dimanche 13 mars 2016 par AFP

Grand-Bassam (Côte d'Ivoire), 13 mars 2016 (AFP) - Le corps d'un jeune
homme, le visage déformé par un impact de balle, git sur la plage de
Grand-Bassam. Il fait partie des 14 civils tués dimanche, ainsi que deux
militaires ivoiriens, par des jihadistes qui ont semé la terreur dans la
station balnéaire prisée des habitants d'Abidjan.
Autour de lui, des hommes en tenue blanche inspectent le corps pendant que
des badauds prennent des photos avec leurs portables. "C'est un enfant",
souligne l'un d'entre eux.
A quelques mètres du jeune homme, sous un "maquis", une des paillotes qui
se succèdent le long de la plage, des médecins retournent le corps d'une femme
en maillot de bain. Plus loin, un homme en chemise est étendu, les bras en
croix. "C'est un des terroristes. Il a pris une balle perdue, tirée par ses
amis", dit Virginie Napo, serveuse d'un bar voisin.
"Ils sont venu gâter notre pays", crie, méprisant, un témoin, alors que la
Côte d'Ivoire avait été jusqu'ici épargnée par les attentats jihadistes. Deux
autres corps sont à proximité.
Militaires et policiers en armes parcourent les lieux en permanence et en
mer, un zodiac de l'armée sillonne le rivage pour chercher d'éventuels corps.
A quelques centaines de mètres, des milliers de personnes attendent de
l'autre côté du pont qui sépare la nouvelle ville du quartier "France", la
vieille ville classée au patrimoine de l'Unesco. Ils applaudissent les forces
de l'ordre qui ne cessent d'affluer sur des lieux.
"Au début on a cru que c'était des pétards de jeunes, puis on a compris que
c'était des jihadistes. Ils ont commencé à tirer sur tout le monde", explique
Gisèle Kouao, vendeuse sur la plage.
A l'Étoile du sud, visé par les assaillants, les serviettes des baigneurs
sont abandonnées autour de la piscine de cet hôtel de luxe, fréquenté par une
clientèle occidentale. Une balle s'est logée dans la vitre du réfrigérateur du
bar. Par terre, une immense flaque de sang. Une personne "blanche ou
libanaise", selon un employé, a été tuée après avoir tenté de se réfugier
derrière le comptoir. Elle "a été tuée à bout portant", selon un policier. Le
bilan aurait pu être encore plus lourd car les assaillants avaient aussi des
grenades.

- 'On a pensé au Bataclan' -

Abbas El-Roz, commercial d'origine libanaise, était à la piscine de l'hôtel
au moment de l'attaque. "J'ai vu un des assaillant de loin, raconte-t-il. Il
avait une Kalachnikov et une ceinture de grenades. Il cherchait des gens". Il
s'est alors réfugié dans sa chambre avec trois amis pour attendre les secours.
Carine Boa, une Belgo-Ivoirienne, était dans un "maquis" avec ses deux
fils. "On nous a dit que c'était une dispute entre deux patrons de bar, puis
que c'était plus grave. On s'est réfugiés dans une petite remise. On était une
vingtaine", raconte cette enseignante au lycée international Jean Mermoz
d'Abidjan, venue passer la journée à la plage.
"On avait très peur. On a pensé aux gens du Bataclan", dit-elle en
référence à l'attaque jihadiste de la salle de concert à Paris le 13 novembre,
qui a fait 90 morts.
"Je croyais que c'était notre dernière heure. On se dit toujours que ces
choses ne peuvent pas arriver", souffle-t-elle.
Dans la vielle ville, protégée par les forces de l'ordre, Marie-Claire Yapi
est en pleurs avec son jeune fils. Dans la panique, elle a été séparée de son
bébé de neuf mois et de sa soeur. "On a vu un des hommes (celui tué sur la
plage), raconte-t-elle. Il avait une Kalachnikov. Même touché, il avait encore
envie de tuer. Un homme m'a dit +Ne restez pas là. C'est du sérieux. Ils tuent
tout le monde+".
Devant elle, Koumena Kakou Bertin témoigne, en état de choc, le T-shirt
maculé de sang. Les assaillants "arrosaient et criaient Allah Akbar" (Dieu est
grand en arabe). L'un d'eux "achevait les gens à terre".
Des dizaines de survivants en maillots de bain ou tout juste protégés par
des sacs de plage sont escortés par les militaires. Les visages sont défaits,
certains tremblent. Charlotte Yao, vendeuse, avoue: "On a eu peur, on a
beaucoup pleuré".
pgf/cyj/so

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