samedi 10 decembre 2016 par Le Quotidien d'Abidjan

Le collectif des cabinets et Organisations non gouvernementales (ONG) ayant contribué à la réinsertion sociale des ex-combattants ne sont pas contents du traitement qui leur est réservé dans le règlement de leurs factures. Dans cet entretien, Martin Assaouré, l'un des responsables des structures d'exécution (S.E.) invite le gouvernement à ouvrir les yeux sur ce dossier pour sauver des familles en détresse.

Quelles sont les raisons qui ont poussé vos agents à manifester devant la préfecture de Duékoué ?
Ces manifestations sont l'expression d'un ras-le-bol de nos collaborateurs sur le terrain parce que cela fait plusieurs mois qu'ils ne sont pas payés. Nous, leurs employeurs avons exécuté un travail dont les factures restent jusque-là impayées malheureusement. Nous n'avons pas eu une oreille attentive auprès de Monsieur Ago Christian, le coordonnateur de la Cellule de Coordination du Suivi et de la Réinsertion (CCSR), alors qu'il nous a dit dans les anciens locaux de sa structure sis aux Deux Plateaux, avoir reçu depuis le 15 mars 2016 l'argent qui devait servir au paiement des prestataires de service que nous sommes.

Dans quel cadre ont eu lieu les prestations de service dont vous parlez?
C'est dans le cadre de la réinsertion des ex-combattants. Les admis à l'appel d'offres ont reçu un certain nombre d'ex-combattants à insérer dans le tissu social. Il fallait constituer des dossiers physiques. Et les préfets de région étaient nos partenaires sur le terrain puisqu'ils devaient signer les fiches de recherche de financement à la réinsertion des ex-combattants. Ce travail a été fait avec les points focaux de la CCSR. C'est tout ce travail que Monsieur Ago remet en cause estimant que ni l'autorité préfectorale, ni nous-mêmes, n'avons rien fait. Si tel est le cas, qu'est-ce qui explique donc que la communauté internationale envie le résultat de ce travail ? La réinsertion des ex-combattants et le DDR est une réussite en Côte d'Ivoire. Remettre en cause tout ce travail, c'est faire preuve de mauvaise foi. Monsieur Ago Christian en fait à sa tête, nous n'accepterons pas de nous laisser marcher là-dessus comme il le fait.

A combien s'élève le montant des factures impayées que vous doit l'ex-ADDR ?
Ce montant tourne autour de 774 millions de FCFA. Avant de nous payer, Monsieur Ago a exigé une évaluation des structures d'exécution (S.E.). A l'issue de cette évaluation menée par ses propres collaborateurs, une ponction a été effectuée sur les dus de certains cabinets prestataires. De 774 millions de FCFA que l'ex-ADDR doit, on est retombé à près de 540 millions de FCFA. Ces chiffres peuvent ne pas être exacts parce que nous sommes plusieurs cabinets mais nous avons appris que certains cabinets qui lui sont proches ont été discrètement payés. Nous ne pouvons pas accepter cela. Pourquoi deux poids deux mesures pour un même travail qui a été fait dans des conditions que nous savons difficiles ? Le milieu des ex-combattants et les risques qui entourent leur resocialisation sont difficiles. Nous attendons que Monsieur Ago paie notre argent.

Y a-t-il un lien entre les mouvements de protestation annoncés à Duékoué et l'action que vous avez entreprise devant les locaux de la CCSR le mardi 6 décembre dernier?
Il est clair que certains de nos agents à qui nous avons fait la promesse de les payer ne nous croyant plus ont décidé de se faire entendre devant la préfecture de Duékoué. Nous souhaitons que quelque chose soit fait rapidement afin de répondre à leurs besoins et à ceux de leurs familles en cette fin d'année.

Le collectif a-t-il entrepris des démarches auprès du coordonateur du CCSR pour savoir la conduite à tenir ?
Nous ne comprenons pas l'attitude du coordonateur. Il nous a dit que la Banque Africaine de Développement (BAD) a décaissé de l'argent pour nous payer, mais il ne le ferait pas tant qu'il ne fait pas un audit. Nous sommes tombés d'accord sur le principe pour éviter de perdre du temps dans le paiement de nos factures, parce que nous travaillons sur fonds propres. Je précise qu'au temps de Monsieur Sarassoro, nous percevions des avances pour démarrer nos tâches. L'arrivée de Monsieur Ago a bouleversé tout le système si bien que nous étions obligés de nous endetter auprès de nos banques pour préfinancer nos actions sur le terrain pour certains d'entre nous. Nous avons approuvé l'évaluation qu'il a ordonnée parce qu'on voulait rentrer rapidement dans nos fonds pour soulager nos employés. Mais Monsieur Ago ne s'est pas manifesté jusqu'à ce qu'on proroge le contrat de la CCSR au 30 août 2016 alors que cela prenait fin initialement le 30 juin 2016. A notre grande surprise, nous avons été informés que certains de nos collègues ont été payés discrètement. Nous avons dénoncé une telle pratique, en conférence de presse, le 25 août dernier, parce que cela n'honore pas les gens commis à faire la promotion de la bonne gouvernance. Comme M. Ago refuse de nous payer, l'affaire a été portée devant l'inspectorat général d'Etat. Là-bas encore, Monsieur Guiro Léon reçoit à trois reprises Monsieur Ago sans associer les cabinets prestataires.

Que devait être le rôle de l'inspectorat général d'Etat dans cette affaire ?
Monsieur Guiro Léon est l'inspecteur d'Etat en charge du dossier du collectif des cabinets. Lors d'une réunion le 26 octobre dernier, Ago Christian nous a informés que c'est désormais Monsieur Guiro qui doit donner l'ordre pour qu'il procède au paiement de nos factures. Il nous a même signifié qu'il avait fini de signer les chèques et qu'il n'attendait que l'accord de Monsieur Guiro pour nous payer. Le collectif a donc décidé de rencontrer à son tour Monsieur Guiro mais nous n'avons pas eu gain de cause. Mais nous avons appris de la part de notre porte-parole, Gbamelé Joseph que Monsieur Guiro compte conduire à son tour une autre mission d'évaluation dans toutes les zones du pays fin décembre. C'est incompréhensible ! Ce n'est pas juste qu'on ne nous entende pas avant de décider d'une autre évaluation. Je ne suis pas sûr que l'Inspecteur d'Etat, le ministre Gnamien N'goran soit au courant de cette affaire.

Qu'allez-vous faire après avoir épuisé sans succès toutes les voies de recours ?
Nous avons bon espoir que la situation va évoluer positivement. C'est de l'argent que nous avons investi en nous endettant auprès de nos banques. Nos employés sont impatients de percevoir ce que nous leur devons. Nous allons utiliser tous les moyens légaux pour nous faire payer parce que le préjudice est énorme. Si la situation perdure, nous allons saisir le tribunal du commerce. Car un de nos doyens est actuellement en procès pour avoir occupé des locaux qu'il n'arrive plus à payer. Certains ont eu des accidents de travail et n'ont plus les moyens pour se prendre en charge, d'autres sont même décédés. Ça ne peut plus continuer ! Nous sollicitons l'intervention du chef de l'Etat, Alassane Ouattara pour régler définitivement cette situation. Il y va de la survie des PME. Il y a des prédateurs sans foi ni loi sur le chemin de l'émergence.

Interview réalisée par Serge A. Badet

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