mardi 19 janvier 2016 par L'intelligent d'Abidjan

La forêt classée de Bossomatié située dans le département d'Abengourou dans la localité d'Appoisso n'a plus fière allure. Elle connaît une destruction progressive par des occupants illégaux estimées à environ 5000. Ceux-ci seraient majoritairement des ressortissants de la communauté des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), selon les populations rurales. Une situation qui perdure depuis la crise postélectorale de 2010 au vu et au su de l'ensemble des autorités administratives et politiques.
A Appoisso, le sujet n'est pas tabou et ne fait l'ombre d'aucun doute. La pénétration dans le patrimoine forestier de l'Etat par des personnes étrangères au village fâche. Adou Kablan Julien, président des jeunes dudit interrogé sur le sujet ne dit pas le contraire. Pour lui, la situation est alarmante : à l'heure où je vous parle, la forêt classée est en train d'être détruite. Les gens arrivent de partout et sont généralement des Burkinabés et des Maliens. Les dozos ne sont pas dans la forêt nous a répondu le leader de la jeunesse. Cette réalité, Kouassi Jean-François également président des jeunes de Pokoukro, village situé à près de 2 km de cette forêt classée surenchérit Nous voyons des camions qui arrivent à chaque fois transportant des personnes que nous ne connaissons pas. Lorsqu'on demande à certains d'entre eux, ils disent qu'ils sont de nationalité malienne ou burkinabé. Face à cette situation, à plusieurs reprises, j'ai informé le sous-préfet. Il n'est pas normal que des non nationaux viennent exploiter la forêt classée et que personne ne dise mot s'est désolé ce leader de jeunesse. Quant à Eba Assiedou, présidente des femmes d'Appoisso, elle lance un cri de détresse la forêt classée est en grande partie exploitée par des clandestins. Nous souhaitons que l'Etat prenne ses responsabilités .

Les agents de la Sodefor accusés de corruption
Selon des sources, les agents de la Sodefor favorisent le phénomène de la déforestation en fermant les yeux. Ils sont accusés en effet de corruption. Une situation qui a engendré parfois des révoltes contre ces agents de l'Etat. C'est ce que nous fait savoir le président des jeunes d'Aboisso : les personnes que nous avons souvent interpellées sont généralement des Maliens ou des Burkinabés. Mais le drame, c'est que lorsqu'elles sont emmenées à Abengourou, quelques jours après, elles reviennent et retournent dans la forêt classée sans être inquiétées. Nous avons à plusieurs reprises posé le problème à la Sodefor. Mais celle-ci nous a répondu qu'elle est confrontée à des problèmes de véhicules et de logistiques a-t-il déploré. Un avis partagé par la responsable de la gent féminine. Elle dénonce la complaisance des agents assermentés. Nous avons décidé de prendre nos responsabilités parce que les agents des Eaux et Forêts ne font pas leur travail. Ces clandestins abattent des arbres dans la forêt et aucune autorité ne dit mot. Ces personnes tuent les éléphants et font ce qu'elles veulent. Nous avons tenu plusieurs réunions pour les interpeller sur ce qui se passent dans la forêt classée mais rien n'a changé s'est-elle désolée.

Des villageois pris en otage et molestés par les clandestins en présence des agents des Eaux et Forêts
Ils sont environ une vingtaine de personnes à avoir été bastonnées par des clandestins. Traoré Mamadou, une des victimes explique sa mésaventure qui est partie de sa volonté de faire une incursion dans l'univers des clandestins. Une décision prise à la suite d'une réunion avec le chef du village : nous avons tenu une réunion à la cour royale, et il a été décidé que chaque communauté donne une dizaine de volontaires pour aller détruire les champs de cacao dans la forêt. Arrivés sur les lieux, on entendait des cris de partout. Ils sont sortis de plusieurs endroits. Ils nous ont entourés. Parmi eux, certains étaient armés de fusils calibre 12. Face à la menace, le capitaine des Eaux et Forêts qui nous accompagnait nous a conseillé de ne pas paniquer. Les assaillants nous ont dit qu'il n'avait pas affaire aux agents puisqu'ils sont dans leurs droits de rentrer dans la forêt. Ils se sont mis à nous bastonner à l'aide des bois et des machettes. Nous avions eu la vie sauve grâce aux agents de la Sodefor. Le responsable des Eaux et Forêts a engagé les négociations. Elles ont duré plusieurs heures avant qu'ils nous autorisent à retourner au village a expliqué ce témoin des faits. Ce dernier a ajouté qu'une fois rentrés au village, les blessés parmi eux se sont rendus au centre de santé urbain d'Appoisso pour des soins. Ils ont exigé des certificats médicaux.
Interrogé sur l'affaire, Dr Amany Jean-Marie, médecin-chef du centre de santé urbain a confirmé avoir délivré des certificats médicaux pour coups et blessures : effectivement, j'ai reçu des individus environ une quinzaine. Ces derniers disent avoir été bastonnés par des clandestins dans la forêt classée. Dans l'ensemble, il n'y avait pas de blessés graves à part un seul qui avait été touché au bras à la machette a précisé le médecin.

Le cri du c?ur du chef de village
Nanan Koffi Jean avoue son impuissance face à la déforestation exponentielle du couvert forestier. Toutes ses démarches auprès des autorités administratives pour endiguer le fléau sont restées platoniques: les gens viennent de Vavoua, de Duekoué et surtout ceux qui ont été chassés du mont Péko, beaucoup se dirigent massivement ici. Nous souhaitons le retour de la Coopération Allemande car si rien n'est fait d'ici peu, nous n'aurons plus de forêt classée. Il y a déjà quatre éléphants qui ont été abattus et nous avons signalé tout cela. Avec nos maigres moyens, souvent nous essayons de pénétrer la forêt avec l'appui de la Sodefor, mais nous ne pouvons pas faire grand-chose puisque nous apprenons qu'ils sont au nombre de 4000 voire 5000 occupants. Ils sont arrivés surtout après la crise postélectorale par vague successive s'indigne le chef de village. Pour l'autorité coutumière, la seule voie de recours est une décision gouvernementale à l'instar de celle du mont Péko pour une solution durable en vue de la préservation des acquis des investissements allemands dans le massif forestier. Il faut une action d'envergure comme celle du mont Péko pour pouvoir les déloger. Il y a certains qu'on prend, mais à notre grande surprise. Ils retournent ici parce que les autorités de la Sodefor estiment que, selon leur code forestier, il faut prendre le contrevenant sur les faits .

Yapo Constant, Directeur régional de la Sodefor : personne n'est venu se plaindre avec des preuves
Selon le premier responsable régional de la Sodefor, les accusations de corruption portées contre ses agents sont à vérifier. Relativement aux clandestins, il fait observer que les fautifs qui tombent dans leurs filets sont conduits devant les tribunaux : tous les clandestins que nous prenons en forêt classée, nous les conduisons devant le parquet. Maintenant, s'agissant de la corruption dont il est question, chaque agent de la Sodefor a signé un code de bonne conduite et chaque agent est tenu de se conformer au règlement intérieur de la Sodefor a martelé le premier responsable. Et d'ajouter que tout agent qui s'inscrirait en contraction avec les valeurs éthiques qui régissent la société d'Etat est passible de sanctions disciplinaires prévient : tous les agents qui sont pris en flagrant délit sont automatiquement traduits devant le Directeur général. Nous aussi, nous menons nos enquêtes pour avoir les preuves de corruption et s'ils s'avèrent que nos agents sont trempés dans la corruption, nous avisons le Directeur des ressources humaines pour qu'il prenne des décisions. Nous demandons à tous les riverains de collaborer avec les agents parce que si la forêt disparaît, c'est leur bien qui disparaît. C'est aussi le bien de l'Etat qui disparaît. Nous avons des échos de corruption, mais personne n'est venu se plaindre de façon formelle avec des preuves a martelé Yao Constant. Au sujet des personnes agressées par les occupants, il a indiqué avoir qu'il eu connaissance des faits. Il a fait savoir a un plan pour mettre de l'ordre dans les forêts classées illégalement occupées.

Ernest Famin

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