samedi 10 septembre 2016 par L'intelligent d'Abidjan

De par sa situation géographique, la Côte d'Ivoire a toujours été un carrefour pour les nombreux peuples et ethnies d'Afrique de l'Ouest. L'on dénombre, aujourd'hui, plus de 60 ethnies dans le pays, sans compter les autres nationalités venues du monde entier. C'est fort de ce constat que nous sommes descendus dans l'arène pour comprendre, comment cette multitude d'ethnies ou de langues en Côte d'Ivoire pourrait constituer un frein ou un avantage pour la cohésion sociale. Ceci, afin d'assurer le développement harmonieux de la nation.
Pour certains, la pluralité de langues peut être facteur de stabilité politique et de développement économique. Selon le professeur Kassoro Gnaboua, président de l'Académie ivoirienne des langues et des cultures (Ailc) et président de l'Ong Parle (Programme africain pour la réunification linguistique des ethnies), la multitude de langues en Côte d'Ivoire constitue un véritable levier de développement. La langue est importante, parce qu'elle exprime notre culture. Et dans notre culture, nous avons tous les schémas qui permettent de pouvoir appréhender nos rapports avec le monde, nos rapports entre nous. Et, c'est cela, en fin de compte qui fait entrer l'intelligence qui nous permet de mieux vivre et de mieux être, parce que nous maîtrisons notre culture. Et, c'est la culture qui est le substrat sur lequel il faut se baser pour construire le développement , explique-t-il. Avant d'ajouter que la multitude des langues en Côte d'Ivoire peut favoriser une réconciliation vraie, une cohésion sociale durable si on apprenait à se connaître mieux. Car, nous ne pouvons pas vivre ensemble si nous ne nous connaissons pas. La langue est un bien qui nous permet de connaître nos cultures, nos civilisations, nos traditions. C'est à travers la langue que nous exprimons nos cultures. Nos cultures renferment des valeurs , insiste-t-il. Pour d'autres, la crise qu'a traversée la Côte d'ivoire aurait été plus grave s'ils n'existaient que 2 ou 3 langues dans le pays. Car, les messages, mots d'ordre ou plan d'attaques auraient été plus facilement compris et suivis par la population. Pour cette catégorie de penseurs, le Rwanda est l'illustration parfaite de ce qu'une nation ne peut être à l'abri de guerre tribale, si elle n'est composée que de 2 ou 3 langues. Car, chacune de ces populations voudra avoir le monopole. Le Rwanda aurait pu éviter le génocide s'il existait plusieurs langues dans ce pays soutient Aline Konan.

Source de guerre de leadership
A contrario, un pays constitué de plus de 60 dialectes ne peut être stable idéologiquement dans la mesure où les différents peuples qui le composent ne se comprennent pas. Ils ne peuvent pas asseoir une complicité idéologique durable et nationale. Et, les exemples sont légions sous notre ère. Un Ivoirien de l'Est communique difficilement avec un autre du Centre et vice-versa. De cette même manière, un Ivoirien du Nord a du mal à communiquer avec un autre compatriote du Sud. Partant de ce point de vue, il est difficile de bâtir une nation forte et unie. Au-delà, la pluralité de langue constitue un frein à l'adoption ou à l'appropriation d'une langue nationale locale. Ce qui a donc obligé l'Etat à faire du Français, une langue officielle, sachant que certaines populations ne savent ni lire ni écrire. Du coup, elles sont exclues de tout processus de développement ou de tout débat portant sur la vie de la nation. Toute chose qui oblige certains sages à demeurer dans les ?'ténèbres'' avec leur savoir. D'un autre point de vue, cela a créé des guerres de leadership, car chacune des langues revendique la priorité et le monopole sur les autres. En prenant en exemple, quelques pays voisins dont le Sénégal, l'on se rend compte que la langue nationale Wolof, au-delà de la fonction communication, constitue une marque déposée pour ce pays.

Raison historique
Cette diversité ethnique et linguistique est issue d'une longue histoire de mélanges constants, du fait de la colonisation de l'Afrique et des mouvements de populations à travers les pays de montagnes et de forêts. La population ivoirienne s'est soudée au moment de l'indépendance dans les années 1960. Se faisant, les populations retrouvaient chez tous les compatriotes des autres ethnies, de nombreux traits culturels communs qui les unissent. Ce qui constitue la richesse exceptionnelle de la Côte d'Ivoire.

ROK