vendredi 22 janvier 2016 par L'intelligent d'Abidjan

Yébouet Yao est le président de l'Association des producteurs de caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire (APPROCAN.CI). Quelques jours après le lancement de la campagne de l'hévéa, il nous a accordé une interview. Les causes de la chute des prix du latex, l'affaire Wadjas Hones et la santé de l'organisation ont été abordées

La campagne de l'hévéa vient d'être lancée avec 246 FCFA le prix du kg. Cela est source de grincements de dents chez les producteurs
Ce prix n'est pas rémunérateur parce qu'en son temps, dans le passé, le prix allait jusqu'à 1000 FCFA. Et aujourd'hui, nous sommes à 246 FCFA. Mais ce prix n'est pas le fait de l'Etat. Ce n'est pas non plus le fait du Président Alassane Ouattara. Certains disent qu'aux temps du Président Gbagbo, le prix était bon. Là n'est pas le problème. C'est une affaire du marché international. Les prix sont cycliques. Nous avions connus ces prix dans les années 1993-1994. C'était pire que maintenant. A cette époque, on a frôlé la barre de 85 FCFA le kg. Mais après la dévaluation du FCFA, il y a eu la flambée des prix. Cette situation de prix bas nous a poussés en son temps à nous organiser. Il était question pour nous de faire sortir notre production en fond de tasse. En collaboration avec certains amis opérateurs économiques, nous nous sommes organisés. Avec cette organisation, nous avions pu vendre notre production en Malaisie. Le kg a été payé à 125 Fcfa au lieu de 85 CFA. Les années qui ont suivi, nous avons demandé la libéralisation. Des études ont été menées et ces études ont déterminé le Drc (l'eau contenue dans le fond de tasse). Donc on a convenu de donner pour le planteur 61 % et les usiniers 39%. Mais Il y a beaucoup de facteurs qui sont entrés en ligne de compte et qui font que le producteur sent un coup au niveau du prix.

Quels sont ces facteurs ?
Lorsque le prix du pétrole descend sur le marché international, les industriels préfèrent se ruer sur cette spéculation parce ce qu'on y trouve du caoutchouc synthétique. Le caoutchouc synthétique devient dans ces conditions plus prisé parce moins couteux que le caoutchouc naturel. C'est l'une des raisons pour lesquelles dans l'ancien temps, il y avait un stock régulateur dans les grands pays producteurs de caoutchouc naturel. Avec cet instrument, ils parvenaient à réguler le prix. Malheureusement, ce stock n'existe plus.

Comme solutions, certains préconisent la stabilisation
La stabilisation comme solution n'est pas la meilleure offre à mon sens comme certains le disent. Ce système est beaucoup complexe. La stabilisation ne se fait pas avec de l'argent emprunté. Ce sont vos propres moyens que vous logez dans un compte. Ce fonds peut servir à faire la stabilisation. Nous avons connu cette expérience malheureuse avec le Fonds de solidarité hévéa.

Beaucoup estiment qu'il y a trop de taxes dans la filière hévéa.
Effectivement, il y a beaucoup de taxes et nous souffrons beaucoup de cette situation. A un moment donné, même les usiniers à qui il a été institué 5% sur leurs chiffres d'affaires ne tenaient plus. La conséquence, c'est qu'ils ne pouvaient plus acheter nos fonds de tasse. L'Etat a finalement été obligé d'assouplir sa position car cette taxe a fait perdre environ 35 milliards FCFA aux entreprises. Avec cette taxe, beaucoup d'entreprises n'ont pas pu étendre leur unité afin d'absorber la totalité de la production. Nous en tant que producteurs, nous payons 2,5% sur notre production, cela est trop.

Qu'avez-vous entrepris face à cette situation ?
Nous avons demandé à l'Etat de tout faire dans la nouvelle monture que le Firca a lancée, de prendre au moins 1 FCFA et de revoir aussi la taxe des usiniers notamment sur le carburant. Sinon la situation des producteurs est très difficile puisqu'en fin de compte, nous ne gagnons pas grand-chose avec toutes ces taxes.

Vous aviez parlé du fonds de solidarité, où en est-on avec ce fonds?
Il a été détourné. Celui qui était en tête à transformé le fonds en une association. Nous avions intenté une action judicaire contre lui, mais elle est restée jusque là sans suite. Au moment où les prix étaient bons, nous avions cotisé 11 FCFA par kg. Nous avions pu mobiliser près de 5 milliards de FCFA. Il a été décidé avec cette somme, de faire des petites unités de transformation. Mais c'est seulement une seule unité qui a été créé. Plus grave, l'usine n'était plus une propriété des producteurs mais d'une seule personne. Aujourd'hui l'usine a été vendue sans notre consentement.

L'ancien président Wadjas Honest a été démis à la suite d'une assemblée générale extraordinaire en Août 2015 et une action en justice a été intentée contre lui pour malversations financières d'environ 700 millions. A quel niveau êtes-vous arrivé ?
Nous sommes en justice et je ne voudrais pas m'étaler sur le sujet. Seulement ce que je voudrais vous dire, c'est que nous n'avons pas chassé Wadjas, ce sont les textes qui l'ont chassé. Ce n'est pas un problème de personne. A un moment donné, on a constaté que conformément à nos textes, l'orientation qu'il donnait à notre organisation n'était pas normale. Nous lui avons demandé les comptes et il n'a jamais voulu nous faire le bilan, voici tout le fond du problème.

Comment se porte aujourd'hui votre organisation ?
L'Approcan.ci se porte très bien. Tous les administrateurs sont là, à part quelques uns qui sont partis. Le problème, c'est que le ministère de l'Agriculture a suspendu toutes nos subventions mensuelles suite à une plainte de la part de certaines associations. Ces dernières estimaient anormal que ce soient seulement deux associations qui bénéficiaient de la subvention.

De nombreux griefs sont exprimés contre les usiniers par les producteurs. Ils estiment être victimes de vol de fond de tasse.
C'est vrai que les gens se plaignent, mais nous sommes condamnés à vivre ensemble. Si tu as un produit, il faut bien le vendre. Je crois que sur la question, nous devrons mener une étude sur une période afin de déterminer une moyenne relative à la quantité que doit contenir un fond de tasse. Je ne défends pas les intérêts d'un usinier, mais au sein de l'Appromaci, nous avons des discussions régulières. Lorsque ça ne va pas, nous tapons sur la table parce qu'en tant que producteurs, nous avons le droit de revendiquer, mais il y a la manière de revendiquer.

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