lundi 14 decembre 2015 par L'Inter

Dans l'affaire qui oppose Guillaume Soro à Michel Gbagbo, Me Habiba Touré, l'avocate du fils de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, a perdu une bataille. Soro n'a pas été interrogé par la justice française ainsi qu'elle le souhaitait. Mais, la jeune avocate n'entend pas lâcher l'affaire.

Dans cet entretien qu'elle nous a accordé à son cabinet au 19, rue de l'indépendance à Bobigny, Me Habiba se dit déterminée à aller jusqu'au bout. Dans sa lancée, elle fustige l'immixtion du politique dans les affaires judiciaires et se prononce sur les écoutes téléphoniques dans le putsch manqué au Burkina Faso.

Maître Touré Habiba, vous avez en charge plusieurs dossiers importants de personnalités politiques ivoiriennes. Quel est aujourd'hui, l'état de toutes ces affaires que vous êtes appelée à défendre ?

La plupart des affaires sont encore pendantes devant les différentes juridictions. Que ce soit devant la Cour pénale internationale, devant les juridictions ivoiriennes, de par les recours en cassation qui ont été formulés, ou encore devant la juge d'instruction de Paris pour la plainte qui a été formulée par monsieur Michel Gbagbo.

Comment peut-on déposer une plainte en France pour des faits qui se sont déroulés en dehors du territoire français ?

C'est très simple. Que le fait se soit déroulé en dehors du territoire français n'a que peu d'importance, dès lors qu'il s'agit d'un ressortissant français. Tout ressortissant français, victime de crime à l'étranger, peut saisir la justice de son pays pour dénoncer ce crime et demander que justice soit rendue.

Michel Gbagbo est le fils de l'ancien président Laurent Gbagbo, et donc ivoirien. Comment expliquez-vous qu'il ait déposé la plainte en France, alors qu'il pouvait bien la déposer devant les juridictions ivoiriennes ?

Déjà, vous dites que Michel Gbagbo est le fils de Laurent Gbagbo. Oui, mais il a une mère qui est Française, il est né en France, à Lyon. C'est un binational. Il a la double nationalité, franco-ivoirienne. Il peut donc saisir tant la justice ivoirienne que la justice française.

Il a la double nationalité, mais pourquoi le pouvoir ivoirien refuse qu'il sorte du territoire, alors qu'il a été invité en France ?

Je précise que Michel Gbagbo n'a pas été invité en France, il a été convoqué par la justice française dans le cadre de sa plainte qu'il a engagée pour des faits dont il a été victime. A savoir enlèvement, séquestration et des traitements inhumains et dégradants, entre autres Par rapport à cela, il a effectivement été convoqué. C'est une convocation judiciaire. Dans le cadre de cette convocation judiciaire, et d'ailleurs en application même des accords de coopération franco-ivoirienne, il aurait été plus judicieux de lui permettre de répondre à cette convocation devant la justice française. Je rappelle que mon client ne venait pas en vacances et ne venait pas non plus pour fuir quoi que ce soit. Je rappelle que pendant toute la durée de l'instruction ivoirienne, il y avait des franco-ivoiriens, des binationaux qui pouvaient voyager et qui étaient aussi inculpés tout comme mon client. Donc, premièrement, l'argument qui avait été avancé par les autorités ivoiriennes, à savoir qu'il y avait une affaire en cours et qu'il devait attendre, n'était en réalité qu'un prétexte, dans la mesure où d'autres personnes inculpées pouvaient voyager librement. Deuxièmement, il faut savoir que dans la procédure ivoirienne, Michel Gbagbo ne faisait pas l'objet d'une interdiction de sortie du territoire. Dès lors que vous êtes mis en examen, le juge d'instruction a toute la latitude pour réduire les mouvements de la personne mise en examen. Ici en France, on appelle ça contrôle judiciaire. C'est le même principe. On peut même vous interdire de vous rendre dans un département, dans une ville, ou simplement de quitter le territoire. Donc, la justice ivoirienne avait la possibilité d'assortir la libération provisoire de mon client par une interdiction de sortir du territoire. Ce qu'elle n'a pas fait. Par conséquent, il pouvait voyager au même titre que les mêmes personnes que je viens d'indiquer. Sauf que manifestement, les autorités ivoiriennes étaient, semble-t-il, fébriles à l'idée de le voir aller dénoncer des choses ou expliquer en détail tous les sévices qu'il avait subis lors de la crise post-électorale! Et en mon sens, c'est la seule raison qui expliquerait l'empêchement qui lui a été fait de venir en France et de répondre à la justice française. Je dirai même qu'il s'agit d'une obstruction au fonctionnement normal de la justice. ... suite de l'article sur L'Inter

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023