement de la production mondiale. Les gens ne nous considèrent donc pas.

Alors quelles solutions envisagez-vous pour remédier à la situation ?
Nous sommes en train de monter en puissance. Et cela va jouer très vite en notre faveur. Quand on regarde les chiffres de la Côte d'Ivoire, on a déjà planté 21 000 hectares. Chacun est en train de s'organiser pour progresser. La Côte d'Ivoire est une terre d'hévéa.


Les producteurs accusent les usiniers de les appauvrir. Qu'en dites-vous ?

Pourquoi m'associer à quelqu'un pour détruire les producteurs ? J'ai plutôt besoin d'eux. Ma plantation représente 8% de ma production. J'achète donc les 92% ailleurs. Vu ces chiffres, je ne peux que collaborer avec les producteurs. Il faut les choyer plutôt que les combattre.

Monsieur le Président qu'est-ce qui fait tarder la mise sur pied de l'interprofession ?

Si elle tarde à venir, c'est parce que nous sommes en train de nous préparer pour faire quelque chose de bon. Nous avons la filière la mieux organisée dans le monde agricole ivoirien. Vous avez parlé d'une crise au Fish tantôt. Ce sont des problèmes que nous sommes en train de régler. Nous avons commencé à colmater les brèches. Il y a eu des grincements de dents parce que les producteurs qui ont arraché le fonds aux transformateurs, ont constaté que ce fonds, c'est-à-dire le Fish ne les alimentait plus. Nous sommes organisés et je vous apprends que l'Association des professionnels du caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire (Apromac) est notre faîtière.

Si vous êtes organisés, comment expliquer alors la crise au sein de l'Association nationale des producteurs du caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire (Aprocanci) ?

De quelle crise voulez-vous parler ? Je ne vous suis pas. Situez-moi.

Certains producteurs disent avoir destitué le président Wadjas Honest de son poste de président du Conseil d'administration
Je vois maintenant. Il y a des palabres parce que les producteurs ne veulent plus certainement du président de leur association. Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.

Certains producteurs accusent les usiniers de vouloir déstabiliser le président Wadjas Honest. Quel est votre point de vue sur la question ?
Nous n'avons rien contre Wadjas Honest. Il est producteur et nous autres, sommes transformateurs. La crise se passe entre les producteurs. Je n'arrive pas à comprendre qu'un producteur de la taille de Wadjas Honest n'arrive pas à convaincre les petits planteurs. Comprenez qu'il y a véritablement problème. Les producteurs cherchent certainement un homme de bien. On entend dire que l'enfer c'est les autres mais moi, je dis que l'enfer c'est soi. Les usiniers ne prennent pas les jetons de présence. On se contente de manger un simple croissant après les réunions. Wadjas Honest, par contre, en prend. Lui qui a pourtant plus de 400 hectares de plantations. Cela devrait l'amener à lâcher les jetons de présence. Mais que non !

Quelle analyse faites-vous sur la taxe sur le chiffre d'affaires ?

Je voudrais remercier le gouvernement de Côte d'Ivoire, particulièrement le ministre de l'Industrie et des Mines, Jean Claude Brou, qui est à l'écoute des usiniers du secteur de l'hévéa. La taxe de 5% sur le chiffre d'affaires a été revue à la baisse. Nous payons maintenant 2,5%. Sans cette mesure, on ne parlerait plus de la filière hévéa. Mais nous voudrions que cette taxe soit purement et simplement enlevée pour le bonheur de tout le secteur.

Interview réalisée par Romaric SAKO et Ange Kader

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