lundi 21 novembre 2016 par Notre Voie

Diallo Lancina est le chef des dozos d'Abengourou. Il parle dans cet entretien de cette confrérie et porte un regard sur le comportement de certains membres.

Notre Voie : Comment la confrérie dozo est-elle organisée ?
Diallo Lancina : Avant 2002, il n'avait pas d'association formelle dans notre milieu. Chaque localité avait son groupe. Mais lorsque les dozos ont été reconnus officiellement, certains groupements ont déposé leurs dossiers dans les préfectures afin d'avoir leurs récépissés. C'est ce qui a été fait à Abengourou. Ensuite, nous avons adhéré à la confrérie des dozos de Côte d'Ivoire (CODOCI). Après, toutes les confréries ont adhéré à la fédération nationale des confréries des dozos de Côte d'Ivoire (FENACODOCI). Moi, je suis le chef des dozos d'Abengourou. Le chef dozo n'est pas un poste électif ou nominatif. Il est purement spirituel. Seuls ceux qui sont dans le bois sacré en connaissent les critères. Le fétiche commun de tous les dozos est le Dankoun.

N.V. : Depuis combien de temps êtes-vous chef dozo d'Abengourou ?
D.L. : Je suis dozo de naissance de par mon père. A un certain âge, il m'a fait partir au Mali, notre pays d'origine, pour être initié. Dès mon retour, je suis allé à Duékoué. Ensuite, je suis venu à Abengourou au temps où Henri Konan Bédié était au pouvoir. Je suis le premier dozo d'Abengourou.

N.V. : Votre confrérie communale compte combien de dozos ?
D.L. : La confrérie que je dirige a 20 apprenants. C'est-à-dire ceux qui font l'initiation parce que le dozo détient un certain pouvoir mystique. Sinon, j'ai plus de 200 éléments.

N.V. : Recevez-vous des soutiens financiers des pouvoirs publics ?
D.L. : Certains disent que nous sommes payés par mois par le pouvoir Alassane Ouattara. Je m'inscris en faux. En tout cas, à ma connaissance, nous n'avons jamais reçu un centime d'un pouvoir politique. C'est moi-même qui m'occupe de mes apprenants.

N.V. : Quel est le rôle exact d'un dozo dans une société?
D.L. : Le rôle premier des dozos, c'est de sauver les vies humaines. Par exemple, désenvoûter une personne, aider celui qui est dans des difficultés, guérir les malades. Le dozo est un tradi-praticien. En réalité, il n'a pas sa place en ville, mais en milieu rural. Moi, j'étais en campagne. C'est avec l'évolution de la société que je suis revenu ici pour aider les gens malades. Le dozo ne fait pas de mal.

N.V. : Vous affirmez que le dozo ne fait pas de mal. Pourtant, durant la crise, certains ont commis des atrocités. Comment expliquez-vous cela ?
D.L. : Je vous le dis, un vrai dozo ne peut pas faire du mal à quelqu'un. Renseignez-vous bien. Le dozo est l'homme qui respecte son prochain et respecte la vie humaine. Je vais vous éclairer un peu. Les vrais habits des dozos ne se vendent pas n'importe où. Malheureusement, les habits confectionnés dans le Nord de la Côte d'Ivoire font office d'habits de dozo. Quand vous voyez des gens dans cet accoutrement, on dirait des vrais dozos. Ce sont eux qui commettent des bêtises partout dans les villages, campements et hameaux Officiellement, je n'ai pas encore été saisi qu'un dozo a volé, tué ou commis des exactions à Abengourou. Nous avons nos sanctions propres. Car en prêtant serment devant le fétiche, l'initié prend l'engagement de ne pas tuer quelqu'un. Alors, si tu violes cette règle, tu assumeras les conséquences.


Interview réalisée par
Jean GOUDALé