vendredi 15 janvier 2016 par Cabinet du ministre Bacongo

Pas un droit de réponse à un droit de réponse, mais plutôt, prosaïquement, la poursuite du dialogue avec un jeune frère, qui a quelque chose qui rassure sur l'avenir, même s'il rechigne à le mener, au moins dans le fond, encore faut-il savoir ce qui relève du fond et ce qui ressort de la forme. Est-ce par une réaction épidermique qu'il convient de répondre à des opinions émises sur des problèmes de fond ? Peut-être qu'en journalisme, cela se conçoit. C'est pourquoi, je ne regrette pas d'être journaliste, même si j'ai le plus grand respect pour les journalistes, les grands, les vrais, qui se caractérisent entre autres par l'esprit critique, le sens de l'humilité et l'ouverture à la Vie, et point par une quelque condescendance péteuse ou suffisance éprouvée. Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur une mesure de la longueur de la précédente contribution de l'auteur (trois colonnes et demi) et de celle qui est présentée, par autisme, si ce n'est par fourberie ou malice, comme un droit de réponse (six colonnes, bien pleines). On ne fera pas non plus chicane à l'auteur de ce droit de réponse clandestin de son soutien à la modification nécessaire des autres dispositions conflictuelles de la Constitution, qu'il n'a pas eu, fort heureusement, le culot (qui aurait été suprême) de qualifier d'acquis démocratiques, comme lui paraît la limitation du mandat présidentiel. Par ailleurs, il est rassurant que le journaliste-écrivain reconnaisse au Président de la République d'être un homme à ne pas dire une chose importante les jours pairs et à la remettre en cause les jours impairs. Sauf à lui faire ravaler, fraternellement, son allégation presque mensongère, dans laquelle il prétend, sans sourciller : () celui-ci (le Président de la République) s'était déjà engagé à ne pas toucher cette clause (la limitation de la durée du mandat présidentiel). Avoir fait la proposition, à la faveur des travaux de CCCE, d'un mandat de sept ans non renouvelable est une chose, qui peut être imputée au Président Alassane Ouattara. En revanche, s'engager à ne pas toucher la disposition relative à la limitation de la durée du mandat présidentiel en est une autre, sur laquelle il ne s'est jamais exprimé. Enfin, le billet d'humeur () bref et rageur () (sic), nécessairement vain et vide, de l'auteur du Droit de réponse et les démonstrations lassantes (), pour le coup, publiées dans la presse bleue, qui s'est livrée, dans une optique d'intox et de propagande, à un déplacement suspect du débat () ne laissaient pas, à l'auteur de la contribution qui a mis le feu aux poudres, d'autres choix que de disculper, expressément, le Président de la République, en criant aux oreilles de tous les procureurs, ceux qui se sont déclarés et ceux tapis dans l'ombre.

Sous ces précisions et en attendant que le journaliste-écrivain se décide à () développer (ses) propres arguments () pour donner sa () position politique (qui est) sous-tendue par une obsession : la non-remise en cause des acquis démocratiques qui promeuvent l'alternance politique et le renouvellement en douceur de la classe dirigeante (sic), examinons, à présent, ses réponses, s'il en est, à la position prise par l'auteur dans sa première contribution.

Premièrement. Dans quel pays d'Afrique, la limitation de la durée du mandat Présidentiel n'a pas contribué à y promouvoir (sic) la démocratie et s'y est avérée (sic) mortifère ?, s'interroge le Journaliste-écrivain. Au Sénégal, le peuple n'a pas eu besoin de cette trouvaille pour préférer Me Abdoulaye Wade au Président Abdou Diouf, ni pour porter son choix sur Macky Sall face à Abdoulaye Wade, son père spirituel, qui venait de réussir un coup de maître, en abrogeant, de la Constitution, la disposition incriminée. Inversement, au Rwanda, le peuple est revenu sur sa parole, en consentant à abroger la limitation de la durée du mandat présidentiel, pour permettre au Président Kagamé de briguer un troisième mandat, eu égard à son bilan à la tête de l'Etat, qui est salué par tous.
Deuxièmement. () Dans un pays de plus de 20 millions d'habitants en 2015, sous-entendre qu'il pourrait se trouver dans moins de quinze ans, qu'aucun Ivoirien ne soit capable de diriger le pays relève soit de la mauvaise foi, soit de l'injure pour soi-même (), fait observer le Journaliste-écrivain, sans la moindre nuance.

D'abord, soit dit en passant, ayant annoncé, à maintes reprises, son départ du pouvoir, au plus tard en 2020, le Président de la République ne saurait être visé, ni concerné, personnellement, par la révision constitutionnelle, qu'il s'agisse de la limitation de la durée du mandat dont l'évocation même de l'idée de la remise en cause suscite une crise d'urticaires à André Silver Konan, ou des () autres dispositions conflictuelles de la Constitution, qu'il se contente, discrètement et sans conviction, de dire soutenir, du reste du bout des lèvres.

A présent, l'argument, s'il en est, consistant en quoi ?, une accusation de présomption d'incompétence contre 20 millions d'habitants que compte la Côte d'Ivoire, en 2015, imputée, à faute, à l'auteur. Mauvaise foi ou naïveté coupable ? Probablement la seconde hypothèse. Sinon, le Journaliste-écrivain devrait savoir que la fiction a de tout temps été un outil de prévision de l'avenir, comme l'écrit Jacques Attali, dans son ouvrage Peut-on prévoir l'avenir ?

En 2000, Laurent Gbagbo considéré comme un opposant professionnel est devenu Président de la République, au grand dam des observateurs les plus avertis et des () cadres aux qualités redoutables qui peuvent former autant de gouvernements que de semaines dans l'année (). Comment ? Par la voie du suffrage universel, sans doute dans des conditions qu'il a lui-même qualifiées de calamiteuses. Pourquoi ? Face à lui, il n'avait aucun cadre () aux qualités redoutables, certains ayant été déclarés, honteusement, inéligibles, notamment les Présidents Aimé Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara et le Ministre Lamine Fadiga et les autres peu portés sur la politique n'ayant pas fait acte de candidature. En 2015, Charles Konan Banny, dont le Journaliste-écrivain était, dit-on, l'un des conseillers de l'ombre, a dû user d'artifices pour éviter une deuxième humiliation après sa débâcle à la tête du Gouvernement de 2005 à 2007, en se retirant de la course à la présidentielle, sous les railleries du bas peuple. Or, quel ivoirien peut douter des compétences techniques de banquier central de cet ancien Premier Ministre de douloureuse et triste mémoire ? Leçon des choses : les cadres aux qualités redoutables () dont pourrait regorger la Côte d'Ivoire, dans quinze ou trente ans, peuvent ne pas s'impliquer dans la politique ou s'avérer être de piètres politiques ; les grands esprits que l'humanité a connus n'ont pas été des grands politiques de leur temps, y compris le Maître, lui-même, qui a conseillé les Princes, Nicolae Machiavel ; en revanche, des personnes peu instruites, tel Lech Walesa, ont dirigé leur pays de façon admirable et ont marqué leur temps. Enfin, l'auteur confesse ses limites et assume ses réticences quant à ses propres capacités d'homme d'Etat. Si beaucoup de ces brillants cadres (africains ou ivoiriens), aux qualités redoutables (), tel le Journaliste-écrivain, avaient un brin ou une once d'humilité, en faisant le départ entre la compétence technique ou technocratique et l'aptitude politique à gérer les affaires de l'Etat, de nombreux pays d'Afrique, la Côte d'Ivoire y compris, auraient été préservées de bien de tourments, pour être à un niveau de développement comparable à celui des pays d'Amérique, d'Asie et d'Europe classés actuellement comme des pays émergents.

Répétons. Dans l'écrasante majorité des démocraties stables au monde, la limitation de la durée du mandat présidentiel n'est pas inscrite dans la Constitution. Elle résulte de la pratique, qui revêt deux modalités :

? Soit, le Président sortant décide de ne pas se présenter pour un troisième mandat, par pure élégance politique, pour soutenir un cadre de la même formation politique que lui ;
? Soit, la formation politique dont est issu le Président sortant investit, après deux mandats successifs, un nouveau candidat, qui peut être élu.

Cette pratique est conforme à l'idée que seul le Peuple est souverain. Son choix n'a pas à être limité à une short-list de candidats dont le seul mérite serait de n'avoir jamais dirigé le pays, au risque de se voir contraint de confier son destin à un Président par défaut.

Les vérités d'hier ne sont pas celles d'aujourd'hui. A l'ère du numérique, les Peuples ont pris la pleine mesure de leur pouvoir. Avec ou sans limitation de la durée du mandat présidentiel dans la Constitution, aucun Président de la République ne peut se maintenir au pouvoir, après un ou vingt mandats, contre la volonté du Peuple, dans ce monde totalement intégré dont les citoyens communiquent, en temps réel et dans la cohue, par Facebook, WhatsApp, Viber, Twitter . Les soulèvements populaires dans les pays arabes baptisés de printemps arabes en sont la preuve éloquente.

Concluons. Sans monter sur un quelconque piédestal, il suffira de renvoyer le Journaliste-écrivain à son syllabaire sur la démocratie. Selon le mot très inspiré et bien à propos de l'Avocat Marc Bonnat : au centre consubstantiel de (la) démocratie, (il y a) une valeur majeure : c'est la liberté d'expression (). La liberté d'expression est centrale et cardinale (). Tout ce qui la menace nous paraît mortifère (). En démocratie, on peut même être démesuré ou haineux dans nos critiques sans que rien ne nous arrive (). Ainsi, ce qui fait le charme de la démocratie est la liberté que je dois reconnaître à l'Autre de débattre de tout, y compris du sexe des anges. En démocratie, il n'y a pas de sujet tabou. C'est pourquoi, les réticences du Journaliste-écrivain à aborder la question de l'abrogation de la limitation de la durée du mandat présidentiel font penser que sous l'apparence d'un jeune, il est en réalité le clone de demi-citoyens des années 1960.

Pour le reste, entre la dictature déguisée et l'alternance au moyen des armes, nous faisons, clairement, le choix de la Liberté de choix du Peuple, qui ne s'accommode pas de la limitation des candidats par la limitation de la durée du mandat présidentiel. Ce choix est conforme au rêve d'un Ivoirien Nouveau, citoyen du Monde, de son Temps, ayant l'esprit critique, libre de toute emprise partisane, religieuse ou tribale et responsable de son Destin.


CISSE Ibrahim Bacongo

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