mercredi 1 mars 2017 par APA

Brunot Dogbo Blé, ex-commandant de la Garde Républicaine, a mis en cause, mercredi devant la Cour d'assises d'Abidjan, ?'l'ambassadeur de la France et la force Licorne'' dans ?'l'enlèvement et l'assassinat'' de Yves Lambelin, opérateur économique français et trois de ses compagnons, les appelant à ?'venir comparaître''.

La comparution de l'ex-général était attendue dans ce procès. Commandant de la garde républicaine au moment des faits, Dogbo Blé, déjà condamné dans d'autres procédures, respectivement, à 15 ans de prison et à perpétuité, s'est présenté à la barre, sanglé d'un costume bleu, embonpoint, pétant une forme éblouissante.

Lorsque le juge Mourlaye Cissoko lui donne la parole pour ses déclarations préliminaires sur les faits, l'accusé a exprimé ses ?'compassions' à toutes les victimes et à leurs familles sans oublier ses ?'militaires de la Garde Républicaine'' dont il se dit ?'fier'' qui sont ?'tombés'' comme des hommes.

?'J'ai la conscience tranquille devant vous M. le président. Je suis en paix et j'ai la conscience tranquille. Pas pour frustrer les familles des victimes. Je suis innocent et je prouverai cette innocence?', entame-t-il sa déposition à la barre, articulée autour de ?'trois faits majeurs qui prouveront ce qui s'est passé le 4 avril'', ajoute Dogbo Blé.
Selon lui, la guerre que la Côte d'Ivoire a connue a été déclenchée par la partie militaire, notamment, la force Licorne et l'ONUCI (Opération des Nations unies pour la Côte d'Ivoire).

?'Quand ils ont attaqué les lignes de front avec les chars, le président Gbagbo s'est approché de moi et m'a dit : +les Français sont en train d'attaquer vos camarades au front, mais vous leur demanderez de ne pas toucher aux Français. Ne leur donnons pas ce prétexte+'', rapporte l'ex-commandant de la Garde républicaine.
Depuis avril 2011, poursuit-il, ?'nous savions que les Français cherchaient un prétexte donc nous n'avons pas réagi...''.

Selon lui, quand la situation sécuritaire a commencé à se dégrader, le Chef d'Etat-major de l'Armée (ndlr : le général Philippe Mangou, aujourd'hui, Ambassadeur de la Côte d'Ivoire près de la République du Gabon) a mis en place un nouveau dispositif sécuritaire qui a divisé Abidjan en ?' 6 zones opérationnelles sous l'autorité du Commandant des forces terrestres, le général Detho Letho'', précise-t-il. ?' Ces zones n'ont pas été créées par Dogbo Blé pour tuer les Français'', souligne-t-il encore à la barre.

Sur les faits de l'hôtel Novotel, Dogbo Blé a expliqué à la Cour que ?'c'est un édifice qui se trouve dans la commune du Plateau. Au Plateau, le 4 avril, il y avait des batailles de guerre. Et dans cet édifice, il y avait des Français. Alors comment comprendre que dans un édifice qui se trouve au c?ur des combats, des Français s'y trouvent?'', interroge-t-il.

L'accusé s'étonne que l'ambassade de France n'ait pas envoyé des hommes pour protéger leurs ressortissant avant d'asséner que ?'ceux qui sont allés à Novotel (ndlr : parlant du Commando qui a enlevé les 4 victimes) sont des bandits et non Dogbo Blé. Ils ont opéré avec tout le temps sans que l'armée n'intervienne''.

?'Si moi je voulais tuer les gens, j'allais le faire en dehors de la présidence car partout à Abidjan, il y a beaucoup d'espace pour les tuer pour qu'on n'ait pas de traces'', dit-il.

Selon lui, le commando qui a opéré attaquer n'en est pas un. ?'C'est quoi ce commando-là? Ceux qui sautent les clôtures avec une Kalach? J'en ris. Quand on dit commando c'est nous'', informe-t-il la Cour, appelant ?'l'ambassadeur de la France, le responsable de la force Licorne, le responsable de l'ONUCI, le responsable de l'armée française à Novotel'' à venir témoigner. ?'Qu'on les appelle à la barre'', a insisté Brunot Dogbo Blé.

Yves Lambelin (ndlr : une des victimes), révèle-t-il, était l'ami du président Laurent Gbagbo. ?'C'était un de ses grands amis. Alors le président demande de ne pas toucher aux Français et moi je vois le grand ami de Gbagbo qu'on trimballe et je ne ferai rien. Mais merde, respectons nous...'', s'emporte Dogbo Blé devant la Cour.

'' Les gens disent qu'on a vu Dogbo blé parmi les caméras de la présidence en train de tuer Yves Lambelin, mais c'est faux. Il n'y avait jamais eu de caméras à la présidence. Il n'y a jamais eu de salle de caméras à la présidence. C'est faux'', se défend le militaire.

Selon lui, l'ex-ministre des affaires étrangères Alcide Djédjé ne lui a jamais donné d'ordre pour '' libérer Yves Lambelin et j'ai refusé''.

'' Mais qui est Alcide Djédjé pour me donner un ordre? Je ne suis pas un diplomate. Alcide Djédjé donne les ordres aux diplomates et le ministre de la défense donne les ordres aux militaires'', explique M. Dogbo emporté encore, reconnaissant, cependant, que Alcide Djédjé l'a "effectivement" appelé.

" Il m'a dit : mon général, je viens de recevoir un coup de fil de l'ambassadeur de France . Il me dit que des Français ont été arrêtés et qu'on les a envoyés au palais'', rapporte l'accusé.

'' Et le ministre Djédjé était aux côtés du président quand il m'appelait, alors si je mentais ou si j'avais attrapé les blancs, il rendrait compte au président'', se défend Dogbo Blé qui affirme "être à ce procès pour une question d'honneur et de dignité de grand combattant".

Dans l'après-midi du 4 avril, jour des faits, il déclare '' être à la résidence pour assurer la sécurité du président " quand il a entendu une "détonation".

"Je suis donc descendu et j'ai vu 3 hélicoptères tirer à grandes forces sur le palais. Il y avait un de couleur blanche et deux de la force licorne. C'était des Mi-24...'', raconte l'ancien patron de la Garde républicaine.
"J'ai pris donc mon appareil pour appeler tous mes éléments sur le terrain et je leur ai dit que nous sommes attaqués et qu'ils prennent courage sur le terrain'', a conclu Dogbo Blé, indiquant que "les hélicoptères ont fait plus de 15 minutes sur le palais''.

Huit militaires dont le général Dogbo Blé, ex-commandant de la Garde républicaine et deux civils sont poursuivis en assises, pour avoir non seulement enlevé le 4 avril 2011, à l'hôtel Novotel au Plateau, mais aussi séquestré et assassiné, l'opérateur économique français Yves Lambelin, ainsi que le directeur de l'hôtel Novotel d'Abidjan, Stéphane Frantz Di Rippel, le Béninois Raoul Adeossi et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général de l'entreprise Sania, filiale du groupe Sifca.

HS/ls/APA