vendredi 8 janvier 2016 par La Tribune Ivoirienne

Dans quelques jours, la Côte d'Ivoire sera dotée d'un nouveau gouvernement. Après le quinquennat qui a vu la construction ou la réhabilitation d'infrastructures, celui-ci devrait se poursuivre avec la consolidation des acquis. Toutefois, certains chantiers sont toujours perçus par l'opinion comme le talon d'Achille de la gouvernance. Ils mériteraient un traitement de faveur

Quelle orientation prendront des chantiers comme la réforme de la justice, la réconciliation et les réformes politiques ? C'est désormais une litanie. Dans chacun de ses discours, Alassane Ouattara en tant que chef d'orchestre, répète à l'envi sa volonté de bâtir un Etat de droit, un pays réconcilié. Pour ce nouveau mandat dont il savoure les premiers instants, le chef de l'Etat a exprimé sa vision d'une réforme de la Constitution pour dit-il l'adapter à l'évolution de notre société. Les contours de cette réforme ne sont pas encore dessinés. On en est au stade de l'annonce. Le prochain gouvernement qui va sortir des consultations en cours, sera confronté à ce vaste chantier. Si la Constitution ivoirienne d'août 2000 reconnaît au président de la République l'initiative de la révision constitutionnelle (article 124 de la Constitution), il lui faudra batailler pour que son projet requière la majorité absolue des suffrages exprimés au référendum (art. 126). Ceci sera une gageure au regard des forces politiques en présence et qui feront feu de tout bois pour s'opposer à la modification de certaines dispositions touchant aux conditions d'éligibilité du président de la République. A y voir de près, il ne suffira pas de vouloir modifier la Constitution pour que cela soit fait. C'est à ce niveau que le prochain gouvernement dans son ensemble aura un défi à relever en faisant adhérer plus de 50 % des votants à la vision exprimée.

De même, il faudra traduire en acte, la volonté de réconciliation tant proclamée mais peu réalisée. Jusqu'en 2016, les couches constituées dans leurs différentes rencontres avec le chef de l'Etat, continuent de plaider pour la réconciliation. En 2011, la mise en place de la Commission dialogue, vérité et réconciliation avait suscité un réel espoir de cohésion entre les Ivoiriens. A l'arrivée, les fruits n'ont pas été à la hauteur des fleurs. Cinq ans après, les Ivoiriens restent toujours divisés même s'ils ne l'expriment pas par une certaine animosité. Dans les quartiers, ils parlent de football, de musique, partagent leurs soucis du quotidien. Mais dès lors qu'il s'agit de sujets sensibles comme la politique, plus précisément le cas Gbagbo, ils se braquent. Une ligne sociologique les catégorise jusqu'ici entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo. Les derniers estimant qu'ils subissent les pires traitements sous le régime actuel.

Cette démarcation sociologique s'aggrave dans la problématique de la réconciliation par la justice, choisie par le régime Ouattara pour panser les plaies du passé. Cinq ans après, tous les procès n'ont pas encore eu lieu. Pis, des dossiers d'instruction restent en l'état quand les concernés croupissent toujours en prison. Ce ne sont pas les décisions sporadiques de liberté provisoire qui arrêteront les récriminations au sujet de ces emprisonnements en masse. Si moins de 200 personnes emprisonnées pour les affaires liées à la crise postélectorale sont passées devant les juges, quel rythme devra prendre le traitement de ces affaires pour ce quinquennat ? Le gouvernement devra donner une nouvelle impulsion pour plus de célérité dans les procédures. Une justice qui donne raison à celui qui a raison et tort à celui qui a tort, comme le soulignait Alassane Ouattara, lui-même. L'avènement d'une vraie justice en Côte d'Ivoire est à ce prix. Elle, qu'une certaine opinion taxe de justice des vainqueurs.

En 2016, les revendications non satisfaites, surtout dans les domaines de l'enseignement et de la santé, ne devront pas être encore négligées. C'est pourquoi, pour baisser la tension sociale qui pointe à l'horizon, l'un des défis de la nouvelle équipe sera de prendre à bras-le-corps l'ensemble des problèmes qui se posent, à discuter et à convaincre les acteurs syndicaux. De la même façon, il faudra faire face à l'épineux dossier des fournisseurs de l'Etat qui peine à trouver une solution définitive depuis des années.

S. DEBAILLY

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