dimanche 28 fevrier 2016 par Alerte Info

"La coiffure m'a appris à être patient avec mes élèves", explique Alex Koutou, un professeur ivoirien de 42 ans, installé confortablement dans le fauteuil des clients de son salon de coiffure pour hommes à Abobo (nord Abidjan).

Devenu enseignant d'espagnol dans une école privée à Abobo, il continue, après ses cours, de recevoir ses clients dans son salon en baraque peint en blanc et recouvert à l'intérieur de papier peint de couleur blanc et noir, à 300 mètres du grand marché du même quartier.

Passionné par ce métier, il n'a "aucun complexe" à revêtir sa blouse blanche de coiffeur car, "à un certain moment de la vie il faut pouvoir surmonter certains complexes".

20 ans plus tôt, dans les années 1986-1987, il débute la coiffure à Agnibilékro, dans l'Est de la Côte d'Ivoire, où il a fait une partie de ses études secondaires.

"Séduit par cette nouvelle façon de coiffer avec un peigne et une lame à raser, je me suis dit qu'il faut que j'apprenne à coiffer, c'est comme ça que c'est parti".

Alors élève au collège d'Agnibilékro, pendant les congés scolaires dans son village à Amoriakro, dans le département d'Agnibilékro il coiffait "tous les élèves" contre une cigarette à moins de 50 FCFA.

Victime d'un accident de la circulation sur l'axe Abidjan-Daloa en 1992, année du décès de son père, ce que M. Koutou faisait "de façon désintéressée" va prendre un autre tournant.

Devenu orphelin, il décide dès lors de construire une baraque pour en faire un salon de coiffure avec un fond de 6.500F, pour se faire une économie en vue de reprendre le chemin de l'école qu'il avait quitté dans la foulée du décès de son père.

"La première journée j'ai eu une recette de 750 FCFA, puis plus de 1.000 FCFA le lendemain " se souvient-il, l'air nostalgique. Ces gains lui ont permis de reprendre les cours et d'obtenir son bac en 1993 au collège de Tengréla (Nord).

De retour à Abidjan, il continue sur sa lancée. Orienté en faculté d'espagnol à l'université Félix Houphouet-Boigny (FHB) de Cocody (Est d'Abidjan), il coiffe après ses cours pour subvenir à ses besoins mais aussi pour financer les études de son frère, aujourd'hui cadre dans une entreprise.

A trente ans, il obtient un contrat dans une école privée pour enseigner l'espagnol après un diplôme de maîtrise dans cette langue en 2001, à l'université FHB. Ce n'était pas son projet initial "mais dans la vie on ne peut malheureusement pas obtenir ce qu'on veut, à défaut de ce qu'on veut on se contente de ce qu'on a".

"Quand j'ai été orienté en espagnol, mon rêve était d'être diplomate. J'ai tout essayé mais malheureusement ça n'a pas marché, l'enseignement s'est imposé à moi à un moment de ma vie", avoue Alex Koutou, aujourd'hui père de cinq enfants.

Depuis onze ans qu'il enseigne, cet atelier de coiffure le "soutient financièrement", en complément de son salaire qu'il juge peu suffisant

Après avoir débuté avec une recette de 750 FCFA, il réalise aujourd'hui entre 4.500 et 6.000 FCFA les jours ouvrables et 10.000 FCFA les week-ends.

Mais derrière cette satisfaction, Alex Koutou, "caresse toujours" son rêve d'être diplomate et continue de guetter "l'occasion". "Quant à ma passion, je ferai tout pour être là, je ne me gênerais pas", assure-t-il.

EFI

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